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Critique de la raison automatique. Bêtise(s) et intelligence(s) de la numérisation du monde (Paris)

Critique de la raison automatique. Bêtise(s) et intelligence(s) de la numérisation du monde (Paris)

Publié le par Marc Escola (Source : cra.sciencesconf.org)

Colloque international

Critique de la raison automatique

Bêtise(s) et intelligence(s) de la numérisation du monde 

Paris, 26-27-28 mars 2020

 

Appel à communications

Le développement du numérique, sous l’impulsion de différents acteurs, ainsi que ses implications dans les territoires et les modifications des comportements qu’il induit, donnent lieu à des discours et des réactions qui divergent souvent de manière fondamentale. Considéré comme étant à l’origine d’une « troisième révolution industrielle » ce « passage » au numérique amènerait un ensemble de transformations se situant dans un registre similaire au passage de l’oral à l’écrit, puis de l’écrit à l’imprimé. Or, si les mutations sont à l’évidence de grande ampleur, les implications sont diverses, contradictoires et difficiles à cerner : mondialisation et relocalisation de l'économie ; désintermédiation et émergence de nouvelles médiations ; reconfiguration des espaces publics et privés ; exigence de privacy et  exploitation généralisée des données personnelles par les GAFAM ; annonce d’une société de la connaissance et  fake news  ; gouvernance « augmentée » et contrôle algorithmique ; arrivée de nouveaux entrants tels que les médias alternatifs,  mais aussi de nouveaux monopoles ; économie « immatérielle » ou « virtuelle » et nouvel extractivisme (métaux rares, toxiques, consommation d’énergie et de matière) ; nouvelles formes de travail « libéré » (tiers-lieux, nomadisme, capitalisme cognitif) et de précariat (ubérisation, digital labour, micro-travail). Autant d’éléments dont les registres pluriels laissent entendre la richesse des enjeux et des problématiques soulevés, à tous les niveaux des sociétés contemporaines, mais aussi la nécessité de construire une critique collective, transdisciplinaire et engagée.

Les travaux sont désormais très nombreux, tant sont divers les domaines touchés. Étant capables de faciliter l’intelligence collective, les nouveaux outils numériques sont aussi susceptibles de générer une « bêtise systémique », que ce soit à travers l’ « automatisation des existences » qu’ils produisent (Stiegler, 2015) oul’accélération de la destruction écologique du monde, pour ne prendre que quelques exemples.Le déploiement numérique s’est accompagné de discours sur l’émergence d’une nouvelle forme d’intelligence collective qui n’était pas dénuée de fondements. Mais l’omniprésence récente du thème du smart (smart city, smart nation, smart grid etc.) ramène « l’intelligence » à une formule incantatoire recouvrant diverses tentatives généralement technologiques de transformation et de contrôle des territoires. La soutenabilité des systèmes numériques, la mise en place de nouveaux oligopoles technologiques contraignants, des distorsions majeures dans l’économie et l’écologie de l’attention : autant de phénomènes potentiellement destructeurs de l’intelligence (individuelle et collective) et de la planète. Si l’on réfute une approche purement computationnelle, systématisée et automatisée de l’intelligence, comment faut-il  l’approcher ? Dans quelles conditions le collectif peut-il devenir porteur d’intelligence ? L’usage du numérique change-t-il les données du problème ? Comment ? Dans quelles proportions ? Le rôle du numérique a été souligné dans des événements politiques tels que les révolutions arabes, les mouvements « Occupy », les gilets jaunes, etc. ; est-ce à dire qu’il a été un ingrédient nécessaire, sans lequel ces événements n’auraient pas pu se produire ? André Gorz évoquait le numérique comme une technologie-carrefour (1983, 2003, 2008), susceptible de permettre une réappropriation de l’outil de production, pensé comme fondamentalement hétéronome : doit-on le suivre ?

Ce colloque sera donc le moment de réfléchir à l’entrelacs entre différentes strates problématiques de la « numérisation du monde », sans négliger un élément central : toutes ces intelligences ont toujours besoin d’exister d’une manière ancrée, ce qui nous conduit à mettre en évidence le concept de territoire. Celui-ci ne sera pas entendu au sens simplement physique, mais aussi écologique, administratif, politique, éthique et existentiel (Guattari, 1989), de l’ordre du milieu (Berque, 2000) ou du transindividuel (Simondon, 2017). Il s’agiradonc d’explorer ces nouveaux territoires et leurs intelligences (à l’aide des outils de l’architecture, de l’urbanisme et du design) pour aller au-delà dessmart territories, au sens plat et « bête » de déploiement massif de toutes sortes de devices numériques. L’objectif de ce colloque est de nous permettre de mieux nous positionner dans ce vaste champ de recherches académiques et industrielles en nous appuyant sur une multitude d’expériences, compétences, expérimentations qui viendront de cette communauté critique que nous souhaitons contribuer à faire émerger.

