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(Colloque) 'Le Cinéma des Poètes' (Tokyo)

(Colloque) 'Le Cinéma des Poètes' (Tokyo)

Publié le par Vincent Ferré (Source : Carole Aurouet)

Le colloque international "Le Cinéma des Poètes" a pour but de présenter l’œuvre de poètes ayant entretenu une relation avec le cinéma. Seront analysés principalement les écrits critiques (articles, chroniques, entretiens, publiés ou inédits) et les écrits scénaristiques (du synopsis au découpage technique, en passant par la continuité dialoguée ou le traitement, publiés ou inédits).

Co-organisé par Carole Aurouet (U. Paris-Est Marne-la-Vallée/IRCAV) et Marianne Simon-Oikawa (U. de Tokyo/chercheuse associée à l’UMIFRE19-MFJ).

Résumés des communications

Session 1. Modérateur : Kan Nozaki (U. de Tokyo)

09h45-10h15. Masanori Tsukamoto (U. de Tokyo) : « Le support de la lumière – une théorie virtuelle du cinéma chez Valéry »

« Chacun voit de ses yeux que tout ce qui est, est superficiel » (« Cinématographie ») – le point de vue de Valéry sur le cinéma paraît sévère. La vie s’épuise sur l’écran en apparences, et tout ce qui est profond paraît être exclu de cette vie réduite à la superficialité. Il faut pourtant prendre en compte le fait que, pour Valéry, « ce qu’il y a de plus profond en l’homme, c’est la peau » (L’idée fixe) c’est-à-dire la surface. Lorsqu’il s’agit du support de la lumière, Valéry semble être particulièrement attiré par cette esthétique de la surface. Rappelons, dans « Retour de Hollande », la description de la vitre du train qui, à la nuit tombante, se transforme en un miroir où son propre visage se découpe par transparence. À mesure que l’on s’approche de l’image qui se surimpose au paysage en fuite, on se perd dans « le chaos nocturne ». Cet exemple suggère l’étendue des réseaux d’images produites par le support de la lumière, et invite à dégager quelques principes de ce qu’on pourrait appeler une théorie virtuelle du cinéma chez le poète.

Professeur de littérature française à l’Université de Tokyo, Masanori Tsukamoto est auteur de nombreux articles sur Valéry dont « Les Paradis artificiels et Monsieur Teste : la théâtralisation de la conscience » (La Licorne, n°83, 2008) et « La bêtise n’est pas mon fort – la notion de bêtise chez Valéry et chez Flaubert » (Bulletin de la section française, Faculté des Lettres, Université Rikkyô, n°40, 2011). En tant que traducteur, il a publié notamment un tome entièrement consacré aux textes valéryens sur le rêve (« Collection Paul Valéry » dirigée par K. Tsunekawa, t. II : « La géométrie du rêve », Chikuma-Chobô, Tokyo, 2011, en japonais), et a reçu le prix de la Culture de la Traduction au Japon avec la traduction japonaise de l’ouvrage Biblique des derniers gestes de Patrick Chamoiseau (2010).

10h15-10h45. Carole Aurouet (U. Paris-Est Marne-la-Vallée/IRCAV) : « Éclairage d’un ciné-texte inédit de Robert Desnos : Paul, trente ans, attend sa maîtresse (1925) »

Après avoir travaillé longuement sur le cinéma de Robert Desnos (1900-1945), sur ses textes critiques comme scénaristiques, Carole Aurouet propose aujourd’hui un focus sur un ciné-texte inédit du poète qu’elle a trouvé récemment : Paul, trente ans, attend sa maîtresse. Ce dernier est un manuscrit au net qui a été composé dans un petit cahier de format 17.5x22.5 cm et qui est découpé en 128 numéros. Cette communication proposera une étude interdisciplinaire puisqu’elle convoquera l’analyse génétique, stylistique et thématique pour faire découvrir cet écrit inconnu jusqu’à alors et qui date très vraisemblablement de 1925.

Maître de conférences HDR à l’Université Paris-Est Marne-la-Vallée et membre titulaire de l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel de l’Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle, Carole Aurouet est l’auteur de L’Étoile de mer, poème de Robert Desnos tel que l’a vu Man Ray (Gremese, 2018), Le Cinéma de Guillaume Apollinaire. Des manuscrits inédits pour un nouvel éclairage (Grenelle, 2018), Prévert & Paris. Promenades buissonnières (Parigramme, 2017), Desnos et le cinéma (Nouvelles éditions Place, 2016), Les Dessins hypnotiques de Robert Desnos (Nouvelles éditions Place, 2015), Le Cinéma des poètes. De la critique au ciné-texte (Le Bord de l’eau, 2014), Le Cinéma dessiné de Jacques Prévert (Textuel, 2012), etc. Au sein des Nouvelles éditions Place, elle dirige le pôle cinéma et a créé la collection « Le Cinéma des Poètes ». Au sein des éditions Gremese, elle dirige la collection « Les Meilleurs Films de notre vie » (auteurs français). Elle fait partie du consortium du projet Ciné08-19, financé par l’Agence nationale de la recherche, sur l’histoire du cinéma en France de 1908 à 1919.

