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Comment cartographier les récits documentaires et fictionnels ?

Comment cartographier les récits documentaires et fictionnels ?

Publié le par Marion Moreau (Source : Mauricette Fournier)


Comment cartographier les récits documentaires et fictionnels ?

Mapping Methodologies :  Factual and Fictional Texts

Clermont-Ferrand, 16 novembre 2012

Journée d’études du programme MSH-LIDO

 

La cartographie, terme né à la fin du XIXe siècle, renvoie aujourd’hui à toute une série de pratiques pluridisciplinaires. Selon Turnbull[1], cartographier signifie en général « assembler des savoirs locaux », savoirs qui sont de nature fondamentalement géographiques. Ainsi, cartographier les villes, les campagnes, les mers et les paysages, les lieux et les espaces contribuent à l’élaboration de géographies réelles et fictionnelles qui exercent une influence politique et économique, sociale et culturelle. Ainsi, relève Casti[2], la cartographie est aussi devenue « une théorie des actes cognitifs et des technologies par lesquels l’homme réduit la complexité environnementale et s’approprie intellectuellement le monde ». La cartographie est donc aussi un « instrument d’interprétation du monde », un langage, mobilisé tant pour essayer de rendre compte du réel (cartes documentaires des voyageurs, des géographes) que de l’imaginaire (cartes jointes à des romans, des bandes dessinées).

Nous tenterons lors de cette journée de proposer des méthodologies pour « traduire » en langage cartographique le langage textuel des oeuvres littéraires, des récits documentaires ou les discours historiques (relayé par exemple dans les musées, les expositions, les circuits touristiques). En ce qui concerne l’écrit, la question que pose Shrayer[3] est tout à fait pertinente : comment représenter avec une précision optimale un espace en trois dimensions au travers de mots imprimés sur une page en deux dimensions ? On peut également se demander comment cartographier le discours historique tel qu’il est exprimé dans des lieux touristiques et patrimoniaux, dans les musées et les expositions?[4]

Bien souvent nourri par un imaginaire de lieux, l’écrit littéraire a partie liée avec la géographie. Daniels et Rycroft avancent l’hypothèse que la forme littéraire est géographique de façon inhérente car le monde du roman est fait d’emplacements et de milieux, de territoires et de frontières, de perspectives et d’horizons. Des espaces et des lieux sont investis et imaginés[5]. Westphal quant à lui développe la géocritique, une méthode d’analyse qui mobilise « la théorie littéraire, la géographie culturelle et l'architecture »[6]. Qu’elles s’ancrent plus ou moins fidèlement dans des lieux réels ou dépeignent des univers fictionnels, les narrations sont donc aussi des instruments de connaissance permettant, par le détour de l’imaginaire, d’appréhender le réel. En retour, si la démarche scientifique qui consiste à explorer les fictions pour en donner une lecture des sociétés est peu courante en France, comme l’a souligné Musset[7], quelques essais précurseurs avaient cependant ouvert la voie (Frémont cartographiant l’espace vécu de Madame Bovary[8], Lacoste redessinant le cadre géopolitique du Rivage des Syrtes[9], …) ; ces approches actuellement renouvelées par des expériences novatrices de cartographie et de modélisation des oeuvres de fiction qui en démontrent tout l’intérêt au plan heuristique (par exemple Semmoud et Troin[10] ou Brosseau[11]). Dans cette perspective, nous attendons des propositions de communications ou de posters permettant d’enrichir la gamme des méthodes possibles pour « mettre en cartes » diverses formes de narrations (romans, poésies, bandes dessinées, chansons…)

Les auteurs d’écrits documentaires tels que les récits de voyages sont animés en premier lieu par le besoin et le désir de cartographier les espaces parcourus. En quoi l’imaginaire, voire même ce que nous appelons le plagiat aujourd’hui, peuvent-ils nourrir la réflexion cartographique ? Au 18ème siècle par exemple, les explorateurs maritimes partaient en mer avec les moyens référentiels du bord, notamment des récits de voyages et des atlas. L’auteur du journal de bord s’inspirait largement de la lecture des récits en sa possession et le reconnaissait dans ses pages. En était-il de même pour les cartes ? En quoi une nouvelle carte ressemblait-elle à celles qui l’avaient précédée dans des publications antérieures? De plus, le nombre de cartes insérées dans les carnets de voyage et les journaux de bord n’est parfois pas à la mesure du nombre de pages écrites. Comment l’ensemble de ces écrits, qui rend compte des itinéraires divers, peut-il à son tour être rendu de façon cartographique afin de compléter les représentations?

En 2002, Neil Safier[12] soulignait que la recherche actuelle tend à présenter le texte descriptif par un rendu cartographique par le biais de moyens informatiques. Comment cette piste peut-elle être exploitée ? Quels autres types de récits seraient susceptibles d’une traduction en langage cartographique ? Comment par exemple proposer une mise en carte des con/textes patrimoniaux et produire des cartes qui montreraient les liens entre espaces et discours patrimoniaux locaux, nationaux et internationaux ?

