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Colloque "Interprétation, surinterprétation"

Publié le par Julia Peslier (Source : Alison Boulanger, Lille 3)

Appel à contribution

Colloque : "Interprétation, surinterprétation"

Organisé par l'équipe d'accueil ALITHILA
et le CRLGC (Centre de Recherches sur la Littérature Générale et Comparée)
Université Lille 3


    Selon Hegel, "Le roman, au sens moderne du mot, représente une réalité déjà devenue prosaïque et sur le terrain de laquelle il cherche […] à restituer à la poésie les droits qu'elle a perdus […]" (Vorlesungen über die Ästhetik, vol. 3, Frankfurt a.M., Suhrkamp, 1970, p. 392-393). On se propose d'étudier l'oeuvre comme tentative de restituer au monde un sens perdu, enjeu central pour de nombreux auteurs (en particulier poètes et romanciers).

    L'idée de la nature conçue comme un livre tridimensionnel, chère aux romantiques allemands, pose tout particulièrement le problème du sens, de sa lisibilité et de son interprétation. Dieu apparaît alors comme un écrivain et la nature ou le ciel comme son texte, que le poète déchiffre en le rendant perceptible. Il y a cependant un glissement, car de simple description de la nature, l'acte du poète devient déchiffrement, décryptage, peut-être explication et donc interprétation.

    La poésie prend donc le risque de la surinterprétation, dès lors qu'elle postule un sens caché qu'est à même de dévoiler celui qui sait lire (et qui a "lu tous les livres"). Elle veut saisir ce que Mallarmé appelle "les rapports" entre les choses, car elles "existent" et "on n'y ajoutera pas" (Sur l'évolution littéraire et La Musique et les Lettres, in Mallarmé, Igitur. Divagations. Un coup de dés, Paris, Poésie/Gallimard, 1976, p.395 et p.356). Le fait de décrire des rapports jamais perçus auparavant est alors la seule création dévolue à l'homme, sa perception et son interprétation du réel est poésie.

    Or, si l'univers peut être conçu comme un Livre, chaque livre peut apparaître comme un univers et fonder une théologie, une mystique du livre. C'est ce que Jacques Rancière s'attache à montrer dans La chair des mots : par l'entremise de la Bible, il met à jour les ressorts d'une mystique du Livre. Cette mystique repose essentiellement sur la reprise inlassable du livre par lui-même : l'Ancien Testament se transforme en une promesse que le Nouveau Testament réalise. L'écrit devient le garant de l'écrit. La sacralisation du Livre repose sur cette "intrigue herméneutique destinée à attester la concordance de l'Écriture avec elle-même" (La chair des mots. Politique de l'écriture, Paris, Galilée, 1998, p. 94).

    Rancière considère que nombre de romans reposent sur une intrigue herméneutique similaire, invitant à une lecture "qui cherche sous le récit un sens que dévoilera un autre récit", élaborant une "théologie du roman" qui puisse faire concurrence aux textes sacrés. Dès lors que le roman se présente comme le réceptacle d'une vérité cachée, la lecture oscille entre la tentation de l'interprétation et le risque d'une surinterprétation. Certains écrivains semblent jouer sur cette oscillation — que l'on songe à Nabokov dans Feu pâle ou, plus récemment, à W. G. Sebald —, lançant le lecteur dans une enquête dont ils soulignent par ailleurs les écueils. D'autres suggèrent que le sens s'est réfugié tout entier dans le Livre, ou pour citer Kertész, "le monde se compose de tessons qui s'éparpillent, c'est un obscur chaos incohérent que seule l'écriture peut maintenir" (Liquidation, Arles, Actes Sud, 2004, p. 96). L'objet de ce colloque est d'étudier cette mystique de l'interprétation qui rassemble écrivains et lecteurs dans une même quête du sens.

    La problématique retenue a pour vocation de rassembler différents chercheurs travaillant sur des périodes et des genres variés. Le questionnement sur la lecture et l'interprétation est, bien entendu, plus pertinent dans certains contextes, notamment dans la poésie et le roman du XIXe au XXIe siècle ; toutefois, on pourrait retrouver ce questionnement dans un tout autre contexte, par exemple dans le théâtre élisabéthain ou dans le théâtre espagnol du Siècle d'Or. Les propositions peuvent donc porter sur des oeuvres d'époques et de genres variés, en langue française ou étrangère ; toutefois les organisateurs souhaitent privilégier les approches comparatistes.

Quelques axes de recherche :

La lecture comme enquête
La sacralisation du sens
L'opposition entre deux représentations du monde : la nature comme livre, ou "l'idiotie du réel" (Clément Rosset)


Date du colloque : 5-6 juin 2008.
Propositions à adresser avant le 31 mai 2007.

Contacts :
    Alison BOULANGER, alison.boulanger@univ-lille3.fr
    Jessica WILKER, jessica.wilker@univ-lille3.fr