11h-11h30. Nozomu Maenosono (U. de Tokyo) : « La poétique du mapping vidéo verbal : le cas d’Arcane 17 d’André Breton »

Convaincu que le renouvellement du langage entraîne la transformation du monde, André Breton invente une nouvelle façon de composer des poèmes, qu’il présente dans le Manifeste du surréalisme (1924) : l’écriture automatique. Cependant, au début des années 1930, il renonce progressivement à la pratique de cette écriture pour élaborer une autre poétique. Cette dernière s’appuie sur un genre particulier de description qui pourrait être rapprochée de la technique du mapping vidéo. Le mapping vidéo est une technique synthétique qui a commencé à se développer autour de l’an 2000, et qui permet de projeter des images vidéo sur une surface irrégulière. Au regard de cette définition, il est possible de dire qu’Arcane 17 (1944,1947) offre comme par anticipation quelques scènes où le lecteur peut avoir l’impression d’assister à une projection de mapping vidéo sur un paysage canadien. Dans cette communication, nous nous proposons donc de voir en quoi cette nouvelle poétique bretonienne se différencie de celle de l’écriture automatique, et comment le mapping vidéo permet d’en éclairer les caractéristiques.

Nozomu Maenosono est maître assistant à l’Université de Tokyo depuis 2016. Sa thèse porte sur la poésie et la pensée mythique d’André Breton (André Breton et les Grands Transparents : la genèse d’un mythe, Université Lumière Lyon 2, 2016). Co-auteur notamment de Qu’est-ce que l’avant-garde ? Qu’est-ce que l’arrière-garde ? : fiction de l’histoire littéraire et temps de la modernité (Heibon-sha, Tokyo, 2010, en japonais) et Voix et littérature : d’un corps à l’autre (Heibon-sha, Tokyo, 2017, en japonais), il a aussi traduit en japonais les ouvrages suivants : Jean-Luc Courcout, Quentin Faucompré, La Visite du Sultan des Indes sur son éléphant à voyager dans le temps, MeMo, 2006 (Bunyu-sha, Tokyo, 2010) ; Annie Le Brun, Appel d’air, Verdier, 2012 (Éditions Irène, Kyoto, 2016).

11h30-12h. Clélia Zernik (École nationale supérieure des beaux-arts de Paris) : « Chris Marker et le monde : un poète-voyageur »

De toutes les casquettes qu’il a endossées – photographe, cinéaste, vidéaste, « bricoleur » d’oeuvres multimédias, musicien, éditeur, romancier, etc. – celle de poète ne vient pas si souvent à l’esprit pour caractériser l’oeuvre protéiforme et hybride de Chris Marker. C’est pourtant cet aspect que nous souhaitons ici revaloriser ; d’une part, parce que ses premières pièces, éditées dans la revue Esprit, furent précisément des poèmes, au sens le plus technique du terme, et d’autre part, parce que les poètes l’ont accompagné toute sa vie et qu’il n’a eu de cesse de s’y référer, d’Apollinaire à Sei Shônagon, en passant par Michaux ou Rilke. Mais par-delà la référence, c’est dans un rapport d’échelle propre à la poésie que nous fonderons notre rapprochement : entre une technique voire une technologie et un lyrisme ; entre un individu singulier et le monde. Chris Marker, poète, redonne aux images muettes leur musique propre.

Normalienne, agrégée et docteur en esthétique, Clélia Zernik est professeur de philosophie de l’art aux beaux-arts de Paris depuis 2011. Ses premières recherches portent sur la relation entre art et sciences, telle qu’elle est élaborée par les psychologues de l’art et par les phénoménologues (Perception-cinéma, Vrin, Paris, 2012 ; L’OEil et l’objectif, Vrin, 2014). Celles-ci s’orientent désormais vers le cinéma (Les Sept samouraïs d’Akira Kurosawa, éditions Yellow Now, Paris, 2013 ; L’Attrait du café au cinéma, Yellow Now, Paris, 2016) et l’art contemporain japonais, grâce à des séjours d’études à l’Université de Tokyo. Elle travaille actuellement sur la question de la doublure des images (surfaces et profondeurs japonaises) et collabore régulièrement à des revues comme Critique d’art, Trafic, Art Press ou Positif.

