Actualité
Appels à contributions
Photolittérature, littératie visuelle et nouvelles textualités

Photolittérature, littératie visuelle et nouvelles textualités

Publié le par Matthieu Vernet (Source : Vincent Lavoie)

« Photolittérature, littératie visuelle et nouvelles textualités »

Organisé par les équipes Cellam (Université Rennes 2), Figura (Université du Québec à Montréal) en collaboration avec NYU Paris

NYU, Paris, 26 & 27 octobre 2012

Colloque international et interdisciplinaire, sous la direction de Paul Edwards (NYU, Paris 7) Vincent Lavoie (Uqàm) et Jean-Pierre Montier (Rennes 2)

La photolittérature réfère à des productions imprimées dans lesquelles ont été insérées des photographies, le plus souvent à titre d’illustrations, au sein d’oeuvres ayant un statut littéraire ou vocation à être perçues ou reconnues comme telles. Par extension, le mot désigne aussi l’ensemble des productions éditoriales dans lesquelles l’image photographique joue un rôle structurant. Au regard des classements génériques traditionnels, la photolittérature relève de la para-littérature, des marges du littéraire ou des médias illustrés. En réalité, on y trouve : des oeuvres d’écrivains absolument majeurs ; des textes très novateurs mais plus ou moins ignorés, méritant d’être reconsidérés et de servir de support à une réévaluation globale de cette production, voire plus largement de l’histoire littéraire; des ouvrages à tirage limité, parus chez des éditeurs qui sont aussi parfois imprimeurs ou libraires, dans la tradition du livre d’artiste; des contributions parues dans des magazines et auxquels des écrivains collaborent ponctuellement; des formes de communications visuelles (l’essai photographique) renouvelant les modes d’intrication du texte et de l’image ; des livres où la photographie s’impose comme vecteur principal sinon exclusif de la narration ; des créations contemporaines opérant la transition d’une culture du livre et de l’imprimé à une culture de l’écran.

La photolittérature constitue donc également un opérateur théorique permettant de repenser les rapports d'autorité entre le texte et l'image, les régimes de l'illustration et les fondements épistémologiques du livre.

La célèbre phrase de László Moholy-Nagy – « L’analphabète de demain ne sera pas celui qui ignore l’écriture, mais celui qui ignore la photographie » (1928) – est emblématique d’une conception de la modernité où l’image paraît déclasser le texte comme vecteur absolu de distribution du savoir. Sous l’impulsion des médias de masse dans l’entre-deux-guerres, et plus particulièrement de la presse illustrée, émerge une nouvelle littératie de l’image susceptible de renverser les rapports d’autorité que la littérature entretient avec la photographie. Celle-ci prend la forme de l’essai photographique, un type de narration visuelle reposant sur la succession de plusieurs images étroitement liées par un contexte graphique et textuel. Tout en continuant de privilégier la forme livresque, certaines propositions éditoriales ont redéfini la nature de la relation que la photographie entretient avec le texte. Ces propositions, avec ou sans texte, sont celles de photographes (Albert Renger-Patzsch, Die Welt ist schön (Le monde est beau), 1928, Lewis W. Hine, Men at Work, 1932; Bill Brandt,  Night in London, 1938; Weegee, Naked City, 1945), de photographes et d’écrivains (Walker Evans et James Agee, Let Us Now Praise Famous Men, 1941; ), de photographes et de poètes (Paul Éluard et Hans Bellmer, Les Jeux de la poupée, 1949 ; Lise Deharme et Claude Cahun, Le Coeur de Pic, 1937) ou encore de photographes et de sociologues (Dorothea Lange et Paul S. Taylor, An American Exodus, 1939). Tous ces ouvrages constituent des créations spécifiques reposant sur une esthétique de la mise en page et de la typographie. Certains d’entre-deux présentent un intérêt marqué pour les formes et propriétés graphiques des mots, parfois plus que pour leurs significations. La « visualité » des mots, dont on sait combien elle fut déterminante pour le futurisme (Parole in libertà de Marinetti) et le dadaïsme, fait alors l’objet d’une attention toute particulière. Autant la reproductibilité de la photographie aura stimulé la production éditoriale, autant cette dernière aura désigné la reproduction photographique comme l’un des principaux emblèmes du XXe siècle. C’est cette contribution croisée à la modernité que ce colloque entend étudier dans ses diverses facettes.

Nous sommes aujourd'hui confrontés, et nous pouvons en faire aisément le constat, à des formes de plus en plus variées de textes, produits à l’aide de l’ordinateur. Ce sont des textes à la croisée du papier et de l’écran, ou alors n’existant que dans le cyberespace, des productions où le texte et l’image se côtoient selon une logique intermédiatique de plus en plus élaborée, des hypertextes qui nous entraînent dans des labyrinthes narratifs venant, par leur structure même, renouveler les bases de la textualité. Qu’ils soient fonctionnels ou de fiction, ces hypertextes sont distribués sur des sites consacrés à la littérature ou aux explorations multimédiatiques. En fait, l’hypertextualité est une caractéristique fondamentale du cyberespace, et la littérature qu’on y trouve en exploite les possibilités à l’aide de programmes sophistiqués. Aux côtés de ces textes entièrement numérisés s’épanouissent des oeuvres hybrides, des livres accompagnés de cédéroms qui offrent une mise en spectacle multimédiatique du texte (La Suite mongole de D. Kimm [2001]), des romans où la typographie et la mise en page sont soumises à d’importantes torsions et variations rendues possibles par l’informatisation du processus d’édition des textes (La Maison des feuilles de Mark Z. Danielewski [2002]), des romans qui jouent sur une forte présence de l’image (La sensualiste de Barbara Hodgson [1999]). Or, ces formats divers attestent d’une diversité toujours croissante, de nos jours, des situations de lecture et des expériences de la textualité. Le texte n’existe plus seul ; il côtoie des images et il est intégré à des dispositifs qui l’animent, l’effacent ou l’opacifient à souhait. Ce sont des dispositifs qui en modifient substantiellement la forme ainsi que la texture, et qui exigent en fait de créer un nouveau vocabulaire, voire une nouvelle grammaire.

Ce colloque a pour ambition de contribuer à une réflexion sur l’histoire passée et la mutation contemporaine des littératures, du livre, de la photographie et plus largement des formes de textualités. Ces cadres d’ensemble étant posés, les propositions pourront se rapporter plus spécifiquement aux axes suivants :

  • épistémologie du livre illustré et historicité de la photolittérature
  • paralittérature, identité et intermédialité
  • théories de l'illustration et littératie de l'image
  • hypertextualité, culture de l’imprimé/culture de l'écran, imaginaires de la fin du livre
  • relations texte/image, visualité du mot, narrativité de l'image et modernité artistique
  • présence du corps, érotisme de l’image/du livre

Prière d’envoyer vos propositions de communication, d’environ 750 mots, avec un titre, même provisoire, et en incluant vos coordonnées, votre affiliation institutionnelle, une adresse postale et une adresse électronique avant le 30 juin 2012 à phlit.org@gmail.com