Actualité
Appels à contributions
Contraintes, innovation, rénovation

Contraintes, innovation, rénovation

Publié le par Florian Pennanech (Source : Virginie Tahar)

Colloque "Contraintes, innovation, rénovation", lundi 17 mai 2010

Toute oeuvred'art doit s'accommoder d'un certain nombre de contraintes, qu'elles soientsubies ou choisies par l'artiste. Si cette idée de contrainte a parfois eumauvaise presse car elle s'opposait au mythe romantique de l'artiste inspiré,il semble qu'elle soit de plus en plus reconnue comme un moteur créatif,qu'elle apparaisse comme un véritable moyen d'innover ou de rénover lesdifférentes formes artistiques. S'interroger sur l'usage de la contrainte etsur son évolution au fil des époques semble une manière pertinente de tenter decomprendre comment les arts se renouvellent perpétuellement. Des pratiquescontemporaines comme celles de l'OuLiPo (Ouvroir de Littérature Potentielle),qui a systématisé l'utilisation de la contrainte, prouve à quel point cetteidée est importante pour appréhender la création artistique. L'expérience ad'ailleurs prouvé à quel point la contrainte, utilisée de manière consciente etvolontaire, se révélait paradoxalement libératrice.

Nous nousproposons d'analyser, au cours de cette journée d'études, les multiplesfacettes de la notion de contrainte dans l'optique de comprendre le rôlequ'elle tient dans la création artistique : comment et dans quelle mesurepermet-elle d'innover, voire de rénover les arts ? La confrontation desdifférents domaines de recherche – beaux-arts, cinéma, littérature, etc… - sembleparticulièrement enrichissante dans la mesure où l'articulation entrecontrainte, innovation et rénovation est une problématique transversale à tousles domaines artistiques. Ces réflexions permettront de comparer lesdifférentes formes de contraintes existant dans ces différentes disciplines etsurtout les différentes manières dont les artistes se positionnent par rapportà celles-ci.

Une approche diachronique : contraintes et notions avoisinantes.

On peut s'interroger sur lafrontière qui sépare les notions de règle (produites par une époque, imposéespar un contexte esthétique et une tradition) et de contrainte choisie (outils adoptés en fonction d'une oeuvre parl'artiste)

On s'intéressera aux nuances que peuvent apporter d'autresnotions avoisinantes : la prosodie, le genre, les sous-genres, lesmouvements et les écoles (manifestes), etc.

Peut-on distinguerune évolution de l'histoire des arts et de la littérature, qui irait de larègle à la contrainte ?

On proposera de comprendre la contrainte comme l'avatarmoderne d'une nécessité persistante dans les arts : celle de donner un cadre àtoute pratique artistique. L'apparition de nouvelles contraintes est donc lesigne d'un regain de créativité (nouveau mouvement, nouvelles règles)

Les contraintes artistiques évoluent et s'adaptent à uncontexte et à une société. Elles peuvent donc jouer comme un miroir des valeursd'une époque (ex. : époque de relativisme, époque de multiplication descontraintes et affaiblissement des règles traditionnelles).

Contrainte et inspiration.

Deux conceptions de l'artiste et de l'art sont en jeu :l'artiste inspiré et l'artiste artisan. Doit-on parler d'une opposition oud'une complémentarité entre la contrainte et l'inspiration ? La contrainte peut-elle être perçue comme un moteur créatif, unpoint de départ de l'inspiration ? On seposera donc la question des rapports entre contrainte et liberté, contrainte etproductivité. La contrainte peut-elle être support dela création ? Y a-t-il un dynamisme de la forme ? Un tel regard supposeune conception de l'art définie (partiellement ou totalement) par satechnicité.

Existe-t-il un art affranchi de toute contrainte ?

Contrainte et rénovation.

L'exemple de l'adaptation peut fournir une piste deréflexion : reprendre des oeuvres canoniques, des mythes, des topoi, et les actualiser en leur appliquant de nouvellescontraintes peut être un moteur de création (ex. : Le Virgiletravesti : adaptation sur le mode burlesque d'un texte fondateur)

Il s'agit alors de dissocier une forme préexistante d'unthème auquel elle est associée et de réutiliser ce thème dans un autrecontexte, avec d'autres cadres (ex : la tragédieet les thèmes tragiques).

La contrainte peut également devenir une manière de refonderune pratique (ex : le nouveau roman, la nouvelle vague), de proposer unenouvelle esthétique pour revitaliser une pratique artistique.

Transgressions possibles.

Transgresser des règles traditionnelles, est-ce innover ourénover ? Peut-on considérer comme pertinente la volonté de faire « tablerase » ? L'art s'inscrit-il dans une continuité inévitable ?

