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Contes: entre patrimoines, contextes et performances

Contes: entre patrimoines, contextes et performances

Publié le par Vincent Ferré (Source : ethnographiques.org)

 

Appel à contribution pour le numéro 2013 de la revue ethnographiques.org. Cet appel concerne autant les ethnologues que les philologues, linguistes et chercheurs en littérature orale.

 

 

Contes : Entre patrimoines, contextes et performances

(Information publiée le jeudi 19 avril 2012) L’objectif de ce numéro thématique de la revue ethnographiques.org est d’offrir un panorama de la recherche interdisciplinaire actuelle portant sur les contes. Nous entendons par ce terme « une production orale (et/ou mise par écrit) comprenant des séquences narratives définies à l’avance et prévue en fonction d’auditeurs, de manière plus ou moins spontanée. Ce récit peut concerner aussi bien le merveilleux, l’imaginaire que le supposé réel, « faits dont on pense généralement qu’ils ont existé, fût-ce en un temps lointain ou mythique » (Joisten, 1996 :119). Cette production se caractérise par une variation à plusieurs niveaux : historique, géographique et contextuel (qui raconte à qui, où et comment). Les recherches peuvent porter sur des matériaux collectés avec des méthodes et des temporalités différentes.

L’histoire de la recherche scientifique consacrée aux contes est complexe : d’abord centrée sur la question de l’origine, puis de la diffusion des contes, ensuite de la forme avec les recherches structurales commencées par Vladimir Propp au début du XXe siècle (Propp, 1979). Par ailleurs, un grand mouvement de classifications (par motifs/séquences narratives) a été entrepris tout au long du XXème siècle, notamment par Antti Aarne et Stith Thompson (1961), et Marie-Louise Ténèze et Paul Delarue (2002) en ce qui concerne la France, catalogues qui restent la référence pour de nombreux chercheurs.

Les recherches sur la littérature orale se sont dirigées vers le sens (interprétations mythique, psychanalytique et marxiste) et la fonction de ces récits (rôle de la tradition orale dans une société donnée). On s’éloigne actuellement des grandes théories monolithiques auxquelles les contes servaient de simple illustration pour accorder une plus grande attention au texte même des contes, examinés dans un esprit pluridisciplinaire qui s’efforce d’opérer une synthèse entre diverses méthodes d’approche (Simonsen, 1981).

L’étude scientifique de la littérature orale a pris le relais des grandes collectes des folkloristes du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Elle constitue un carrefour ouvert sur des approches interdisciplinaires (littérature, histoire, ethnologie, linguistique, psychologie, psychanalyse, pédagogie, orthophonie, philosophie, philologie) et embrasse une diversité de formes et de genres en perpétuel mélange et renouvellement. Depuis les années 1970, un engouement est né pour des questions d’identité et de culture régionale en France (Bouvier et al., 1980  ; Bouvier, 1980 et 1986). Les autorités régionales subventionnent ces recherches, le CNRS lance en 1976 deux thèmes de recherche : La conservation du patrimoine culturel et L’observation du changement social et culturel. C’est surtout après 1979 qu’on assiste à la constitution d’ « archives vivantes » (enregistrements sonores). Des programmes de recherche ont été entrepris par diverses universités, comme l’équipe du centre de recherche et d’études anthropologiques de l’université de Lumière-Lyon 2 autour des questions de l’imaginaire et du patrimoine (Martin et Decourt, 2003) et ou comme l’école de Budapest, dont l’idée principale est de recueillir le répertoire d’un seul conteur à la fois avec une caractéristique méthodique des recherches, comme les variantes de contes, le talent créatif du conteur, son répertoire, sa biographie, son style et son adaptation au public, sa vision du monde, la relation entre le conteur et sa réalité sociale, les auditeurs et les techniques de collecte (Martin et Decourt, 2003). Des journées d’étude ont été organisées à Paris par le Groupe de recherche en littérature orale (sous la responsabilité de Geneviève Calame-Griaule et de Vladimir Körög-Karady) en 1984, 1990 et 1991 (Calame-Griaule, 1984). Une école d’ethnography of speaking ou ethnolinguistique voit le jour (Lyons 1977, Fribourg 1978, Calame-Griaule 1989). Par ailleurs, la revue Cahiers de Littérature Orale (avec notamment Jean-Marie Privat, Nicole Belmont, Jean Derive, Jack Goody, Veronika Görög-Karady, Lydia Gaborit, Geneviève Calame-Griaule, Michel Valière,…) est lancée dès 1976.

De nombreux débats portent encore aujourd’hui sur les notions de "peuples de littérature orale" ou "sans écriture" (avec des connotations négatives rejetées par ces mêmes peuples) et ceux de "littérature écrite" (Firth, 1961 ; Murphy, 1978). Et le terme "folklore", très utilisé pour l’étude des cultures orales, reste ambigu et il faut donc le manier avec précaution.

Dans le panorama de la recherche contemporaine, nous pouvons aussi citer le mouvement ethnocritique (Privat, 2010  ; Scarpa, 2009) qui s’intéresse à l’histoire de la littérature dans le but de retrouver dans les grands ouvrages littéraires des traces et des évocations des pratiques folklorique.

