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Corps mouvant, corps en mouvement : Danse et animation

Corps mouvant, corps en mouvement : Danse et animation

Publié le par Emilien Sermier (Source : Heidelberger Aurore)

 

Journée d’études "PRAXIS ET ESTHÉTIQUE DES ARTS"

Organisé par Aurore Heidelberger et Marie Garré Nicoara

« Corps mouvant, corps en mouvement : Danse et animation »

20 février 2015, Université d'Artois, EA 4028 Textes et Cultures

 

APPEL A CONTRIBUTION

 

Cette journée d'étude,  organisée dans le cadre d’un partenariat avec le Louvre Lens – La Scène, s'inscrit dans la continuité d'autres manifestations organisées par l'équipe d'accueil Textes et Cultures EA 4028 de l'Université d'Artois, notamment le colloque organisé en mars 2010 consacré à la question du corps marionnettique (« Corps vivant, corps marionnettique : enjeux d'une interaction »[2]), le colloque « Corps, prothèse, et bio-objet » organisé en novembre 2011[3] et les deux journées d’étude « Voix marionnettiques dans les arts plastiques, scéniques et visuels »[4] et « Voix marionnettiques : entre tradition et modernité »[5] organisées en 2012.

Il s’agira de questionner le mouvement quand il est assumé à la fois par un corps vivant et un objet, un matériau, une marionnette et ce que ça produit sur la notion de corps. Qu’est-ce que la danse fait à la marionnette ? Qu’est-ce que la marionnette fait à la danse ?

Heinrich von Kleist a érigé la marionnette à fils en modèle pour le danseur. De Schlemmer à Decouflé en passant par Nikolaïs, la danse oscille entre exaltation du vivant et désincarnation de la figure humaine. A l’heure des créations transdisciplinaires, nous souhaitons explorer les formes intermédiaires, hybrides, les points de rencontre entre danse et marionnette. Il pourra s’agir de créations qui articulent danse et marionnette[6] , danse et objet, danse et matière[7].

Les propositions pourront s'inscrire dans trois pistes -non exhaustives- d'exploration de cette question :

  • Le corps artificiel et son influence sur le mouvement : transformation,  augmentation du geste…
  • Animation et réification du corps vivant
  • Marionnettisation, mouvement contraint, et manipulation.

 

Piste 1 : Comment le corps artificiel influence-t-il, transforme-t-il, augmente-t-il le mouvement ? Comment ouvre-t-il de nouveaux possibles à la danse ?

Il s’agira d’explorer les potentialités de mouvement induites par la prothèse, l’objet, le costume (le costume-objet ou le costume-machine). Comment, en perturbant l’architecture du corps, ces éléments ajoutés influencent-ils le mouvement ? Est-ce que ces objets greffés entravent ou libèrent les mouvements, comme chez Duda Paiva[8], notamment ? Comment envisager les formes où le pantin ou la marionnette démultiplient le mouvement du danseur ?

Dans les spectacles qui mettent en scène des formes de « gémellités angoissantes »[9], la souplesse de l’humain se confronte à la rigidité de la matière, ses limites physiques pouvant être repoussées par les capacités d’envol, de plasticité, de rythmicité de l’objet ou de la marionnette. Comment cette dialectique de la pesanteur et de l’envol se joue-t-elle dans le rapport à un corps vivant ?

Le duo marionnette / danseur conduit à une tension dans le mouvement qui se révèle sur le plan technique mais aussi dramatique. Qu’en est-il, dramatiquement parlant, lorsque c’est une marionnette, un second personnage, qui partage le mouvement ? Il s’agit d’explorer la relation entre deux personnages, deux présences[10].

L’ajout de prothèses ou d’orthèses vient-il augmenter les potentialités motrices du corps dansant ? Comment le danseur projette-t-il son mouvement grâce à ce corps augmenté ? Chez Trisha Brown, les greffes de tissus sont conçues comme des extensions possibles du corps. Dans Set and Reset en collaboration avec le plasticien Raoul Rauschenberg, scénographie, corps et costumes ne font qu’un et étendent le mouvement au-delà des frontières physiques du corps de l’interprète.

Ces protubérances matérielles soudées au corps peuvent en revanche représenter une entrave au mouvement, le contraindre et conduire le danseur à réinventer un vocabulaire gestuel dépendant de cette nouvelle corporalité hybride. Ainsi, l’orthèse est-elle conçue chez Marie Chouinard, (Body Remix, 2005) comme un procédé de rigidification partielle du corps. La fluidité propre à la danse contemporaine se trouve ici contrariée par l’ajout de béquilles, qui modifie profondément la gestuelle du buste de l’interprète. Chez Steven Cohen[11], le costume s’apparente à un carcan, qui bloque son utilisateur. En effet, celui-ci est obligé d’abandonner sa motricité aisée de danseur, ses mouvements sont dictés par le costume.