Session 2. Modérateur : Moriyuki Hoshino (U. de Tokyo)

14h-14h30. Fumio Chiba (U. Waseda) : « Pratiques de l’écriture documentaire : Michel Leiris dans les années 1950 »

En 1951, à la demande de Pierre Braunberger, aficionado distingué qui envisage de réaliser un film intitulé La Course de taureaux, Leiris écrit le commentaire qui y sera lu par Jean Desailly. Le travail est difficile, nous confie Leiris, car le scénario établi par son ami réalisateur l’oblige à s’adapter au style documentaire, à l’opposé de l’écriture à la fois poétique et métaphysique de ses précédents textes consacrés à la tauromachie. À sa sortie, le film est bien accueilli. André Bazin, enthousiasmé, explique que le film restitue l’essentiel de la course de taureaux, à savoir la mort. Pour Leiris, jouer avec la mort constituait justement, dès le début, le noyau de son acte autobiographique. À l’automne 1955, Leiris rencontre en Chine un futur cinéaste, Chris Marker, qui lui suggère une nouvelle écriture à la fois poétique et documentaire. À partir d’éléments collectés sur place, Marker réalise son premier film-essai, Dimanche à Pékin, et Leiris élabore sinon un volume entier, au moins une partie de Fibrilles. Ces deux exemples nous amènent à nous demander ce qui est en jeu chez Leiris, qui s’aventurera deux ans plus tard, en 1957, dans une expérience infernale qui frôle la mort.

Fumio Chiba est Professeur émérite de l’Université Waseda. Son essai Fantômas le fantôme est une étude sur la célèbre émission radiophonique « La grande complainte de Fantômas » de 1933. Il a traduit en japonais des ouvrages de Michel Leiris, Pierre Klossowski, Michel Schneider, Gérard Macé ou encore Florence Delay, et s’intéresse en particulier au rapport entre texte et image.

14h30-15h. Anne-Élisabeth Halpern-Lescuyer (U. de Reims Champagne-Ardenne) : « Henri Michaux : de Charlot à Plume et retour »

Charlie Chaplin a marqué non seulement les débuts du cinéma mais tous les artistes du début du siècle. Le jeune Henri Michaux devient poète en écrivant sur Charlot qui sera un peu le père de son personnage Plume. La poésie de Michaux est ainsi intimement liée au cinéma et même lorsque Chaplin aura, en apparence, disparu de son oeuvre, le cinéma demeurera aux côtés de Michaux, souterrainement, comme une matrice visuelle et dynamique qui contribue à l’originalité de cette oeuvre.

Anne-Élisabeth Halpern-Lescuyer est Maîtresse de conférences à l’Université de Reims Champagne-Ardenne. Elle est l’auteur d’Henri Michaux, le Laboratoire du poète (Seli Arslan) et de Michaux et le cinéma (Nouvelles éditions Place), co-auteur avec Dominique Gournay de Victor Segalen ou les voies plurielles (Seli Arslan). Elle a publié une cinquantaine d’articles sur la science et les poètes (Fargue, Caillois, Daumal), la poésie en général (Ovide, Ronsard, Lautréamont, Aragon, Dupin, Artaud, Jaccottet, Cocteau, Richez, Tzara, Plath, le surréalisme belge, Dada...) ou certains romanciers (Souvestre et Allain, Sacher-Masoch, Reverdy, Ogawa), ainsi que sur le cinéma (Kurosawa, Coen, etc.). Elle est directrice littéraire des Éditions L’improviste.

15h-15h30. Shûichirô Shiotsuka (U. de Tokyo) : « Le cinéma comme sagesse du peuple – le mélange du réel et de l’imaginaire dans Loin de Rueil de Queneau »

Loin de Rueil de Raymond Queneau est un roman dont le héros mène une vie qui ne va pas toujours comme il veut, tout en imaginant d’autres vies qui auraient pu être les siennes. Dans ce roman, le cinéma constitue non seulement un des moyens pour introduire l’imaginaire, mais symbolise également une certaine sagesse dont le héros fera l’acquisition à l’issue de ses pérégrinations. Dans cette communication, nous montrerons que le héros de ce roman mélange le réel et l’imaginaire en regardant des films, en jouant dedans et en en tournant lui-même. Nous en conclurons que le cinéma occupe une place essentielle dans ce roman, où la sagesse consiste à juger la vie d’un individu par l’ensemble de ses actes et de ses rêveries.

