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Colloque J-K Huysmans

Colloque J-K Huysmans

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Samuel Lair)

Institut catholique de Rennes
Journée du 15 décembre 2007
Centenaire de la mort de J.-K. Huysmans

PERMANENCE DE HUYSMANS (1848-1907)
LES ROMANS DE LA CONVERSION

Avec la participation de Mmes Dominique Millet-Gérard, Marie-Victoire Nantet, Sylvie Triaire ; MM. Pierre Brunel, Pierre Citti, Alain Guyaux, François Livi, Alain Vircondelet.

A principio erat verbum. La position spirituelle et la situation littéraire d'un écrivain engoncé entre une fin de siècle matérialiste et un avant-siècle se prosternant devant l'idéologie du Progrès le condamne parfois à errer en une sorte d'interrègne, qui masque la modernité de son interrogation religieuse. Quand par surcroît le Verbe incarné confine à l'occasion à la surcharge rhétorique – péché véniel de Huysmans - et que la forme, poussée à incandescence, semble évider son discours de son poids de sens, il semble que l'âme n'affleure pas, et que le centre fasse problématiquement défaut. C'est peut-être que chez l'auteur de Sainte Lydwine ce réseau de signes apparemment contraires désigne le lieu d'une interrogation essentielle. Celle-ci ne trouvera sa réponse qu'à partir du cycle de Durtal, tandis que son foyer demeurera sans cesse ardent jusqu'à la conversion de l'écrivain, en 1892, et au-delà. Loin d'être frappés de désuétude, le long cheminement spirituel et son point d'orgue, la déclaration de foi, rendent Huysmans plus proche de nous. Ses hésitations et ses atermoiements psychologiques confèrent une sincérité douloureuse à son besoin d'absolu. Tout un pluriel d'interrogations trouvent une manière de réponse dans le cycle catholique (En route, La Cathédrale, L'Oblat), mais déjà, les états d'âme de des Esseintes laissent assez tôt entrevoir les états de l'âme, celle qui s'ouvre à l'éveil de la foi.

En se tournant vers Dieu, Huysmans obéit à plusieurs mobiles. La volonté d'élargissement loin de ce « bagne du matérialisme » qu'est le second XIXe siècle abhorré par Claudel : il s'agit de se donner de l'air, de respirer plus large, de repousser les horizons étriqués où l'esprit « tourne la meule dans le même cercle ».

De surcroît, l'ombre portée de Schopenhauer et Pascal ne suffit plus à la conception d'une unité intérieure, à lester de sens une existence qui lui semblait vouée au néant. La conversion ouvre dorénavant sur une partition de l'oeuvre, scindée en un avant, et un après qui s'efforce de relire les débuts littéraires et idéologiques à l'aune de la foi : errances, tâtonnements, se lisent à la lumière de la grâce et du péché ; contradictions et revirements sont autant de stases sur le chemin de sa rédemption. Renonciation difficile mais authentique, quête d'un abri qui sera refuge en Dieu, obsession atavique d'une thébaïde primordiale, aspiration à la pureté, émergence d'un état contemplatif singulièrement actif : Huysmans se spiritualise, et son chemin, de 1891 à la fin, ne cesse de se dérouler « en montant ». Le retour en l'Église apparaît à ce titre davantage comme une renaissance que comme un avènement ex nihilo.
En quête d'un fini dans l'infini, l'artiste prétend se retrancher à présent derrière le croyant, l'esprit devant l'âme, même si l'allégeance au Dieu de l'amour ne va pas de soi pour celui qui cultiva un scepticisme durable. Nullement hagiographique, la journée d'étude s'attachera à mettre en valeur les diverses impulsions et influences qui informèrent sa foi – la rencontre avec certaines figures religieuses, de Boullan à l'abbé Mugnier en passant par Veuillot, ses lectures, les musées -, sa fascination devant le liturgique-, son approche des valeurs évangéliques, les liens entre art et foi, la place du mystère, sa lecture des Pères de l'Église, la façon dont il vécut ses rapports avec divers ordres religieux, bénédictins et franciscains, les lignes de convergence qui lui font croiser le parcours d'autres chrétiens – Claudel, Mauriac, Bernanos -, la manière, enfin, dont chez lui le Verbe se fait chair.
Samuel Lair