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Colloque Nicolas Bouvier (et autres manifestations culturelles)

Colloque Nicolas Bouvier (et autres manifestations culturelles)

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Marie-France David - de Palacio)

Colloque « Nicolas Bouvier : espace et écriture »

Université de Bretagne Occidentale (UBO)

Faculté des Lettres Victor Segalen, Brest 4 et 5 avril 2008

A l'initiative du Centre des Correspondances et Journaux intimes (UMR 6563) et de Hervé Guyader 

Un colloque international intitulé « Nicolas Bouvier : espace et écriture » se tiendra à la Faculté Victor Segalen de Brest les vendredi 4 et samedi 5 avril 2008 pour rendre hommage à ce grand voyageur et grand écrivain. Parmi les intervenants (ceux-ci viendront de Genève, Lausanne, Paris, Pau, Strasbourg, Pise, Bruxelles, etc.), figureront des universitaires issus de disciplines différentes (lettres, anthropologie), mais également des romanciers, des voyageurs, un photographe, des éditeurs… Le fait que des intervenants issus d'horizons géographiques et intellectuels aussi variés se déplacent à Brest permettra de souligner l'universalité de l'oeuvre de Nicolas Bouvier.

INTERVENTIONS : - Eliane Bouvier (Genève)

- Aline Bergé (Paris-III, CRNS) : « Le Japon dans les plis : autobiographie, ethnographie et histoire ». Du Japon de 1967 à la Chronique japonaise (1975/1989), Nicolas Bouvier réinvestit et redéfinit le partage entre autobiographie, ethnographie et histoire qui marque et singularise son écriture. On montre dans cette étude que la première édition posthume des Carnets du Japon (Le Vide et le Plein, 2004) invite le lecteur à entrer dans la fabrique de ces livres pour y mieux entendre et réévaluer les enjeux de cette partition entre des orientations de son écriture que lient ou séparent des relations tendues de contradiction et de complémentarité. On verra que c'est dans une suite de notes hantées par les échanges possibles ou manqués entre le dehors et le dedans que cette partition se cherche, entre les territoires réels et imaginaires des lieux parcourus et les terres mouvantes de l'écriture, entre le présent et le passé, entre vision et rétrospection, entre prose et poésie : dans les plis du Japon.

- Jean-Yves Guéguéniat (Brest) : « Le dépouillement et le dépassement de soi-même ». « Nous nous refusons tous les luxes sauf le plus précieux : la lenteur ». En tant qu'usager du monde, je parlerai des nombreuses vertus du voyage à pied et notamment celle de « purger la vie avant de la garnir ».  Pour illustrer cette philosophie de Nicolas Bouvier, je parlerai d'un voyage initiatique de cinq mois sur la Route de la Soie effectué au rythme lent du pas du chameau mais aussi du voyage touristique qui me permet, en toute modestie, de garnir la vie de certains voyageurs qui ont oublié de la purger.

- Jean-François Guennoc (Paris-IV, CRLV) : « Nicolas Bouvier ou l'entreprise humaniste : un art du monde intempestif ». Etudier l'oeuvre de Nicolas Bouvier dans un souci d'exhaustivité en prenant en compte ses écrits, ses photographies, son travail d'iconographe, c'est reprendre les pistes énoncées dans le Cahier d'Europe Centre Orientale et lors du colloque de Pau qui s'intéressaient déjà à cette autre partie visuelle, c'est aussi prolonger les questions posées par Daniel Maggetti qui s'interrogeait sur l'apparente distinction entre les deux versants de l'écriture de Nicolas Bouvier, la prose et la poésie. C'est finalement tenter de trouver – tout est dans la tentative – le noeud, la direction ou la matrice, pour ne pas dire la cohérence – justement ne pas la dire – entre toutes ces facettes, bref, essayer diverses formules pour dire le projet de cet Usage du monde continué sur près d'un demi siècle. Grâce à des éléments d'histoire littéraire et artistique, à des considérations sur la pensée de l'image implicite à son oeuvre, et à des rapprochements avec d'autres hommes de plume et à la caméra, nous tenterons de démontrer la pertinence de cette visée humaniste dans le grand oeuvre tenté par le pérégrin genevois.

