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Contradictions caractérielles

Contradictions caractérielles

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Mathilde Branthomme)

Contradictions caractérielles

Je me souviens avoir emprunté un livre de Thomas Bernhard parce que j'étais fâchée et que personne ne pouvait dire ma colère aussi bien que lui. Ça n'a pas été un succès… Alors que je glissais rapidement sur le fil d'une page, mon élan a été arrêté par un débordement de tendresse dont je ne comprenais pas l'origine. Là où j'avais voulu de la haine et de la dureté il y avait de la gentillesse et de l'amour. Thomas Bernhard me racontait son affection pour son grand-père et les injustices que sa mère avait subies, alternant tout de même parfois avec ce mépris de l'humanité que j'avais espéré. Je sais bien que personne n'est entièrement mauvais, mais je me suis tout de même mis à réfléchir :


Que fallait-il penser de ce changement de ton? Était-il volontaire ou avait-il percé insidieusement la carapace du personnage que Monsieur Bernhard s'était forgé? Pourquoi montrer cette fragilité? Était-ce un choix? Je ne savais pas non plus comment penser cette tendresse chez un homme que j'avais naïvement cru méchant… J'ai commencé à me demander ce que cela pouvait bien m'apprendre du littéraire, du rapport à l'identité, à la psychanalyse, au récit de soi et… Et puis j'ai pensé au narrateur, chez Céline, qui s'inquiétait tant de ce qui arriverait à Lili le jour où il mourrait et qui s'indignait du fait que sa mère ne pouvait pas avoir son nom sur sa pierre tombale parce que les gens risquaient de cracher dessus. J'ai pensé aussi à Gilles de Rais, qui avait combattu aux côtés de Jeanne d'Arc pour ensuite se mettre à tuer des enfants. Et puis il y avait Heidegger de qui personne n'oubliait jamais de souligner le nazisme. Était-ce important? Était-ce possible de mettre ces doutes de côté? Pourquoi n'étudiait-on que rarement les « bons » sentiments dans la littérature? N'étions-nous qu'une tribu de malheureux, de faux affectés de la vie cachés dans des récits de troubles où s'immisçait parfois un peu de lumière? Était-ce pareil pour tous les arts?

J'aurais souhaité explorer davantage ce qui m'est apparu alors comme des contradictions dans ces caractères, parfois créés parfois réels, dans le bloc desquels une brèche s'était ouverte... J'en ai parlé avec mes collègues, et nous aimerions vous inviter à réfléchir à ces questions, au travers d'articles critiques ou d'essais (forme plus libre acceptée si pertinente) dans le dessein d'assembler un autre numéro de Post-Scriptum.ORG. Si ces problématiques vous interpellent, nous attendons vos propositions d'ici le 15 décembre 2008 à l'adresse suivante : post.scriptum.org@gmail.com

Remise des articles : 15 février 2009

Pistes de réflexion liées :

- La tendresse chez les méchants
- Le mal chez les gentils
- Le crime « pour une bonne cause »
- Le retournement complet de valeurs chez une personne ou un personnage
- Les récits de soi et points de cécité
- La nouvelle identité imposée de force par les colonialismes
- La duplicité humaine
- L'intégrité
- Le rapport entre la biographie et l'oeuvre
- La suspension de l'éthique
- La logique qui mène à la folie, la logique démentielle.
- …