Le colloque se donne une dimension inaugurale, dans la mesure où il aspire à être la première étape en vue de la constitution d’une communauté épistémique internationale et transdisciplinaire sur le sujet.

Par ailleurs, en parallèle, des sessions de workshop permettront d’aborder de manière transversale et interdisciplinaire les thèmes abordés dans le colloque pour être en position d’apprentissage de connaissancesen simultané avec l’action et l’expérience.

Nous proposons six axes thématiques principaux qui pourront structurer ces journées :

I. Écologie politique et sobriété numérique

Aucune transformation technique n'a été neutre sur le plan politique, écologique et social : toutes ont eu de profondes implications et les mutations numériques  n'échappent pas à la règle. Les matériaux utilisés en grande quantité se traduisent par un renforcement de l’extractivisme à l’échelle globale, dans la mesure où le numérique tend à renforcer la dynamique de la croissance de la production et de la consommation de biens et de services. C’est d’abord en ce sens-là que ces technologies peuvent être qualifiées de « troisième révolution industrielle » : parce qu’elles sont le moyen de franchir un pas de plus dans la quête d’un taux de croissance du PIB élevé, jugé nécessaire pour la bonne santé économique d’un pays, et préalable à l’atteinte de tous les autres objectifs, économiques, sociaux et même écologiques (« croissance verte »). Diverses enquêtes et travaux (Flipo, 2012, 2013) montrent que ce chemin n’est pas explicitement voulu par les individus, qui méconnaissent souvent les implications écologiques des réseaux numériques. Ceux-ci se sont cependant rendus indispensables, s’installant dans une position de monopole radical et finissent par devenir contre-productifs (Illich, 2004, 2005). Le rapport Villani (2018) évoque un risque d’« impasse technologique », d'autres parlent de « collapsus du numérique » (Danet, 2017) ou d'effondrement : que peut-on penser de cela ? Doit-on aller vers une « décroissance » ou « sobriété numérique » ? Doit-on plutôt freiner le mouvement pour mieux anticiper les conséquences et mieux éclairer les choix collectifs ? Faut-il faire le choix de moins se connecter pour garder la maîtrise de ses usages (Vieira, 2019) ? Comment mettre en œuvre un choix collectif en la matière ?

II. Communs et communication 

Ces dernières années, le thème du/des commun(s) a pris de l’importance sur le devant de la scène critique. Cet intérêt exprime notamment une volonté de répondre à une série de manœuvres des marchés et des entreprises capitalistes aidés par les États, dont le but est d’imposer l’extension du domaine de la propriété. Face à ce renforcement des droits privés exclusifs et de l’idéologie propriétaire, ont émergé des initiatives oppositionnelles, notamment dans le domaine du numérique et de la connaissance (Le Crosnier, 2015) : logiciels libres, licence GPL, Copyleft, licence Creative Commons, Open data, Wikipédia, P2P, etc. Précisément, ces dynamiques de résistance aux nouvelles enclosures ont pris globalement la forme de luttes pour les communs, en s’appuyant notamment sur les travaux d’Elinor Ostrom. L’un des apports majeurs de ces initiatives réside dans l’importance accordée au moment de l’institution des règles et du droit car il ne peut y avoir de communs sans un travail du commun (Nicolas-Le Strat, 2016), qui n’est autre qu’un travail de production de la démocratie. Aussi, les travaux menés sur les communs (de la connaissance) quant à leur production, leur accès et leur gouvernance se sont-ils couplés à un autre type de réflexion, de nature plus directement politique et stratégique (Hardt, Negri, 2000 ; 2004 ; 2010 ; Dardot, Laval, 2014 ; Garo, 2019), portant notamment sur la question de savoir quelle place ou quel rôle il convient d’accorder au commun dans le cadre d’une réflexion sur l’évolution du capitalisme et sur le dépassement de l’ordre néolibéral. À l’ère d’un capitalisme qui serait devenu cognitif et aurait pour caractéristique de généraliser la production de la valeur en dehors même des phénomènes d’exploitation et de la sphère professionnelle, Hardt et Negri (2000) estiment, par exemple, que le travail immatériel serait la base d’un « potentiel pour une sorte de communisme spontané » et postulent un vacillement du système capitalisme depuis sa propre dynamique de développement, notamment portée par les technologies numériques qui seraient devenues des appuis (im)matériels majeurs de la redialectisation du monde de la production et celui de la vie sociale.