- Hervé Guyader (UBO, Brest) : « L'écriture de la souffrance chez Nicolas Bouvier, ou la pratique d'une ascèse spontanée ». Un des éléments qui frappe le lecteur de Nicolas Bouvier, c'est la grâce et la finesse de son écriture. Cette apparente facilité ne doit pas nous faire oublier que, pour parvenir à cette espèce de perfection, l'écrivain doit au préalable payer son tribut de chair à Shylock. Cette opération de réduction de soi lui permettra, peut-être, de se libérer de ses « scories » et de se dépouiller de toute trace d'ego. Nous tenterons de comprendre en quoi cette ascèse est si nécessaire à Bouvier.

- Olivier Hambursin (Université Libre Marie Haps, Bruxelles) : « Au début du voyage, il y avait… ». Etude comparée des premières pages de Journal d'Aran et d'autres lieux et de Chronique japonaise. L'incipit du roman passe pour être un lieu de puissante signification, en ce qu'il concentre et programme en général la suite du texte : thématique, point de vue narratif, tendance stylistique, accroche et séduction, ancrage référentiel, etc. Qu'en est-il du récit de voyage et plus particulièrement des textes de Nicolas Bouvier ? Observer avec minutie les premières pages de Journal d'Aran et d'autres lieux et de Chronique japonaise permet d'éclairer et de confirmer la dimension hautement littéraire et artistique de son oeuvre. En effet, partant du principe que « tout signifie sans cesse et plusieurs fois » (Barthes), on peut prendre le soin, le temps, le plaisir d'examiner ces quelques premiers mots et phrases, de mettre au jour leur agencement subtil et découvrir alors que les termes choisis, leur ordre d'apparition, la composition du texte, sa disposition, son rythme condensent tout l'art de Bouvier : prédilection pour un voyage lent et curieux, ouverture au monde et aux autres, mais aussi aux lectures qui tentent de décrire ce monde, exploitation de divers genres littéraires, pratique de la disparition, sens de la métaphore, curiosité pour l'au-delà des apparences, attention au vide et au plein, etc.

- Doris Jakubec (Centre de recherches sur les lettres romandes, Lausanne) : « Nicolas Bouvier ou l'écriture à l'établi : “coudre le cuir du langage” ». Bouvier avait une conception artisanale, anti-démiurgique, modeste, de son « travail de plumitif », à la fois activité physique et acte éthique. Nous relèverons quelques aspects de son écriture poétique d'après ses brouillons marqués de ratures et de biffures, d'hésitations et de repentirs, de variations de tous ordres : les détours de la simplicité, l'échelle du peu et de « l'amenuisement » (A. M. Jaton), les registres dissonants du raffinement et du bas, la recherche du mot juste.

- Anne Marie Jaton (Université de Pise) : « Nicolas Bouvier, “je” et “les autres” ». Exercices de disparition, l'entreprise et l'écriture de Nicolas Bouvier sont centrées certes sur l'amenuisement du moi et sur la recherche de l'effacement, mais en même temps le récit s'ordonne toujours autour d'un « je » tenace et forcément égocentrique, au sens premier. Véritable soleil autour duquel gravitent les innombrables planètes - plus ou moins mineures - des « autres », ce je omniprésent mérite d'être analysé de plus près : comment se concilient, dans les textes, les différentes instances narratives, thématiques et philosophiques qui oscillent entre les forces gravitationnelles du moi et les quasars de l'effacement du moi ? Et comment la planète Bouvier organise-t-elle ses orbites avec les différents astres de l'univers ? Du je aux différents nous et aux multiples autres, le parcours d'un regard complexe sur le monde, contemplé par le petit bout de la lunette.

