Essai
Nouvelle parution
C. Huot, Le spectre de Thomas Bernhard

C. Huot, Le spectre de Thomas Bernhard

Publié le par Marc Escola (Source : Editeur)

Référence bibliographique : Cyril Huot, Le spectre de Thomas Bernhard, Tinbad, collection "roman", 2016. EAN13 : 9782955303542.

 

"Cette nuit le spectre de T.B. est venu me visiter, et il m’a dit, il y a toujours eu un total malentendu entre le monde et l’artiste, quand chaque coup mortel que veut porter l’artiste au monde est un coup mortel que l’artiste se porte à lui-même, chaque fois que l’artiste cherche à blesser à mort le monde, c’est lui-même qu’il blesse à mort, chaque fois qu’il veut planter la lame acérée, vengeresse, de son esprit dans la poitrine du monde, c’est dans sa propre poitrine qu’il la plante, chaque fois que l’artiste veut se venger du monde c’est sur lui-même qu’il se venge, le monde n’a jamais compris que chaque ligne que j’ai écrite contre lui était une ligne écrite contre moi-même, chaque mot écrit pour le tourner en dérision, était un mot écrit pour me tourner moi-même en dérision, chaque mot écrit pour le fustiger et le ridiculiser, était un mot écrit pour me fustiger et me ridiculiser moi-même, dans tout ce que j’ai entrepris contre le monde, je n’ai jamais entrepris que de me blesser à mort moi-même, dans tout ce que j’ai entrepris pour peindre le monde, je n’ai jamais d’abord peint que moi-même, le monde n’a jamais compris que je n’ai jamais fait que des autoportraits les uns après les autres, chacun de mes livres est un autoportrait, chacune de mes pièces est un autoportrait, dans chacun de mes livres comme dans chacune de mes pièces, je me mets moi-même en jeu, l’artiste ne saurait blesser à mort le monde sans se mettre lui-même en jeu et sans y laisser sa peau, le monde ne comprend pas que l’artiste qui veut sa peau n’a d’autre choix que d’y risquer toujours follement, délibérément, sa propre peau, se blesser soi-même à mort dans ce combat mortel perdu d’avance avec le monde, voilà ce que veut l’artiste, voilà ce que j’ai voulu…"

Voici un livre expérimental qui n'est ni un roman, malgré le nom de la collection — faute de mieux —, ni un essai sur Thomas Bernhard, mais une grande rumination autour et après son oeuvre, et aussi une vaste réflexion sur l'impossibilité d'écrire sur un auteur aimé sans disparaître soi-même.



Cyril Huot, déjà auteur d’un livre consacré à Katherine Mansfield, Lettre à ce monde qui jamais ne répond, a notamment été acteur et metteur en scène de théâtre, réalisateur et critique de cinéma.

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À propos de "Le spectre de Thomas Bernhard" de Cyril Huot par Murielle Compère-Demarcy, La Cause littéraire : http://www.lacauselitteraire.fr/a-propos-de-le-spectre-de-thomas-bernhard-de-cyril-huot