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Colloque : Romantisme et Modernité

Colloque : Romantisme et Modernité

Publié le par Vincent Ferré (Source : Abdelghani EL HMANI)

Université Sidi Mohamed Ben Abdellah - Fès

Faculté des Lettres et des Sciences Humaines Saïs-Fès

Département de Langue et de Littérature Françaises

Laboratoire de recherche « Langues, Représentations et Esthétiques »

Equipe de recherche « Représentations, Imaginaires et esthétiques »

Colloque international :

Littérature et modernité

Dans Critique de la Modernité[1], Alain Touraine définit la modernité comme la volonté de faire exister une correspondance entre la production, rendue plus efficace par la science, la technologie ou l'administration, l'organisation de la société réglée par la loi et la vie personnelle, animée par l'intérêt. La philosophie de la modernité est sous-tendue par la volonté de libérer l'homme de toutes les contraintes. A travers la modernité l'homme fait l'expérience de sa radicale autonomie à l'égard de toute forme de transcendance. La correspondance d'une culture scientifique, d'une société ordonnée et d'individus libres est tributaire du triomphe de la raison. Le 18ème siècle est le moment où la raison, mue par une volonté totalitariste, [2]cherche à régir tous les espaces de l'activité humaine. Toutefois, et suite à un processus historique, la raison se défait de son versant éthique pour se transformer en raison instrumentale ; tout ce qui relève dès lors de l'Interaction est subordonné aux activités rationnelles par rapport à une fin.[3] Et c'est Horkheimer qui va dénoncer la dégradation de la raison objective en raison subjective, c'est- à- dire la transformation d'une vision rationaliste du monde en une action purement technique où la rationalité est mise au service de besoins, que ce soient ceux d'un dictateur ou ceux des consommateurs. Se profile dès lors, et parallèlement à ce processus de travestissement de la raison, un autre dont Marcel Gauchet se fait le fin analyste : il s'agit du désenchantement du monde.[4] La pensée de Nietzsche est à situer à l'intérieur de la modernité puisqu' elle revendique l'héritage des Lumières, et surtout son versant voltairien qui fait preuve d'une haine violente vis-à-vis du christianisme. Les hommes sont séparés des dieux, et cette rupture est à considérer comme une libération. La mort de Dieu marque la fin de la métaphysique. Le devenir se substitue ainsi à l'essence, tout comme l'action à la substance.

Il n'en reste pas moins que le moment nietzschéen est précédé d'un mouvement de refus de cette modernité désenchanteresse : il s'agit de la configuration de la pensée romantique dans sa dimension européenne. Le fait romantique semble défier l'analyse, surtout de par son caractère contradictoire. Il est à la fois révolutionnaire et contre-révolutionnaire, individualiste et communautaire, cosmopolite et nationaliste, rétrograde et révolutionnaire, révolté et mélancolique, démocratique et aristocratique, activiste et contemplatif, républicain et monarchiste, mystique et sensuel…La diversité foisonnante du mouvement romantique pousse le critique américain Arthur O. Lovejoy à chercher à résoudre le problème des contradictions internes du mouvement par l'élimination du terme même de romantisme :  « le mot romantique a signifié tellement de choses que, en soi, il ne signifie rien. Il a cessé de remplir le fonction d'un signe verbal…Le seul remède radical- à savoir, que nous cessions de parler du romantisme- ne sera certainement pas adopté, je le crains. »[5]

Une telle perception du mouvement romantique est réductionniste. Le romantisme est d'abord l'expression d'une crise. Etymologiquement, la Krisis[6] est d'abord un jugement. La culture romantique, et tout en succédant à celle des Lumières, adopte une nouvelle manière de juger la raison. Le romantisme est une critique acerbe de l'hégémonie de la raison théorique qui cherche à asservir à ses lois la raison pratique. On retrouve cette même critique chez Blaise Pascal qui reproche à « l'esprit de géométrie » de chercher à s'appliquer là où doit s'appliquer « l'esprit de finesse ».

La critique de la raison se fait sur le mode de la révolte et de la mélancolie. La vision romantique prend un moment du passé réel où des caractéristiques néfastes de la modernité n'existaient pas encore et où des valeurs humaines étouffées par celle-ci existaient toujours, le transforme en utopie et voit en lui l'incarnation des valeurs romantiques les plus sublimes. Les caractéristiques néfastes de la modernité proviennent selon les romantiques d'un certain nombre de phénomènes consécutifs au triomphe de la rationalité, en l'occurrence le désenchantement du monde, la quantification du monde, la mécanisation du monde, l'abstraction rationaliste et la dissolution des liens sociaux.

