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La figure de Tobie sur la scène européenne du Moyen Âge à la Renaissance

La figure de Tobie sur la scène européenne du Moyen Âge à la Renaissance

Publié le par Perrine Coudurier (Source : CULLIÈRE Alain)

Colloque

 

La figure de Tobie sur la scène européenne

du Moyen Âge à la Renaissance

 

organisé par le centre Écritures de l'Université de Lorraine (EA 3943)

en collaboration avec le groupe de recherche TOBIE

de l’Université catholique de Louvain

 

22-23 novembre 2013

(Université de Lorraine, UFR Lettres et langues, Île du Saulcy, Metz)

 

Le personnage de Tobie apparaît d’une grande richesse. Le livre qui relate son histoire, un petit récit bien construit et mouvementé dont se dégage une leçon claire et accessible, a toujours été très lu et médité. Tout au long de la Renaissance, il a été adapté pour le théâtre scolaire, notamment dans l’Allemagne luthérienne et dans les Pays-Bas acquis à la Réforme. Le fait qu’il ait été rangé dans les textes deutérocanoniques (ou apocryphes) a permis de le considérer comme une source d’inspiration autorisant une relative liberté, tant sur le plan dramatique que sur celui de l’écriture. On pouvait alors considérer que l’essentiel était d’en respecter l’« esprit », la « lettre » n’ayant pas dans ce cas un caractère spécifiquement sacré. On trouve ainsi des pièces qui suivent littéralement la narration, en se contentant de la transposer en vers, à titre d’ornement et par goût du beau langage, mais aussi d’autres pièces qui procèdent à une dislocation du récit et à une véritable réécriture. Il n’y a guère de figures bibliques qui aient fait l’objet d’un tel travail de recomposition, mettant en œuvre autant de stratégies d’invention et d’imitation à la fois. Aborder Tobie comme héros théâtral donne ainsi l’occasion d’une réflexion fondamentale sur la création littéraire.

Ce corpus n’a guère été étudié jusqu’à présent. Deux pièces latines, publiées aux Pays-Bas, ont fait l’objet de travaux récents. La première, composée par Cornelius Schonaeus, a beaucoup circulé en Europe du Nord et connu de multiples rééditions jusqu’au XVIIIe siècle. La seconde, de Petrus Vladeraccus, publiée en 1595 à Bois-le-Duc, a été rééditée il y a peu. Parmi les nombreuses pièces écrites en allemand, on songe surtout  à celles de Hans Sachs (Werke, Stuttgart, 1870-1908) et de Thomas Brunner (Berne, Peter Lang, 1978), mais il en existe d’autres, non reprises, simplement mentionnées dans l’étude déjà ancienne d’August Wick (Tobias in der dramatischen Dichtung in Deutschland, Heidelberg, 1899). Certaines en langue latine ont également été composées et publiées en Allemagne (Crusius, Ment). Le corpus italien est plus modeste, mais il reste à découvrir. En espagnol, on peut aussi recenser des adaptations anciennes. Outre la version contenue dans le Mystère du Vieil Testament, on ne connaît que trois « Tobie » composés en français à la Renaissance et dont le texte ait été conservé et publié. Ils datent tous les trois de la première décennie du XVIIe siècle et présentent trois modes de réécriture originaux, très complémentaires (Gabriel Fourmennois en 1601, Catherin Le Doux en 1604, Jacques Ouyn en 16061. Ces trois versions n’ont jamais vraiment été analysées. Celle de Fourmennois vient de faire l’objet, dans le centre Écritures, d’un article à paraître.