- Alain Kervern (UBO, Brest) : « Poésie et pèlerinage : le sentiment de l'impermanence dans le Japon ancien ». Deux poètes pèlerins et leur conception de l'universelle précarité de toute chose. Nicolas Bouvier s'est trouvé une certaine parenté avec Bashô (1644-1694), ce maître de hokku* du XVIIe siècle japonais qui porta ce genre à un haut degré de perfection. Pour Nicolas Bouvier comme pour Bashô, poésie et voyage étaient deux éléments d'une dynamique nourrissant une réflexion sur l'essence du monde. Nicolas Bouvier prend la route pour, dit-il, «  se débarrasser par érosion du superflu, c'est-à-dire de presque tout », et pour « acquérir de la sagesse ». Et il évoque Bashô, chez qui il devine une insatisfaction que ne comble ni présence, ni absence au monde. Le nom de Bashô revient souvent chez Bouvier comme référence dans l'art de faire du voyage une ascèse. Mais pour Bashô, le modèle de la quête poétique et spirituelle, c'est Saïgyô (1118-1190). Et le même décalage se produit entre Bouvier et Bashô, et entre Bashô et Saïgyô. Si ces deux derniers poètes développent une même esthétique, pénétrée d'un profond sentiment d'impermanence et d'inconstance de toute chose, leur aspiration à un état de détachement que provoque l'approche bouddhique de la nature fait apparaître entre eux des différences fondamentales. Le moine Saïgyô prend le monde tel qu'il est, flottant, perpétuellement changeant, et se sait lui-même plein de contradictions. Poète instable et tourmenté, Bashô, lui, ne renonce à rien, et vit mal ce conflit entre attachement au monde et une errance qu'il voudrait détachée de tout. Entre un modèle connu, Bashô, et un modèle en creux, Saïgyô, où se situait Nicolas Bouvier ?             * terme utilisé à l'époque d'Edo (1600-1867) pour désigner ce qui s'appellera ensuite le « haïku ».

- Nadine Laporte (Université de Pau) : « L'usage du monde, l'usage des livres, pour une littérature vagabonde ». L'Usage du monde, en dépit des apparences, est un texte que Nicolas Bouvier a travaillé pendant de longues années. On peut le lire comme un véritable art poétique. Mon propos sera de montrer que le texte est, autant qu'un récit de voyage, un vagabondage fructueux entre livres, mots de rencontres, citations de textes connus ou inconnus. Texte hybride ou palimpseste, l'usage du monde inaugure une littérature vagabonde, où l'errance entre les mots, les phrases et les genres sont à l'image du voyage réel : libre, fécond et toujours ouvert au compagnonnage.

- David Le Breton (Université de Strasbourg) : « Usage du monde, usage des sens ». L'oeuvre de Nicolas Bouvier est sous l'égide d'une sensorialité flamboyante, il s'agit ici de proposer un parcours sur l'usage des sens dans ses récits, sa manière de voir, de sentir, de toucher, d'entendre ou de goûter.

- Michel Le Bris (Morlaix) : « De Robert Louis Stevenson à Nicolas Bouvier : l'usage de la littérature ».  Ce n'est rien de dire que L'Usage du monde à sa parution fut ignoré par la critique, alors furieusement structuraliste et bien sûr arrogante ! Il aura fallu un véritable combat pour le faire lire, enfin — et ce combat fut le fait d'écrivains. Aujourd'hui, la critique salue Nicolas Bouvier comme un des grands écrivains du XXe siècle, mais sans s'interroger jamais sur ce qui l'avait jusque là rendue aveugle à son génie. De même Robert Louis Stevenson fut au XXe siècle tenu par la même critique, toujours aussi péremptoire, et arrogante, pour un auteur mineur, tout juste bon pour la chambre des enfants, mais fut salué comme un génie de première grandeur par des écrivains aussi divers que Mallarmé, Borgès, Nabokov, Henry James, Alejo Carpentier, W. B. Yeats, Hermann Hesse, Graham Greene, Italo Calvino, et j'en passe. Ce qui nous conduit à nous interroger sur les raisons de ce double aveuglement. Sur ce que la critique refoule, de la littérature, dont elle ne veut (ne peut ?) rien savoir. Sur ce qui toujours sépare la littérature des discours que l'on prétend tenir sur elle. Cette interrogation aura été l'aventure même d'Etonnants Voyageurs — dont Nicolas Bouvier fut un des piliers…