La critique romantique de la modernité a encore une influence notoire sur les penseurs du 20ème siècle. Il suffit de rappeler le cas de Jean Giono qui, et selon Jean-François Durand[7], a dialogué avec ladite configuration de pensée. Cette vision du monde aura un impact certain sur le mouvement écologiste[8] et sur le mouvement alter mondialiste dans leur refus de la mondialisation et de la surexploitation de la nature.

La littérature chrétienne partage avec le romantisme son refus du désenchantement du monde.

Il n'en reste pas moins que la littérature engagée d'obédience marxiste se révoltera contre la vision du monde romantique. Elle se veut la continuatrice du mouvement amorcé par la philosophie du siècle des Lumière. Il suffit de citer Walter Benjamin qui a des positions très controversées sur le romantisme. Nous voyons ainsi que le romantisme occupe une position bien particulière dans le débat sur la modernité. C'est par rapport à lui que se situeront les différentes prises de positions concernant ledit débat.

Le débat sur la modernité n'a pas préservé le monde arabo-musulman. Mohamed Talbi fait une très belle analyse de l'intrusion de la modernité dans le débat politique dans l'aire arabo-musulmane. Il dit à ce propos : « Cette fameuse modernité, qui est le coeur du problème, n'est pas née au sein du monde musulman par le fait d'une évolution naturelle et progressive, elle n'est pas le fruit de ses propres valeurs mais lui a été imposée du dehors, d'abord par l'humiliation de la colonisation, puis par l'importation des productions et des mentalités occidentales. Les uns ont eu à l'égard de cette modernité une réaction de rejet allant parfois jusqu'à la violence, d'autres s'y sont plongés jusqu'à couper leurs racines et brader l'héritage islamique, au plan moral et même au plan de la foi. Nous sommes confrontés à une profonde crise de conscience. »[9]

Le mérite de cette citation est de balayer les champs de la pensée arabo-islamique. Elle concerne aussi bien le mouvement salafiste et son versant violent, la littérature maghrébine d'expression française que ce mouvement de relecture de l'histoire musulmane amorcée par des penseurs tel que Tahar Djaït.

 

Quelques Axes de recherche (à titre indicatif) :

 

- La littérature maghrébine face à la modernité.

- Les écrivains français chrétiens du 20ème siècle et le problème de la modernité.

- Les littératures de l'ère coloniale et la modernité.

- Romantisme et modernité.

- Roman marocain de langue arabe et le problème de la modernité.

- Modernité et postmodernité

- L'essai face à la modernité

- La rupture du postmoderne face aux faits politiques

 

N.B. :

  • La durée des interventions est de 20 minutes.
  • Les propositions, accompagnées d'un résumé d'environ 200 mots et de l'affiliation professionnelle (titre, département, institution…) de l'intervenant doivent être envoyées avant le 28 février 2010 simultanément à :

- Hassan CHAFIK, hassan.chaf@hotmail.fr – Téléphone : (212) 6 61 20 27 75

- Abdelghani EL HIMANI, elhimani1308fes@hotmail.fr – Téléphone : (212) 6 60 54 81 94

Pour accélérer le processus de la publication des actes, il est souhaitable que les textes des communications nous parviennent courant septembre 2010.


[1] Alain, Touraine, Critique de la modernité, Fayard, 1992, p.12

[2] Beaucoup de sociologues mettront en évidence le projet totalitaire de ladite raison. L'école de Francfort illustre la tendance moderne à critiquer une raison instrumentale qui a renié les fondements éthiques hérités du siècle des Lumières. C'est Roger Garaudy qui parlera le premier de l'intégrisme de la science dans son travail intitulé Intégrismes.

[3] C'est dans La Science et la technologie que Jürgen Habermas se fait le perspicace analyste de ce processus. (Denoël, 1973) Voir aussi Horkheimer, Marx, Adorno, Théodor-W, La Dialectique de la raison, Paris, « Tel », Gallimard, 1983.

[4] Marcel, Gauchet, Le Désenchantement du monde, Paris, Gallimard, 1985.

[5] Cité par Michel Löwy et Robert Sayre dans  Révolte et mélancolie. Le romantisme à contre-courant de la modernité , Editions Payot, 1992. Nous signalons notre dette à l'égard de cet ouvrage dans notre définition du mouvement romantique.

[6] A ce niveau, nous faisons allusion à la lecture que Jacques Chabot fait du mouvement romantique dans Giambattista Vico ou la raison du mythe, Les écritures du Sud, Edisud, Aix-en-Provence, 2005

[7] Jean-François Durand, Jean Giono entre le romantisme et la modernité, Thèse de doctorat d'état soutenue à Aix-en-Provence, 1989.

[8] Voir surtout l'analyse que fait Luc Ferry des liens qu'entretiennent romantisme et écologie in Le nouvel ordre écologique, Grasset, 1993.

[9] Mohamed Talbi, Réflexion d'un musulman contemporain, Fennec, Poche Essai, 2005, p.114