Prévue pour le 16 novembre, cette journée d’études s’inscrit dans le cadre d’un programme pluridisciplinaire de la Maison des Sciences de l’Homme de Clermont-Ferrand ; le programme MSH-LIDO Des lieux, des oeuvres. Représentations cartographiques, littéraires et iconographiques des lieux et des territoires. Méthodologie pour la construction de corpus, coordonné par Mauricette Fournier (CERAMAC), Stéphane Gomis (CHEC), Sylviane Coyault (CELIS) et Sandhya Patel (EHIC).

Elle sera suivie les 17 et 18 novembre par le colloque : « L’écriture qui voyage ». Conditions de production des récits de voyages maritimes et fluviaux véritables (coordination scientifique Sandhya Patel, EHIC, en partenariat avec SELVA (www.sites.univ-provence/SELVA), et le Rendez Vous du Carnet de Voyage (http://www.rendezvous-carnetdevoyage.com/).

Ces rencontres scientifiques se dérouleront en parallèle de la 13ème édition du Rendez Vous du Carnet de Voyage à laquelle les participants sont invités.

Comité d’organisation                                                                                                   

Mauricette FOURNIER (CERAMAC

Sandhya PATEL (EHIC)

Comité scientifique                                                                                                           

Sylviane COYAULT (CELIS)

Lionel DUPUY (SET)

Odile GANNIER (CTEL)

Mauricette FOURNIER (CERAMAC)

Stéphane GOMIS (CHEC)

Anna MADOEUF (CITERES)

Sandhya PATEL (EHIC)

Jean-Yves PUYO (SET)

Muriel ROSEMBERG (Géographie-Cités)

Florence TROIN (CITERES)

Bertrand WESTPHAL (EHIC)

Modalites de soumission                                                                                                  

Les propositions de communication et/ou de poster devront être envoyées par courrier électronique (en fichier attaché sous le format « .doc ») avant le  31 juillet 2012 à:

mauricette.fournier@univ-bpclermont.fr
sandhya.patel@univ-bpclermont.fr

Outre le nom, les coordonnées et l’institution du ou des auteurs, elles devront comporter le titre et un résumé en français de 500 mots environ. Le document portera votre nom sous la forme « initiale du prénom.nom.doc (exemple j.martin.doc). Le comité scientifique sera en charge de la sélection des communications. Une réponse à chacune des propositions sera envoyée début septembre 2012.

Langues : les présentations orales et les articles pourront se faire en français ou en anglais.

Lieu du colloque : Clermont-Ferrand (salle à préciser).

 

[1] David Turnbull, “Cartography and Science in Early Modern Europe: Mapping the Construction of Knowledge

Spaces”, Imago Mundi, Vol. 48 (1996), pp. 5-24.

[2]  Emanuela Casti, notice “cartographie”, in Jacques Lévy et Michel Lussaud (dir.), Dictionnaire de la géographie et de l’espace des sociétés, Paris, Belin, 2003, pp. 134-135

[3] Maxim D. Shrayer,  “Mapping Narrative Space in Nabokov's Short Fiction”, The Slavonic and East European Review, Vol. 75, No. 4 (Oct., 1997), pp. 624-641.

[4] Nikolas Glover, “Histories: Mapping the Uses and Narratives of History in the Tourist Age”, The Public Historian, Vol. 30, No. 1 (February 2008), pp. 105-124.

[5]Stephen Daniels and Simon Rycroft, “Mapping the Modern City: Alan Sillitoe's Nottingham Novels”, Transactions of the Institute of British Geographers, New Series, Vol. 18, No. 4 (1993), pp. 460.

[6] Bertrand Westphal, La Géocritique, Réél, Fiction, Espace, Editions de Minuit, 2007.

[7] Alain Musset, 2005, De New-York à Coruscant, essai de géofiction

[8] Armand Frémont, 1999, La région, espace vécu, Paris, Flammarion (collection champs)

[9] Yves Lacoste, 1987, « Julien Gracq, un écrivain géographe : Le Rivage des Syrtes, un roman géopolitique », in Lacoste, Yves (dir.). Hérodote paysage en action. Janvier-mars 1987, N° 44. Paris : La découverte. pp. 8-37

[10] Nora Semmoud, Florence Troin, 2011, « Barcelone et l’Ombre du vent de Carlos Ruiz Zafon », communication au colloque « Lire les villes, Panoramas littéraires du monde urbain contemporain», Université François Rabelais de Tours, 16-17 juin 2011.

[11] Marc Brosseau, « Écrire la ville multiculturelle : défis formels et enjeux », communication au séminaire « Haut-lieu / Non Lieu, dialogue de la géographie, de la littérature et des arts », Clermont-Ferrand, 16 novembre 2011.

[12] Neil Safier, “19th International Conference on the History of Cartography”, Imago Mundi, Vol. 54 (2002), p. 135.