- Frédéric Lecloux (Nyons) : « L'Usure du Monde : un an en famille et en images sur les routes de L'Usage du Monde ». Frédéric Lecloux, photographe à l'agence Vu, a refait en 2005, en famille et en auto, la route de L'Usage du monde, depuis la maison d'Eliane Bouvier à Cologny, jusqu'à la passe de Khyber, pour régler ses comptes avec un livre qui l'a empêché de lire quoi que ce soit pendant dix ans. Une année de route à collecter un peu de cette poésie du monde chère à Nicolas Bouvier, pour au final écrire sa propre partition, avec ses outils et son langage photographique : L'Usure du monde, à paraître aux éditions Le Bec en l'Air début 2008.

- Daniel Maggetti - Stéphane Pétermann (Centre de recherches sur les lettres romandes, Lausanne) : « De la lettre à l'épisode de récit : expérience et (ré)écriture dans Le Poisson-Scorpion ». S'il a fallu un quart de siècle à Nicolas Bouvier pour achever le récit de son séjour à Ceylan, le voyageur n'a pas manqué de relater de manière plus immédiate, et avec un recul temporel minime, les événements survenus au fil des jours passés à Galle : ses lettres à Thierry Vernet, en particulier, portent la trace vive d'un quotidien suscitant tour à tour la surprise et l'angoisse. A partir de la confrontation d'une de ces missives (que Bouvier a relues au moment de rédiger Le Poisson-Scorpion) avec le récit publié, cette communication se propose d'examiner les divers degrés de la relation entre l'expérience et sa transcription, en mettant en évidence comment cette dernière, soumise à des régimes et à des contraintes différentes, sur le plan de la composition comme sur celui du style, peut restituer des versions parfois éloignées, si ce n'est divergentes, d'un même vécu. Ce constat conduit à interroger le statut du récit de voyage, tout au moins celui du Poisson-Scorpion, où règne une tension constante entre la pulsion autobiographique stricte, et le souci de la « littérarisation » de l'expérience individuelle.

- Marlyse Piétri (éditions Zoé, Genève).

- Ingrid Thobois (Paris) : « En voyage sur la route de L'Usage du monde. Une expérience singulière de passage “derrière le miroir” de l'oeuvre de Nicolas Bouvier ». Ingrid Thobois, romancière (Le roi d'Afghanistan ne nous a pas mariés, Phébus, Prix du premier roman 2007), est partie en 2001-2002 pour un voyage d'un an sur la route de L'Usage du monde…  Pas à pas sur les traces fictionnelles de la réalité ? Pas à pas sur les traces réelles de la fiction ? Pourquoi, comment, et quelles conséquences à s'aventurer dans l'envers de l'oeuvre de Nicolas Bouvier ?

Autres manifestations culturelles sur Nicolas Bouvier organisées à Brest Mercredi 2 avril 2008 18h Rencontre entre Hervé Guyader (L'Oreille du voyageur. Nicolas Bouvier, de Genève à Tokyo, Zoé), Frédéric Lecloux (L'Usure du monde, Le Bec en l'Air) et François Laut (L'oeil  qui écrit, Payot). Librairie Dialogues – Forum Roull Jeudi 3 avril 2008 20h30 Création de la pièce connivences secrètes par les étudiants de l'UBO du cours de théâtre de Valéry Rybakov, Les Tigres aux dents de Fables Spectacle expérimental d'après l'oeuvre photographique de Nicolas Bouvier Faculté Victor Segalen – Amphithéâtre Guilcher 4 avril-4 juillet 2008 Exposition Nicolas Bouvier et la musique de Genève à Tokyo. Partitions d'une vie Bibliothèque municipale de Brest, 22 rue Traverse Vendredi 6 juin 2008 21h Spectacle de musique Siranghi avec le groupe Khareji (« étranger » en perse) Cabaret Vauban, 17 avenue Clémenceau