Essai
Nouvelle parution
D. Laroque, Sublime et Architecture

D. Laroque, Sublime et Architecture

Publié le par Marion Moreau (Source : Chloé Hardy)

Didier Laroque, Sublime et Architecture

Paris : Éditions Hermann, coll. « Hermann Philosophie », 2010.

134 p.

Prix : 20EUR. 

EAN : 9782705670542.

Présentation de l'éditeur :

Ni le sublime ni l'architecture ne doivent être des domaines restreints aux seuls spécialistes. Bien au contraire, ils se destinent au partage et à la cohésionde la cité.
L'étude que nous proposons, unique en son genre, tente de montrer ce qui joint essentiellement sublime et architecture. Depuis l'époque de Tibère, où le Pseudo-Longin composa probablement la lettre-traité qui en fit le premier éloge, jusqu'aux propos contemporains qu'il suscite, le sublime s'entend généralement comme l'expérience principielle de la vie humaine.
On peut prétendre rapprocher un tel zénith vital de l'architecture lorsqu'elle est conçue selon son sens fondateur, si l'on prend au sérieux le mot architectonia marquant son apparition.
Assemblage d'archè et de technè, il fait entendre la signification originelle d'une production
du principe
. Le sublime réalise donc l'épreuve de ce que l'architecture manifeste.
Il ne s'agit pas, avec le sublime, d'analyser unecatégorie esthétique particulièrement intéressante et séduisante, mais de chercher à reformuler l'esthétique tout entière. Nous soutenons que l'esthétique philosophique n'est pas à même de livrer le sens de l'architecture, et même, qu'à l'inverse, la prise en considération de l'architecture peut fonder l'esthétique, et agir ainsi en faveur d'un nouvel ordre de la cité.

Didier Laroque, architecte DPLG (1982), ancienpensionnaire de l'Académie de France à Rome (1988-1990), docteur en urbanisme (1997), est maître-assistant à l'École nationale supérieure d'architecture Paris-Val de Seine; membre associé au Centre d'histoire de la philosophie moderne (CNRS). Il a été chargé de conférences à l'E.H.E.S.S.(2000-2002). Il a publié deux essais Le Discours de Piranèse (Éditions de la Passion-Verdier, 1999), Le Temple (Éditions Bayard, 2002). Il a dirigé, avec Baldine Saint-Girons, l'ouvrage Paysage et ornement (Verdier, 2005). Il publiera prochainement Réflexions sur l'architecture (Manucius, 2010) et soutiendra le 20 septembre 2010 une Demande d'habilitation à diriger les recherches en esthétique.

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Nicolas Floury propose aux lecteurs de fabula cette note de lecture : 

Ce qui ne peut manquer defrapper, les sens comme l'esprit, à la lecture du livre de Didier Laroque,n'est autre que la puissance du style employé. Nous sommes, en effet, etd'emblée, plongés dans une langue proche de celle de Bossuet. Si le style nousemporte c'est que l'énonciation épouse l'énoncé, la forme étant affine au fondproposé.

Didier Laroque nous démontre eneffet, tout au long de son ouvrage, que l'architecture est une pensée, unepensée qui, conjoignant archè et technè, manifeste en la réalisant unetotalité indivise. L'architecture se confond ainsi avec la science du toutmanifesté qu'est la pensée du sublime. Ou autrement dit encore, la pensée dusublime permet de saisir la qualité de l'oeuvre d'architecture.

L'auteur nous propose en effet troisthèses majeures et solidaires. La pensée du sublime est une science del'éminence manifestée en tant que tout. Elle donne ainsi à comprendrel'architecture en son essence. Elle suggère par là même quelle manifestation dutout pourrait être propre à l'époque moderne.

Il s'agit toujours, pour DidierLaroque, et c'est ce qui rend son livre « absolument moderne », depenser la transcendance avec l'immanence et l'immanence avec la transcendance.Le sublime est en effet pensé comme « le signe pur d'un équilibretrémulant entre sensible et intelligible ». Le sublime est ainsi« manifestation du tout par sa vertu d'équilibre », l'architectureétant alors entendue comme sublime.Est ainsi récusé, lorsqu'il s'agit du sublime, le dualisme corps/esprit, ou« platonisme idéel »/ « bon sens matérialiste ». Car il nes'agit pas tant, nous montre l'auteur, d'opposer les contraires, ou de lespenser dialectiquement comme unité, que de voir à quel point ils communiquententre eux. Il faut, en effet, penser « l'équilibre et la circulation l'undans l'autre des opposés prétendus ». Et c'est précisément ce que permetl'architecture.

Trois modes du dépouillementnous sont présentés et permettent de saisir en quoi la pensée du sublime est « unescience du tout manifesté ». Tout d'abord le dénuement ou « l'implicite désordre existentieloriginel ». La perfectibilité du vivant est en effet la cause du dénuementpropre à l'homme, à partir duquel naît le « manque-à-être » qui luipermet de désirer sans cesse s'élever. Ou autrement dit c'est parce que l'on aconscience de notre imperfection que nous voulons, éprouvant notre dénuement,viser à une vie pleine, une vie coupée de notre seule nature animale. C'estainsi que nous parvenons à vivre en commun en fondant la cité, mais aussi àvivre une vie tournée vers les choses de l'esprit. Vient ensuite la nudité, qui surgit du renversement dudénuement, et qui n'est autre que « le dénuement connu comme totalité ouplénitude ». Enfin, la pensée nue advient,qui n'est autre que l'énonciation même du tout, et qui permet de penser lecorps comme pensif et la pensée comme incarnée.

L'architecture, nous apprendDidier Laroque, est manifestation du principe :« le tout du tout, le tout dont procède le tout, la cause totale dutout ». Elle rend présent l'infini dans le fini. Aussi, au dénuement, à lanudité et à la pensée nue répondent, lorsqu'il s'agit du bâti architecturalcomme tel, l'abri, le temple et le silence dorique. Trois termes qui délivrentl'essence de l'architecture. L'abri en effet dévoile le dénuement de l'hommejeté dans l'immonde du monde : « le manque d'harmonie entre l'hommeet le milieu de son séjour ». Le temple révèle quant à lui la nudité qui« envahit l'abri ainsi qu'un faire-silence ». La pensée nue est ellerendue par le silence dorique, « la silencieuse harmonia dorique : l'aplomb de l'intelligible et du sensibleextériorisant le tout ».

Didier Laroque nous livre ainsià travers sa pensée du sublime une définition inédite de l'architecture. Elleest « la mémoire et la visibilité civique du dénuement surmonté ».Elle est le sublime. Ce qui veut dire, en dernière instance – et il faut toutle déploiement de la pensée de l'auteur en ses chicanes pour le saisir –, que« l'essence du sublime comme de l'architecture est d'avoir uneessence ».

Une fois éprouvées les thèsesprésentées, autant dire qu'il ne sera plus permis de contempler l'architecturede la même manière.

Nicolas Floury