Du côté plus strictement anthropologique, nous pouvons citer les travaux de Yvonne Verdier (1978), avec ces analyses portant sur le conte du Petit Chaperon Rouge, ou bien encore de Ruth Finnegan (2001).

Pour la recherche actuelle, qui peut éventuellement tirer profit de la matière résultant de ces collectes structurelles et classifiées, il s’agit d’explorer de nouveaux axes d’étude concernant les contes :

puce.gif contextualisation

puce.gif patrimonialisation

puce.gif performance


En effet, la forme et le contenu du conte sont fortement influencés par leur ancrage social, géographique (le lieu et le contexte social dans lesquels le conte est dit), linguistique, culturel et personnel (du conteur et des auditeurs). Il s’agit de ne pas oublier dans quelle langue ces récits étaient/sont contés : les langues autochtones (par exemple, dans le cadre de la francophonie, les dialectes gallo-romans), les langues minoritaires ou issues de l’immigration véhiculent des valeurs et des associations qui ne se retrouvent pas forcément dans une traduction.

Un autre élément d’intérêt, qu’il serait intéressant de voir approfondi, est la place de la sphère intime du conteur dans le processus de construction du conte. Le conteur puise dans ses souvenirs pour chercher des images vécues aptes à illustrer la séquence narrative qu’il veut raconter et qu’il cherche à renvoyer aux spectateurs par le biais de l’oralité. Les spectateurs capteront les mots du conteur qui vont évoquer pour eux des images de leur propre sphère intime, et donc différentes de celles de départ. Pour être efficace dans ce processus figuratif, le conteur doit maîtriser ces images, bien les connaître et savoir les illustrer dans les moindres détails. Là, la réalisation performative du conte semble confirmer les théories de Hutchins (1996) et autres à propos de la cognition distribuée. L’analyse du conte dévient alors intéressante et potentiellement élargissable aussi à l’étude de son contexte (conteur, public, lieu, etc.).

La composante essentiellement orale ainsi que la question de la transmission place le conte au centre de la problématique de perte et de sauvegarde du patrimoine culturel et immatériel (PCI) qu’il représente. Le concept de PCI a été développé par l’UNESCO avec les buts suivants : « (a) la sauvegarde du patrimoine culturel immatériel ; (b) le respect du patrimoine culturel immatériel des communautés, des groupes et des individus concernés […] » [1] et il inclut des traits culturels comme par exemple la danse, la musique, les rites et rituels, les contes, les cosmologies et les techniques artisanales traditionnelles. Si le concept de PCI réclame d’être analysé dans sa tension entre le politique et l’intellectuel, il participe bien d’un large mouvement de conservation, de sauvegarde, voire de renouveau du savoir et des savoir-faire liés aux contes (création d’associations de conteurs, de festivals de narration, de Maisons des contes et légendes, etc.). De grands mouvements de patrimonialisation locale sont nés dans cet élan de sauvegarde (Isnart, 2010).

Mais le conte n’est pas seulement un objet de recherche à enregistrer ou à sauvegarder, il est également à étudier dans sa réalisation orale (angl. performance). Si le phénomène de la narration se manifeste en premier dans des groupes sociaux de petite taille (famille, etc.), il s’inscrit aussi, et de plus en plus, dans des contextes sociaux de plus grande envergure. Ainsi, la naissance autour des années 1970 du théâtre de narration (notamment en Italie) place l’art de raconter face à de nouveaux contextes et de nouveaux publics : la performance narrative devient forme d’art théâtral.

Parallèlement aux trois axes de recherche mentionnés ci-dessus, étant donné l’importance grandissante de la question juridique dans nos sociétés, nous aimerions également recevoir des contributions traitant de la notion du droit d’auteur, de la propriété intellectuelle de cette littérature entre écriture et oralité, entre intimité et spectacle, entre patrimoine collectif et réalisation d’auteur.

Le numéro sera ouvert à des approches et à des méthodologies différentes. Il privilégiera l’expérimentation de nouvelles formes d’écriture que la revue ethnographiques.org cherche à promouvoir. Les différentes possibilités de traitement numérique des documents textuels, visuels et sonores (séquençage, synchronisation, annotation, etc.) invitent à penser des solutions de présentation originales, susceptibles de mettre en perspective les productions audiovisuelles et de restituer plus finement les expériences considérées. Des membres du comité de direction d’ethnographiques.org se tiennent à la disposition des personnes qui souhaitent répondre à cet appel à contribution en intégrant ces ressources en amont de leur travail.

Les propositions de contribution (1 page maximum et la bibliographie) devront être rendues au plus tard le 15 juin 2012. Un premier tri sera effectué sur la base de ces propositions. Les articles devront être remis pour le 15 octobre 2012.

Les propositions devront être envoyées, avec la mention « CONTES » comme objet du message, aux quatre destinataires suivants :


puce.gif federica.diemoz@unine.ch

puce.gif aurelie.elzingre@unine.ch

puce.gif andrea.jacot@unine.ch

puce.gif thierry.wendling@ehess.fr