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Culture matérielle : le fil d'Ariane de Marcel Proust, de la Grèce préhellénique à l'Art nouveau

Culture matérielle : le fil d'Ariane de Marcel Proust, de la Grèce préhellénique à l'Art nouveau

Publié le par Jean-Louis Jeannelle

 

ARTS & SOCIÉTÉS -- Laurence Bertrand Dorléac

Prochaine Séance, Avec le concours de la Fondation de France, 20 janvier 2016, 17h-19h : Les choses en littérature

au Centre d'histoire de Sciences Po, 56 rue Jacob, 75006 Paris, salle du Traité, 1er étage

 

       Sophie Basch : Culture matérielle : le fil d'Ariane de Marcel Proust, de la Grèce préhellénique à l'Art nouveau

 

L'histoire culturelle a mauvaise presse en France, particulièrement dans les études littéraires, qui continuent à entretenir une certaine méfiance à l'endroit de "l'illusion référentielle". Or s'intéresser aux éléments extra-textuels, aux objets, en un mot aux références concrètes, ne dégrade pas l'idée de littérature. Bien au contraire, il arrive que l'archéologie du décor permette seule d'accéder à des vérités cachées, à un autre sens. Il en va ainsi de l'expression « modern style » dans À la recherche du temps perdu, anglicisme que Proust préférait à l'étiquette d'Art nouveau car elle manifeste mieux le cosmopolitisme d'un mouvement rapidement associé à l'affaire Dreyfus. Dans ces mêmes années, au tournant des XIXe et XXe siècles, l'Europe s'emballa pour un nouveau visage de la Grèce révélé par les fouilles de l'archéologue anglais Arthur Evans à Cnossos, qui mirent au jour le prétendu palais du roi Minos dont l'architecture et les fresques rencontraient les attentes de l'Art nouveau. La Grèce de Marcel Proust est tributaire de cette révélation de la Grèce préhellénique qui avait aussi frappé le couturier vénitien Mariano Fortuny, dont Madeleine Lemaire présenta les « châles Cnossos » à Paris dès 1908. En Russie le peintre Léon Bakst, décorateur des Ballets Russes admirés par Proust, se passionnait lui aussi pour ces formes et ces couleurs qui renouvelaient l'esthétique du théâtre et de la mode. Quant à Sarah Bernhardt, modèle de la Berma dans La Recherche, elle n'avait pas attendu Evans : les découvertes de Schliemann à Mycènes l'avaient déjà inspirée pour le décor et les costumes de Phèdre. Ce faisceau de références est tout sauf accessoire : il permet de reconstituer, à travers la « crétomanie » 1900, l'importance de la Grèce préhellénique et de la Grèce archaïque dontLa Recherche diffracte l'image dans les passages les plus inattendus : tel geste, telle posture des jeunes filles, telle attitude de la Berma, jusqu'à certaine description de Versailles, sont incompréhensibles si l'on ne fait appel à ces trouvailles archéologiques et aux reconstitutions de l'époque – loin d'amoindrir ou de réduire le sens, ces références permettent de le retrouver.

Sophie Basch

 

 

Sophie Basch est professeur à l'université Paris-Sorbonne. Ses recherches portent sur la littérature fin-de-siècle, sur les relations entre littérature et archéologie et sur l'orientalisme littéraire, artistique et scientifique. Son dernier ouvrage, Rastaquarium. Marcel Proust et le "modern style". Arts décoratifs et politique dans À la Recherche du temps perdu, a paru chez Brepols en 2014.

 

Inscription obligatoire jusqu'au 17/01 par mail :
artsetsocietes@gmail.com <

Merci de vous présenter devant le 56 rue Jacob, 
10 mn avant le début du séminaire, 
muni(e) de papiers d'identité/carte de Sciences Po 
ainsi que du récépissé d'inscription.