Édition
Nouvelle parution
D. Grojnowski, La Muse parodique

D. Grojnowski, La Muse parodique

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Bertrand Vibert)

Daniel Grojnowski
LA MUSE PARODIQUE
Paris : José corti, coll. "Domaine français", 2009.

424 p.

24EUR

EAN 9782714309426

Présentation de l'éditeur :

Anthologie :
Le Parnassiculet contemporain. Album zutique. Dixains réalistes. La Légende des sexes. Les Déliquescences d'Adoré Floupette.        Mitrophane Crapoussin.

*  *  *

Dans Le Monde des livres du 3/4/9, on pouvait lire un article sur cet ouvrage:

"

"La Muse parodique (anthologie)", de Daniel Grojnowski : avec les mots d'un autre LE MONDE DES LIVRES | 02.04.09 |

Laparodie est un genre littéraire palimpseste. Par essence, elle met enrelation un texte avec un autre, un moqué et un moqueur, un texte et uncritique. Elle se présente immédiatement comme un commentaire, uneréécriture, une extension, voire une excroissance. Par étymologie, elleest "par-ôdia", c'est-à-dire "chant à côté" - d'un autre, forcément.

35326534393030383437353938663730?&_RM_EMPTY_ Depuis toujours, cela suffit à faire d'elleune accompagnatrice de petite vertu, une domestique sansrecommandation. L'idée reçue veut que la parodie ne soit qu'un parasitese nourrissant de la notoriété de son hôte. Il lui appartient de bienle choisir : sa survie, sa postérité en dépendent. Quand le thème estmort, le temps de ses variations est compté.

L'anthologie deDaniel Grojnowski n'est pourtant pas sans espoir pour les moqueurs, lesbouffons et les sacrilèges. Ce spécialiste de la fin du XIXe siècle rassemble ici des parodies poétiques célèbres, comme l'Album zutique, et d'autres, plus confidentielles, mais non moins délicieuses, comme la Légende des sexes,d'Edmond Haraucourt. Reflet déformé et irrespectueux d'une période derévolutions poétiques - du Parnasse aux décadentistes, de Rimbaud àMallarmé, en passant par le premier Verlaine, le dernier Victor Hugo etles symbolistes - La Muse parodique creuse un regard à la marge, ouvre des perspectives en biais. Mais pas seulement.

Prudent, semble-t-il, Daniel Grojnowski reconnaît dans son introduction que la plupart des parodies sont des "denrées périssables", "inintelligibles dès que leur modèle tombe dans l'oubli".Pourtant, et de manière quasi paradoxale, il nous invite à la lecturedes textes dont il fait l'anthologie : il est sûr du plaisir inattenduque nous y trouverons.

Certes, les références du Parnassiculet contemporainou des poèmes de Mitrophane Crapoussin se sont singulièrementobscurcies. Mais, à la lecture, force est de reconnaître que leparasite est encore bien vivant sur la dépouille pourtant refroidie deson hôte. Le goût de l'aventure et de la transgression conserve. Laparodie participe d'un mouvement de rupture et de renversement qui faitles avant-gardes et les littératures expérimentales. Irrespectueuse, sajeunesse est éternelle.

En amoureux savant des bouffons fin desiècle, Daniel Grojnowski n'a pas résisté au plaisir d'une farce deplus à son lecteur. Il lui joue un tour en même temps qu'il rappelleque toute littérature est imitation d'un modèle qu'elle dépasse etqu'elle enterre. A l'évidence, c'est un bon professeur. Un excellentcollecteur, un passeur, un exégète. Un écrivain, aussi, qui pratiquel'air de rien une littérature du collage et du rapprochement depuis sonadmirable Esprit fumiste (José Corti, 1990).

La Muse parodique n'estpas seulement le livre des oeuvres qu'il collecte, mais réactive unesprit dissident et frondeur. Il se moque, il critique. Dans uncommentaire qui rassemble et qui excède ce qu'il commente, DanielGrojnowski pousse, lui aussi, un "chant à côté". Avec cenouveau livre palimpseste des palimpsestes, il est encore une foisl'écrivain des autres. Sa grâce est modeste et subtile. Le lecteur,lui, est ravi.

LA MUSE PARODIQUE (ANTHOLOGIE) de Daniel Grojnowski. Ed. José Corti, 417 p., 24 €.
Nils C. AhlArticle paru dans l'édition du 03.04.09