 

Piste 2 : Animation et réification du corps vivant.  

Il s’agira d’examiner le trouble du corps instauré dans ces pratiques à la frontière entre danse et arts de l’animation, et les effets de présence qui en découlent. Comment, dans le dialogue entre corps et objet, se dessinent de nouveaux degrés de présence ? Nous pourrons explorer les degrés d’animation et de réification du corps vivant (Dimitris Papaioannou[12], Gisèle Vienne[13], Xavier Leroy[14]…) dans les deux pratiques.

Le morcellement du corps proposé par Xavier Leroy dans son solo Self Unfinished questionne le regard du spectateur. Les formes qui émergent sur scène sont méconnaissables. Le corps devient « monstre » pour reprendre l'interprétation proposée par Jérôme Bel[15]. Ici, c'est l'association du costume et de la gestuelle, qui créé le trouble et propulse le corps vers l’hybride.

Comment fonctionne la réduction d’un danseur à une seule partie du corps (main, doigts : compagnie Käfig, Michèle Anne De Mey (Kiss and cry)…) ?

Dans ses rapports privilégiés avec les arts plastiques la danse explorera d’autres potentialités gestuelles du corps, jouant avec la matière et la convocation d’objets issus du quotidien[16].

Qu’en est-il de la dimension corpographique, plus que chorégraphique, dans ces pratiques ? Les pratiques du corps-castelet ou du corps hybride (Théâtre du Mouvement, Gaia Teatro) proposent des corps marionnettiques miniatures qui influent sur la perception du corps vivant. Comment le spectateur éprouve-t-il ces corps autres ?

Comment, enfin, la prothèse ou l’hybridation proposent-ils des réinventions du corps vivant et de son appréhension de l’espace ?  La marionnette propose une véritable illusion de lévitation chez Ilka Schönbein[17]. L’artiste greffe à son corps une prothèse de membre inférieur à l’esthétique similaire au costume qu’elle porte. Manipulant la jambe factice et jouant de l’élévation de sa propre jambe, elle crée l’illusion d’une figure qui se détache lentement du sol et prend son envol. La marionnette instaure alors un véritable espace de suspension des corps.

 

Piste 3 : Marionnettisation, mouvement contraint, manipulation. Comment envisager les formes dans lesquelles le danseur est pris dans un environnement qui le manipule, décide de ses mouvements ?

Dans Transports exceptionnels[18] (compagnie Beau Geste), un danseur engage un dialogue chorégraphique avec une pelleteuse. La question de l’origine du mouvement se pose : si le mouvement est induit par la machine, est-ce déjà de la manipulation ? Dans Körper[19] de Sasha Waltz, l’interprète se fait manipuler, son corps n’est actionné que par la pression du corps des autres danseurs.

La manipulation d’un corps ou d’un objet induit-elle nécessairement un contact physique entre manipulé et manipulateur ? La manipulation peut être réalisée à distance, notamment dans What the Body does not remember[20] de Wim Vandekeybus, où une danseuse exécute la partition pour table musicale de Thierry de Mey, à laquelle répondent et obéissent le corps de deux danseurs masculins posés au sol. La chorégraphie tout entière est dictée par la chorégraphie sonore et manuelle de la danseuse.

L’espace dicte-t-il une gestuelle particulière au danseur ? Dans Press[21], Pierre Rigal enfermé dans une boîte réagit progressivement à la réduction de cet espace. La modification de l’espace ordonne une chorégraphie. La contrainte spatiale propulse le danseur dans une gestuelle marionnettique ou robotique. Le corps tente de s’adapter, de trouver des solutions à cet espace qui le presse petit à petit.

Qu’en est-il du geste de manipulation et de sa portée chorégraphique ? Dans les pratiques de manipulation à vue, ce n’est plus seulement la main qui manipule mais le corps entier. La gamme des postures et distances entre l’acteur et sa marionnette rendent visible le rapport qu’entretient celui qui parle à sa parole. L’acteur joue alors de ce double-corps en l’organisant autour de tensions, de rapprochements, d’effets d’intimité, de distance, de miroir, de fusion. Surplomber une figurine, la porter à bout de bras, se poster en retrait derrière elle, autant de postures qui invitent le spectateur à entrer dans différentes narrations. Comment appréhender ce geste de manipulation dans l’économie globale du mouvement dans le spectacle ?

Qu’en est-il de la notation du mouvement en danse, en marionnette ? Comment les interprètes expérimentent-ils les interactions corps vivant / matière, objet, marionnette dans le processus de création ?

Les propositions (une vingtaine de lignes maximum) doivent être envoyées à Marie Garré Nicoara et Aurore Heidelberger avant le 7 janvier 2015.

Réponse aux auteurs : le 19 janvier 2015.

Marie Garré Nicoara : marie.garrenicoara@yahoo.fr

Aurore Heidelberger : aurore.heidel@gmail.com