Shûichirô Shiotsuka est Professeur adjoint à l’Université de Tokyo (Japon), docteur ès lettres (Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle). Auteur de Les Recherches de Raymond Queneau sur les fous littéraires (Eurédit, 2003) et de Georges Perec : contrainte et enjeu existentiel (Chuôkôron-shinsha, Tokyo, 2017, en japonais). Traducteur en japonais de la littérature française du XXe siècle (La Disparition et Les Enfants du limon, entre autres).

15h45-16h15. Marianne Simon-Oikawa (U. de Tokyo) : « L’écriture scénaristique d’Ilse Garnier : pour une esthétique du ciné-poème »

Ilse Garnier (née en 1927) a participé pleinement avec son mari Pierre Garnier (1928-2014), à l’invention du « spatialisme » au début des années 1960. Tous deux menèrent de nombreuses expériences à la fois visuelles et phoniques, dans le but d’élaborer une poésie nouvelle. Le cinéma ne pouvait les laisser indifférents. Le projet le plus ambitieux dans ce domaine est une oeuvre d’Ilse : il s’agit d’un « scénario d’un poème visuel cosmique », auquel elle travailla de 1986 et 1996, et qu’elle qualifie aussi de « ciné-poème ». Il en existe plusieurs versions. Aucune ne fut jamais portée à l’écran dans sa totalité, mais une interprétation fut réalisée sous forme de vidéo par Meritxell Martinez et Albert Coma en 2016. Ce « ciné-poème » est composé de poèmes visuels à projeter, et de parties linéaires qui commentent la manière dont la projection doit s’effectuer. Chaque page du scénario constitue néanmoins, en tant que telle, un ensemble possédant sa propre unité. Les caractéristiques matérielles de cet ensemble sont remarquables, aussi bien du point de vue du support que des types de textes et d’images utilisés, et de la mise en page. Elles suggèrent l’existence d’une véritable écriture scénaristique esthétique, dont on se propose d’examiner les principaux aspects.

Marianne Simon-Oikawa est Professeur adjoint HDR à l’Université de Tokyo, membre du Centre d’étude de l’écriture et de l’image, chercheuse associée au sein de l’équipe « Écritures de la modernité » (UMR THALIM CNRS / Paris 3), et à la Maison franco-japonaise (Tokyo). Ses travaux portent sur les relations entre le texte et l’image en France et au Japon. Dernières publications sur Pierre et Ilse Garnier : Pierre et Ilse Garnier, Japon, textes choisis, établis et présentés par Marianne Simon-Oikawa (L’herbe qui tremble, 2016) et Les poètes spatialistes et le cinéma (Nouvelles éditions Place, 2019).

16h15-16h45. Laurent Véray (U. Paris 3 – Sorbonne nouvelle/IRCAV) : « Pour une histoire poétique du cinéma : Paris 1900 de Nicole Vedrès »

L’intervention de Laurent Véray portera sur Paris 1900 de Nicole Vedrès. Il s’agira d’analyser plusieurs documents de travail qui révèlent la façon dont l’écrivaine cinéaste a utilisé des extraits de films, dont beaucoup étaient inédits en 1947. Nous réfléchirons aussi à la problématique de la mise en récit des images d’archives dans une perspective historique et poétique. Pour comprendre la spécificité de l’écriture cinématographique de Vedrès, il convient de la replacer dans son contexte, en établissant notamment des liens avec des réflexions et des publications contemporaines, notamment celles de Georges Sadoul, Jean Epstein et Tristan Tzara, qui ont été déterminantes.

Professeur à l’Université Paris 3 – Sorbonne nouvelle et membre titulaire de l’Institut de recherche sur le cinéma et l’audiovisuel, Laurent Véray est l’auteur de L’Avènement d’une culture visuelle de guerre. Le cinéma en France de 1914 à 1928 (Nouvelles éditions Place, 2018), Vedrès et le cinéma (Nouvelles éditions Place, 2017), Abel Gance. Le visionnaire contrarié (Gaumont Vidéo, 2017), Images d’archives face à l’histoire (Scérén-CNDP, 2011) La Grande Guerre au cinéma. De la gloire à la mémoire (Ramsay, 2008), etc. Par ailleurs, il a réalisé La Cicatrice. Une famille dans la Grande Guerre (2014), Théâtres de guerre-1917 (2012), En Somme (2006), L’Héroïque cinématographe (2003). Depuis 2018, il est responsable scientifique du projet Ciné08-19, financé par l’Agence nationale de la recherche, sur l’histoire du cinéma en France de 1908 à 1919.