III. Territoires « intelligents » : entre dispositifs de contrôle  et appropriations créatives

À ce jour le thème de la smart city relève souvent du slogan recouvrant diverses tentatives généralement technologiques et numériques de transformation de la ville. Si l’on réfute la ville « intelligente » comme étant définie par la technologie ou par la totalisation de vertus, comment l’approcher ? C’est à l’investigation de ces différents aspects et à la réponse à cette question qu’est consacré le présent projet de colloque. Le colloque visera à produire la réflexivité nécessaire à l'appréhension de ce qui se joue dans mais également à travers le phénomène Smart Cities, véritable objet « frontière » entre différents mondes qui ont plus que jamais besoin de se rencontrer et d’apprendre ensemble pour réinventer la ville de demain (Lessig, 2008).

L’émergence du concept de ville « intelligente » au début des années 2000 a fait suite à une technologisation de la ville et de ses différents espaces. C’est un fait, nous assistons à un « tissage extensif » des données et des milieux urbains (Carmes, Noyer, 2014), à une hybridation des actants numériques et des espaces donnant lieu à des scenarios transnationaux de figures urbaines (Mongin, 2013). Cela  modifie notre manière de les percevoir, de les parcourir et de les expérimenter, et transforme simultanément les modalités de notre participation à l’espace public. Si cette prolifération technologique dans l’espace public a permis la mise en place de nouveaux services urbains, la multiplication d’outils numériques, l’automatisation de la gestion des infrastructures, une optimisation des flux matériel, non matériel et humain, une capacité d’adaptation rapide de l’espace public, une cogestion en démocratie directe des citoyens, etc., elle a également, en contrepartie, augmenté considérablement le nombre de puces et de capteurs en tout genre ainsi que le nombre de caméras de vidéo protection / surveillance au sein de l’espace urbain : les flux de données tendent à rendre possible un « monitoring » temps réel de la ville  (pollution, circulation, énergie,...). Si l’approche économique, écologique ou sécuritaire est très souvent mise en avant afin de justifier ces choix technologiques, il n’en demeure pas moins que ces mêmes outils et/ou dispositifs servent aussi à contrôler, à surveiller, à normer et à normaliser tant l’espace urbain que les comportements qui y prennent place. 

Le data mining et l’intelligence artificielle se présentent comme le nouveau grand récit des sociétés performatives et comme une caractéristique des sociétés de veille et de l’hégémonie marketing. L’action publique, territoriale et urbaine n’y échappe pas.  Les données sont depuis longtemps des acteurs majeurs de la construction des politiques publiques. Elles agissent au cœur des processus décisionnels, de la sémiotisation des pratiques, des « intelligences collectives ». Pour nombre de domaines, ces orientations se présentent non comme un projet politique, mais comme le prolongement « ordinaire » de l’action publique (Morozov, 2014), en restant cantonnées à une question d’ingénierie, c’est-à-dire à une question d’allocation de moyens techniques ou humains et d’efficience des procédures (Harcourt, 2005).

Or, à mesure que se déploient la perspective datacentrique et le médium algorithmique dans le domaine de la gouvernance des hommes et des territoires, c'est toute une économie politique des données qu'il convient d'interroger, et ce dès, les agencements à partir desquels se fabriquent les moyens de pilotage urbain (Big Data, Open Data, IOT) et plus globalement l'action publique datacentrique (McGuinness et Slaugther, 2019).

Notre propos consistera dans le cadre de cet axe relatif aux mondes urbains,  la ville dite « intelligente », la « smart city » ou la « ciudad inteligente » - le concept s’est mondialisé – de se positionner de façon méthodologique dans le domaine des relations sociales et politiques qui s’établissent dans ce nouvel espace urbain. Il s’agira ainsi de tenter de préciser les problématiques qui émergent dans les relations ente l’ordre social et la ville dans le cadre de ces projections urbaines qui posent, à la façon de Le Corbusier, un nouvel « ordre ». Ils s’agira également d’examiner ce que font les médiations numériques aux rapports entre un supposé « e-citoyen » et un Etat qui évolue vers sa propre « ubérisation », créant ainsi un nouvel ordre socio-politique, sécuritaire et économique gérant de façon managériale les territoires urbains dans lesquels évolue un individu construit par la « révolution cyber » ; et sachant que des projections de l’ONU pour l’année 2050 posent que près de 75% de la population mondiale sera urbanisée.

