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Mémoire, oubli et réconciliation

Mémoire, oubli et réconciliation

Publié le par Jean-Louis Jeannelle (Source : coulibaly daouda )

 

Ce colloque propose d’approfondir la problématique de la réconciliation au confluent de celles de l’oubli et de la mémoire. L’histoire de l’humanité est jalonnée de traumatismes complexes et de crises profondes tels que l’esclavage, la colonisation, l’Apartheid, la Shoah, le totalitarisme, les génocides,  les guerres civiles, la famine, et des effets du changement climatique. La résolution de ces crises passées ou récentes implique le pardon, l’oubli et la réconciliation. Ainsi observe-t-on à travers le monde, des appels au pardon, à l’oubli des souffrances subies, au dédommagement des victimes, aux excuses de la part des bourreaux, en un mot, à la réconciliation. Ces appels à la réconciliation ont longtemps cristallisé le débat autour de la question de la responsabilité des acteurs et du devoir de mémoire.

En outre, certaines tragédies de l’histoire induisent des poétiques spécifiques. La complexité de l’écriture de la mémoire tragique est évoquée, entre autres, par Ricœur, Todorov, Hölderlin et Adorno. Le premier suggère de reconnaitre l’importance de la mémoire dans le processus de guérison des blessures du passé. Dans Mémoire du bien, tentation du mal. Enquête sur un siècle, Todorov se pose la question de savoir comment évoquer le souvenir du mal infligé, subi sans en rajouter à la douleur? Pour Hölderlin également : « à quoi bon des poètes en temps de détresse?[1] ». Adorno a forgé la théorie de l’« indicibilité[2] » pour traiter les problèmes liés à l’écriture de la mémoire. Même si plus tard, le philosophe allemand relativise son concept en affirmant que « la souffrance qui persévère mérite autant d’être exprimée que le martyr a le droit de hurler : c’est pourquoi il a pu être faux d’affirmer qu’après Auschwitz plus aucun poème n’était en mesure d’être écrit[3] ». Face à la violence qui touche des groupes entiers et s’exerce souvent sous la forme de massacres collectifs (shoah, génocide, pogrom), l’écrivain est presque sommé de répondre au défi de l’Histoire. Ne pas faire pièce à l’oubli, historialiser son écriture ou l’engager dans son présent, telles sont ses missions cardinales que l’on retrouve sous la plume de Patrice Nganang: « On ne peut plus écrire aujourd’hui en Afrique, comme si le génocide de 1994 au Rwanda n’avait jamais eu lieu. […] il n’y a aucun pays africain dans lequel les conditions de ce qui s’est passé sur les collines des Grands Lacs ne sont pas remplies[4] ». Mettre des mots sur les maux de la tragédie de l’Histoire par devoir de mémoire, également pour l’oubli et la réconciliation n’est pas chose simple. Il s’agit surtout, pour l’écrivain, de trouver sa voie dans l’entre-trois ou dans l’interstice entre l’esthétique de la diction, la politique de l’écriture et la poétique de l’histoire. Mais par-delà la recherche de cet équilibre, il y a surtout une poétique de veille à mettre en œuvre qui permettrait à l’historien du temps présent, l’écrivain, d’anticiper les tragédies en les rendant désormais impossibles comme le suggère Nganang dans son manifeste pour une « écriture préemptive » de l’histoire.

En réalité, la littérature ne peut être en reste vis-à-vis d’une telle interrogation parce que nombres de guerres sont consécutives au caractère crisogène et traumatogène des mots, à l’idéologie raciste, à la conception de la pureté de la culture…. De même, les sentiers pour en sortir sont parsemés de mots, de rituels, de symboles et de gestes. En témoigne la variété des cérémoniels de justice, de vérité et de réconciliation qui peuvent se décliner en plusieurs démarches, à savoir : se raconter en témoin, en historien, en commémorateur, en sacralisateur.

La littérature, l’histoire et les langues portent les traces des désastres, sédimentent et expriment les traumatismes de l’histoire par devoir de mémoire ou par nécessité d’oublier, et elles contribuent ainsi aux cérémoniels réconciliateurs qui permettent de juguler les crises. Lors de ce colloque, il s’agit de montrer comment les sociétés ayant connu des actes d’extrême violence se réconcilient avec elles-mêmes? En d’autres termes, comment les langues, supports premiers de l’expérience humaine, rendent-elles compte ou participent-elles au processus de réconciliation? Produit de l’imaginaire, comment la littérature/l’art représente ou modélise-t-elle la réconciliation qui vient toujours après des déchirures profondes? 

 

1. Date limite de soumission des résumés: 31 Janvier 2016

2. Réponses aux contributeurs: 15 février 2016

3. Colloque a lieu les 19 et 20 Mai 2016 à l’Université Alassane Ouattara