Le colloque qu’on envisage ne vise pas à multiplier les analyses ponctuelles, mais à cerner, à partir de l’image de Tobie, les potentialités d’un thème biblique au théâtre, et en particulier sur la scène des collèges, dans l’espace européen. Si l’on prend en considération le fait que le spectacle scolaire participait alors pleinement du projet éducatif, qu’il s’agisse de donner des leçons de vie ou de grammaire, on comprendra que l’histoire de Tobie a valeur initiatique, qu’elle se présente surtout comme un miroir des vertus familiales fondées sur la fidélité, l’obéissance et le respect des traditions. Au-delà de l’exercice familier qui permet l’acquisition d’un langage orné, l’appropriation de modèles et le développement de mécanismes de mémorisation, on devine un processus d’intégration sociale par la transmission des valeurs plus encore que des connaissances. C’est dire que l’étude d’un tel théâtre ne peut se limiter à une démarche littéraire ou stylistique. Elle doit se situer à la fois en amont et en aval, partir de la matérialité du texte et montrer le contexte social qui le légitime.

Ce colloque présentera les travaux de spécialistes connus, directement contactés, susceptibles de proposer des communications ciblées. Il s’agit de biblistes, de linguistes, de littéraires, d’historiens, de sociologues, d’archivistes, qui pourront faire ressortir l’aspect formel et fonctionnel des œuvres abordées, d’évaluer leur réception et leur impact et d’appréhender leur arrière-fond sociopolitique. Le centre Écritures s’est notamment associé pour la circonstance au groupe de recherches « Tobie » de l’Université Catholique de Louvain, auquel participent régulièrement certains de ses membres et qui est susceptible d’enrichir les approches, puisqu’il s’intéresse en particulier aux aspects narratologiques et anthropologiques des textes bibliques.

Les travaux de ce colloque feront l’objet, dès le printemps 2014, d’une publication dans la collection Recherches en littérature et spiritualité, aux éditions Peter Lang. Aux diverses contributions sera joint, transposé dans une langue modernisée, le texte du Tobie de Catherin Le Doux, comédie en français et en prose publiée à Cassel en 1604 et représentée alors dans une école française à l’occasion d’un mariage princier. Cette pièce hybride, pleine d’emprunts de toutes sortes, proche du centon, sera accompagnée d’un important apparat critique, avec commentaire et relevé de sources.

 

1. La "tragi-comédie" de Jacques Ouyn intègre l'"acte" de Tobie composé par Catherine des Roches et publié en 1579.

 

 

PROGRAMME

Vendredi 22 novembre 2013 (après-midi)

 

14h 00 : Ouverture

 

14h 30 : Elena Di PEDE (Université de Lorraine) : « Narration et dramatisation dans le Livre de Tobit »

15h 00 : Julien ABED (Université de Lorraine) : « “Je ne say par ou on y va” : représenter le chemin dans les mystères de Tobie au Moyen Âge »

15h 30 : Sébastien RIGUET (Université de Pau) : « Les mises en scènes du Livre de Tobie dans le théâtre primitif espagnol »

 

16h 00 : Pause

 

16h 30 : Jan Bloemendal (Huygens Institute, La Haye) : « Tobias in the Low Countries »

17h 00 : Michiel Verweij (Bibliothèque Royale de Bruxelles) : « Tobie sur la scène scolaire aux anciens Pays-Bas. Les pièces de Schonaeus et de Vladerracus »

 

17h 30 : Débat

 

Samedi 23 novembre 2013 (matinée)

 

09h 00 : Marie-Thérèse Mourey (Université Paris-Sorbonne) : « Tobie entre Humanisme et Réforme dans l’espace germanique »

09h 30 : Jean-Claude Colbus (Université Paris-Sorbonne) : « Le Tobias de Georg Rollenhagen : un simple jeu scolaire à vocation catéchétique ? 

10h 00 : Éric Syssau (Archives Départementales, Strasbourg) : « Deux Tobias latins sur la scène allemande : Balthasar Crusius et Johann Ment »

 

10h 30 : Pause

 

11h 00 : Jean-Frédéric Chevalier (Université de Lorraine) : « Théâtralité et spiritualité dans les représentations sacrées de l’histoire de Tobie en Italie »

11h 30 : Alain Cullière (Université de Lorraine) : « Le Thobie de Jacques Ouyn (1606) »

12h 00 : Anne Spica (Université de Lorraine) : Conclusions et perspectives.