Quel est le rapport de l'artiste à la contrainte :s'agit-il d'un point de départ ou d'un absolu ? Le créateur s'appuie-t-ilsur une conception rigoureuse de la contrainte, ou la considère-t-il comme unsimple cadre de départ, qu'il doit faire évoluer (ex : le genre) ? L'existencedes canons ( littéraire, picturaux)peut-elle être vécue comme une contrainte (par les jeunes artistes notamment) ?

La légitimité de la contrainte est-elle plus forte que lalégitimité de la règle ?

On pensera également aux artistes qui se donnent pourconsigne de contrecarrer la contrainte, comme Perec, qui s'impose de dérogerponctuellement à ses propres contraintes.

Contraintes techniques.

La contrainte peut également être de nature technique. C'estle cas notamment quand le support ou les conditions matérielles imposent deslimites à la créativité de l'artiste : on pense ici aux manuscrits médiévaux(contrainte de la mise-en-page, des matériaux d'écriture, des modèles etc...),aux limites du cinéma (cascades etc...), aux contraintes typographiques pourles auteurs qui jouent sur la mise en page, etc.... On peut aussi penser àl'écriture sur les murs, notamment aux tags dans les prisons.

A l'inverse, des contraintes peuvent être levées par unemeilleure maîtrise technique des conditions de production : à partir du momentoù la peinture existe en tubes, une contrainte disparaît, qui permet auximpressionnistes de peindre en extérieur et de renouveler le genre du"paysage". Ce changement fait apparaître une contrainte qui n'étaitsans doute pas ressentie comme telle auparavant – qui « devient » unecontrainte : la peinture en atelier. De même pour le cinéma : la possibilitédes effets spéciaux lève certaines contraintes de cet art, ainsi que lesréponses qui leur étaientapportées.

6. Contraintes subies.

On s'interrogera sur l'influence de la commande et dumécénat. La dépendance de l'artiste peut être perçue comme une contrainte d'unautre type.

Il s'agit ici de contraintes pragmatiques en fonction desconditions de production et de réception (on pense aux cas de l'industriecinématographique et de l'édition). Ici, la réception est liée à la rentabilité.

7. Contrainteschoisies.

La figure de l'artiste évolue, de même que son statut :avec le romantisme apparaît un nouveau culte de l'indépendance. L'artiste estvu comme un individu original voire marginal,qui échappe aux conventions de son temps. De ce fait, il a la possibilité dechoisir, voire d'inventer ses contraintes.

La contrainte devient donc une manière de se singulariser,par opposition à la règle qui permet de s'inscrire dans une tradition.

Le choix de la contrainte se fait donc au nom de lamaîtrise, de la virtuosité

8. Ludisme et formalisme :aux limites de la contrainte.

Selon une conception ludique de la pratique artistique, lacontrainte peut être perçue comme la règle d'un jeu.

On peut également s'interroger sur les écueils duformalisme, comme limite de la contrainte. Elle présente en effet le risque dedevenir une technique qui tourne à vide, une forme creuse.

On peut ainsi lui reprocher sa gratuité, sa vacuité, et mêmey voir un danger qui vide l'art de sa substance. (ex.l'art pour l'art)

Pour nuancer ce point de vue, on se demandera si lacontrainte peut-elle être totalement arbitraire.(voir les contre-exemples où la contrainte recoupe le sens de l'oeuvre, comme LaDisparition.) Dans quelle mesure la subjectivité de l'artiste est-elleimpliquée dans la contrainte ? Est-ce que la contrainte la réduit ou latrahit ?

Derrière ces questions se trouventen jeu deux conceptions différentes de l'oeuvre d'art, comme forme pure ou commeexpression d'une subjectivité.

9. Peut-onpenser un art sans contraintes ?

Après avoir envisagé la limite de la contrainte, on peuts'interroger sur la limite de l'absence de contrainte.

On retrouve alors la question de l'opposition entre génie etvirtuosité : le génie serait celui qui dépasse les règles, par opposition au le virtuose, qui excelle dans l'utilisation de larègle.

Jusqu'où l'art peut-il se renouveler ?

Merci de renvoyer votre proposition de communicationd'une page maximum, accompagnée de quelques lignes vous présentant, à l'adressevirginietahar@free.fr avant le lundi 15 mars.

Comitéscientifique :

AdélaïdeJacquemard

MaudPerez-Simon

VirginieTahar.

LISAA(Littératures Savoirs Arts, EA 4120)

UniversitéParis-Est Marne-la-Vallée.