IV. Théories et pratiques de la conception : architecture et design

Depuis les années 1950, la « computation » a investi les territoires du design, entendant par design une activité de projet. Les expérimentations conduites dans les années 1980, encouragées par le progrès des logiciels de dessin et de conception (CAO-DAO), se posaient comme des « démonstrateurs » de la force formelle et visuelle de la décomposition et dé-construction spatiale que les outils numériques semblaient proposer (Carpo, 2017). Les travaux sur le Folding Design (Lynn, 1994) ainsi que l'appropriation d'outils de conception tel que CATIA par l'architecte Frank Gehry sont des exemples représentatifs d'une phase au cours de laquelle les concepteurs se sont saisis des nouvelles ressources offertes par l'émergence du numérique. Ce moment a été avant coureur d'un plus vaste mouvement qui a pu réduire la création-créativité à des aspects formels et à la valeur créée par les industries culturelles (« l'architecture spectacle »). Cette approche, accusée de formalisme –hypertrophie de la dimension sculpturale, des enveloppes...– a été dénoncée au cours des années 1990 par les promoteurs de modes de conception plus systémiques.

Dans un contexte de démultiplication des acteurs et de généralisation des procédés de conception assistée se sont développés des systèmes normatifs qui, désormais, prennent le pas sur ce qu'étaient des expérimentations portées par quelques praticiens. C'est ainsi que depuis une dizaine d'années, le BIM et le design thinking s'imposent dans la fabrication des territoires. On observe également la mutation des rapports de forces entre les différents acteurs (législateurs, développeurs, constructeurs, concepteurs) et l'émergence de nouveaux monopoles quant à la maîtrise de ces technologies. Cette numérisation du projet présente ainsi un risque important de manipulation si l'on n'en saisit pas tous les impacts. Néanmoins, elle ouvre également la possibilité de réinventer des systèmes, des méthodes et des lieux de projet. Il s'agira donc de questionner d'autres formes de conception dites numériques, qui ne seraient pas superficiellement techno-sceptiques, mais raisonnablement critiques.

V. Digital labour et mutations du travail à l’ère numérique

Dans les années 1990, Ursula Huws a initié le courant dit du digital labor et forgé le concept de « cybertariat » pour rendre compte des mutations du travail liées à la diffusion et au développement des technologies numériques (Huws, 2003 et 2014). Ces mutations sollicitent l’attention du sociologue, notamment sur les dérives du « travail du clic » qui crée de nouvelles formes d’assujettissement et de précarité (Cardon & Casilli, 2015 ; Casilli, 2019) et interrogent le juriste. Quelle place donner au droit dans un environnement soumis à la mutation permanente et au devenir « agile » de l’entreprise (pensée sur le modèle des « méthodes agiles » des réseaux informatiques, c’est-à-dire adaptables en permanence) et dans un contexte marqué par le passage des fonctions sociales aux finalités économiques du Droit du travail (Maggi-Germain, 2019) ?

Parallèlement au discours sur le digital labor, un important débat sociologique a surgi autour du « capitalisme de plateforme » et de la connectivité (Armano, Murgia, Teli, 2017). Deux questions d’importance sont débattues. La première concerne les transformations des relations sociales qui sont à la base des plateformes numériques. Tandis que le sociologue interroge les nouvelles formes de rapports sociaux, mais aussi d’exploitation et de domination, le juriste s’interroge sur l’évolution des critères du contrat de travail pouvant conduire à une modification du champ d’application du contrat de travail et, ce faisant, du Droit du travail. Doit-il prendre en compte de nouvelles formes d’activités caractérisées par une indépendance technique plus importante ? 

La deuxième question porte sur la distinction entre travail et activité que la connectivité rend encore plus incertaine. Cependant, si la connectivité numérique est une forme inhabituelle d’omniprésence et de contrôle par l’entreprise, elle peut, en même temps, dans certaines conditions, servir de support à un mode d’ auto-organisation e de coopérativisme (Scholtz, 2016), comme dans les cas des collectifs de hackers/makers (Berrebi, Bureau, Lallement, 2018). Si avec la culture hacker il y a mise en cause du système de droits de propriété, dans les hackerspaces se configure aussi le basculement vers un « modèle de fabrication personnelle »,  individuel et collectif, avec de surcroît la volonté de certains d’œuvrer à la transition écologique. Ainsi, positivement, la puissance d’agir serait démultipliée par la maîtrise citoyenne des nouvelles technologies (Lallement, 2019).

