Essai
Nouvelle parution
D. Roche, La disparition des lucioles (Réflexions sur l'acte photographique) (rééd.)

D. Roche, La disparition des lucioles (Réflexions sur l'acte photographique) (rééd.)

Publié le par Marc Escola

La disparition des lucioles (Réflexions sur l'acte photographique)
Denis Roche

Date de parution : 19/05/2016 Editeur : Seuil Collection : Fiction & Cie ISBN : 978-2-02-131183-9 EAN : 9782021311839 Format : Grand Format Présentation : Broché Nb. de pages : 200 p.

 

Il ne saurait y avoir de " littérature " de la photographie, car la " littérature " de la photographie, c'est la photographie elle-même. " Cette phrase écrite par Denis Roche dans l'avertissement à La Disparition des lucioles donne le ton de ce livre auquel l'auteur tenait et devenu une référence culte. Il dit là beaucoup de lui-même, de sa démarche autodidacte, de l'installation de quelques idée conceptuelles qui feront dates dans l'histoire de la photographie contemporaine : la photolalie (écholalie photographique) ou l'acte de répéter sans cesse la même photographie au fil du temps ; l'autoportrait à deux où le photographe va et vient dans ses propres cadres ; les jeux de reflets qui donnent des profondeurs étranges au réel.

Tout ceci développé, ainsi que d'autres idées, avec un style unique qui lui était propre, absolument élégant, à cheval entre prose poétique et essai philosophique.

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"Rien n’est plus grave que l’acte photographique. Pour un écrivain, s’y livrer c’est signer chaque fois un « départ d’orgueil ». C’est aussi abandonner à tout bout de champ les simulacres et les stratégies, échapper à la contrainte des persuasions, à la subtilité obligatoire des enchaînements. J’ajouterais même : au savoir-faire, si je n’étais sûr du contraire, sûr qu’il s’agit là d’un leurre qu’on rajoute tous les jours au débat sous une forme différente. Tout gain de liberté (et chaque instantané photographique en gagne) va de pair avec une augmentation de savoir-faire. C’est ça qui fait le style. Et c’est le vertige éprouvé à leur course commune, au sursaut qu’ils font sur l’abîme, qui définit bien sûr cet art.

D’où l’importance accordée tout au long de ce livre – par le biais d’approches voulues aussi diversifiées que le sont l’essai, l’interview, la fiction, le journal intime, ou encore une série de photos commentées comme autant de schémas pensifs – à la prise photographique elle-même, moment de sensation éperdue qui dit textuellement ceci : toute photo est une intelligence qu’épuise une lumière.

Les lucioles disparaissent peu à peu, cantonnées dans quelques réduits occasionnels de la nature. Mais tandis que ces charmants animaux à la lumière se font rares, nous autres photophores prenons le relais. La fabrication des photos ne laisse rien dans l’ombre, et surtout pas l’instant de folie pure qu’abrite le déclenchement de la photo.

Devant la gravité de telles certitudes, l’écrivain que je suis est renvoyé à la solitude, à l’angoisse, à la pénombre de sa durée. Mais à la beauté aussi, circulant entres elles et lui, qui valait bien le voyage.

Chaque photo répète la phrase de Proust : « Nous disions : après, la mort, après, la maladie, après, la laideur, après, l’avanie. »

On verra bien." — Denis Roche

 

Denis Roche (1937-2015) a créé la collection « Fiction & Cie » aux éditions du Seuil en 1974. Cette réédition dans une nouvelle mise en page se fait donc dans son lieu.