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Commenter, expliquer, paraphraser: Les enjeux anthropologiques des pratiques de commentaire dans le monde antique et au-delà

Commenter, expliquer, paraphraser: Les enjeux anthropologiques des pratiques de commentaire dans le monde antique et au-delà

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Compitum)

Séminaire : "Antiquité au Présent"

Commenter, expliquer, paraphraser

Les enjeux anthropologiques des pratiques de commentaire dans le monde antique et au-delà

11 octobre 2011 - Paris-Diderot, Les Grands Moulins - Bât C, 7ème étage, salle 779 C


Le rôle central accordé au texte est certainement un des traits caractéristiques de la culture occidentale. Mais la compréhension de ce qu'est un texte, de son fonctionnement ainsi que sa réception, a varié au cours des époques comme en témoigne la tradition métatextuelle gréco-latine, l'histoire du commentaire étant toujours celle d'une pratique interprétative singulière développée dans un contexte culturel donné. Par ailleurs, la tradition classique du commentaire repose en bonne partie sur une réflexion linguistique concrète (à l'oeuvre déjà dans la tradition poétique grecque archaïque), et elle s'est développée tout au long de l'Antiquité en créant des productions métatextuelles indépendantes, fondées sur de nouvelles méthodes d'interprétation et sur une réflexion critique toujours renouvelée. L'émergence du christianisme au coeur de l'Empire romain offre un bon exemple d'une telle transformation, tant par la dimension sacrée conférée au texte biblique que par la rhétorique du texte des Évangiles qu'on peut lire justement comme une exégèse en action.


Aussi la question du commentaire, toujours ‘second' par rapport au texte qu'il veut éclairer, permet-elle de mettre en question les pratiques lettrées (mises en lumière par les travaux de Christian Jacob) dans une perspective socio-culturelle : hypomnèmata, constitutions de catalogues, de recueils, de récits ; pratiques pédagogiques et scolaires ; usage des bibliothèques et des textes de référence, comme dans une « vie de laboratoire » telle qu'aurait pu l'étudier Bruno Latour ; pratiques poétiques « intertextuelles ». Elle permet aussi d'interroger des pratiques individuelles, au travers des archives conservées par les hasards de l'histoire (papyrologie, épigraphie), et des formulations textuelles individuelles (traités, performances poétiques, etc). Elle nous invite enfin à réinterroger les termes fondamentaux du monde antique et médiéval, dans la constitution et la transmission de son savoir.


Le séminaire de cette année aimerait, dans le cadre plus général du projet « archives » de l'équipe CERILAC et en continuité avec les axes développés par Claude Calame et Florence Dupont ces dernières années, en anthropologie des pratiques culturelles et en « théories de la performance », réfléchir à l'ensemble de ces questions, et plus spécifiquement, se demander :


Quelle est la pragmatique du commentaire ? Comment s'articule l'histoire des commentaires et l'histoire des genres ? Comment ces pratiques de commentaire sont-elles désignées en grec ? en latin classique ? en latin tardif ? paraphrazein, commentarii/memoria, explicare… Quels sont les enjeux propres à chaque tradition exégétique ? Que lit-on quand on lit un commentaire ? Et comment lit-on un commentaire ? Comment même compose-t-on un commentaire ? Ces pratiques ont-elles donné naissance à l'émergence d'un nouveau statut auctorial, le commentateur ? Quels sont alors ses liens avec l'auteur d'un texte ? Et sur quel type d'auctoritas reposent ses relations avec le lecteur ? Existe-t-il dans le monde antique ou ailleurs des formes de commentaires qui ne reposent pas sur des textes écrits ? Peut-on, à Rome ou en Grèce ou au Moyen-Age, commenter une image, un spectacle, une performance ? Le commentaire peut-il même prendre une forme orale ? Ou faut-il réserver la notion de « commentaire » aux pratiques d'écriture, se démarquant d'autres formes de « paroles ‘sur' » (ekphrasis…) ? Quel est le lien entre cette pratique et la mémoire ? Commente-t-on pour enregistrer, garder en mémoire (cf. lien étymologique entre memoria/commentarii) ? Comment s'articulent enfin ces pratiques lettrées et les représentations que les Anciens eux-mêmes se font de ces pratiques ?

Dans cette optique « questionnante » nous vous proposons de consacrer la première séance du séminaire à la mise en commun des questions, des problèmes, des domaines spécifiques sur lesquels nous aimerions travailler et des références bibliographiques qui nous paraissent importantes pour ce sujet. Nous réfléchirons aussi à la façon dont nous pouvons élargir l'enquête non seulement au monde médiéval et à la Renaissance, mais à d'autres cultures « lettrées », comme la Chine, ou l'Inde par exemple.

Jean-François Cottier (Université Paris Diderot, EA 4410 – CERILAC)
Emanuelle Valette (Université Paris Diderot, EA 4410 – CERILAC)
Charles Delattre (Université de Paris-Ouest /Nantere THEMAM, UMR 7041 ArScAn)