Réfléchir sur ces formes de résistance, sur la manière dont ces formes peuvent accroître la capacité d’action, est alors crucial pour saisir la capacité d'auto-organisation exprimée par les sujets. En effet, il n'y a pas de déterminisme technologique, l'impact de la numérisation sur le travail dépend de choix et de pratiques qui dépassent la simple question technique qu'il faut étudier de façon précise. Le colloque sera alors l’occasion d’ analyser les conditions sociales et institutionnelles de réappropriation des technologies digitales dans une perspective d’émancipation du travail. 

VI. Mobilisations et déterritorialisations

Dans la dernière décennie, des mobilisations aussi diverses que les « révolutions arabes », le mouvement Me Too, les campagnes diverses  pour le climat, les gilets jaunes etc. nous ont habitués à considérer les technologies de communication numérique comme des outils désormais premiers dans la constitution de groupes de contestation , de révolte politique, économique et sociale. Dans le même moment où ces soulèvements initiés sur Internet s’affirment et se multiplient, progressent ouvertement  et efficacement la recherche et l’utilisation des instruments numériques à des fins de contrôle, de répression et de surveillance généralisée, domaine dans lequel la Chine est pionnière et exemplaire avec la reconnaissance faciale et les «  crédits sociaux ». Ces deux pôles mettent en scène des tensions, des courses poursuites entre les dispositifs en voie d’affinement permanent et les stratégies des acteurs marquées par des tentatives d’appropriation, de contournement et de détournement : la numérisation du monde en ressort plus amphibologique que jamais. En effet ce paysage est rendu plus complexe encore par le développement des médias numériques dans la santé et l’éducation (e-santé, e-éducation etc.) supposés faire accéder des populations éloignées et démunies (cibles de longue date de microcrédits variés) à des biens communs globalisés.

Soulignons corolairement les distorsions et les ruptures entre les lieux où sont stockées les données (serveurs physiques) ; les lieux où les internautes se situent physiquement ou administrativement ; les lieux d'attache administrative ou fiscale des logiciels/applications/sites.... et les mesures de régulations qui s’appliquent à chacun de ces lieux et niveaux. Ces emboitements fracturés et oxymoriques rendent  possibles toutes les lignes de fuite mais aussi accentuent les difficultés des autorités dont le fonctionnement reste territorialisé et construit sur des frontières.

Enfin la dimension économique du numérique est essentielle  dans le contexte  de la financiarisation capitalistique actuelle : elle s’inscrit dans l’articulation entre la rentabilité des entreprises (fournisseurs des services type Facebook, Twitter, Tencent, etc.), l’opportunité commerciale que recèlent les informations que les usages des clients génèrent, les régulations que les États veulent mettre en œuvre et leurs effets sur les mobilisations en ligne.

*

Les propositions de communication sont à envoyer avant le 15 octobre 2019 à cra@sciencesconf.org. Elles feront 3000 signes maximum, avec cinq références bibliographiques ;  elles préciseront l’axe dans lequel la contribution s’inscrit. Il faudra joindre à la proposition une courte notice bio-bibliographique, précisant le rattachement institutionnel de l’auteur.

Une réponse sera donnée autour du 15 novembre 2019.

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Comité de pilotage :

Manola Antonioli (ENSAPLV- LAA UMR 7218 LAVUE), Fabrice Flipo (IMT BS- LCSP EA 7335 Paris Diderot), Gabriel Périès (IMT-BS – LinX), Antonella Tufano (ENSAPLV – MAACC UMR MAP 3495).

 

Comité d’organisation : 

Florence Astrié (ENSAPLV- LAA UMR 7218 LAVUE)

Yves Citton (Paris 8 -EA 7322 LHE)

Antonella Corsani (ISST IDHE.S Paris 1 Panthéon Sorbonne )

Emilien Cristia (ENSAPLV – MAACC UMR MAP 3495)

Maxime Geny (ENSAPLV- LAA UMR 7218 LAVUE)

Haud Gueguen (CNAM – CRTD EA 4132)

Fabien Granjon (Paris 8 – EXPERICE EA 3971)

Wenjing Guo (CESSM/A UMR 245)

Joffrey Paillard (ENSAPLV- LAA UMR 7218 LAVUE)

Pierre-Michel Riccio (IMT Mines Alès- LGI2P)

Camille Rondot (CELSA Sorbonne-Université – GRIPIC EA 1498)

Pierre Sauvêtre (Paris 10 – SOPHIAPOL EA 3932)

Monique Selim (CESSM/A UMR 245)

 

La composition du comité scientifique est sur le site web dédié:

cra.sciencesconf.org

 

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