Agenda
Événements & colloques
Théâtres politiques en Afrique du Nord au Sud!

Théâtres politiques en Afrique du Nord au Sud!

Publié le par Matthieu Vernet (Source : christine Douxami)

Le théâtre et la performance en Afrique restent méconnus. Pourtant, force est de constater qu’autant en Afrique du Nord qu’en Afrique subsaharienne, la scène théâtrale contemporaine est en réelle ébullition et ouvre un espace à la fois artistique et politique. En effet, le théâtre et particulièrement la performance investissent les festivals d’art contemporain, de Johannesburg à Luanda, et se démultiplient sous forme de caravanes itinérantes, de théâtres de rue, ou d’espaces alternatifs ultra-contemporains, sans compter les « classiques » théâtres nationaux de la majorité des pays africains. Les espaces théâtraux reflètent souvent des choix politiques et un réel investissement quant aux enjeux sociétaux contemporains que révèlent encore davantage les thématiques choisies. Le dramaturge béninois José Pliya adapte à la scène le discours de Bush à la suite des attentats du 11 septembre 2001. Il a, d’ailleurs, accepté d’être des nôtres au colloque que nous organisons et pour lequel nous sollicitons ici votre attention. A la veille de la chute de Ben Ali, la compagnie El Hamra présentait « The End », une pièce de théâtre engagée appelant métaphoriquement à la fin d’une domination. Ses membres ont activement participé au Printemps Arabe et ont d’ores et déjà  accepté de participer à nos journées de réflexion. Mieux comprendre la participation des acteurs artistiques au sein du Printemps Arabe sera un des objectifs de ces journées.

 

L’une des originalités de cette rencontre, à mettre en évidence dès maintenant, est que nous considérons l’Afrique dans son ensemble, sans en exclure le Maghreb, indépendamment d’une scission trop longtemps perpétrée par les sciences sociales. Or, comme l’ont montré les récents événements politiques, les révolutions arabes ont eu des conséquences politiques directes en Afrique subsaharienne. Aussi, puisque nous abordons le théâtre politique en Afrique, il est nécessaire de prendre en compte l’indissociabilité du continent, et ceci tant au niveau politique qu’artistique. Au sein de l’École des Hautes Études, cette posture permet d’ailleurs une collaboration fructueuse pour ce colloque entre l’IISMM et le CEAF.

 

Les liens entre Art et Politique en Afrique ont fait l’objet de trois années de cycles de séminaires organisés par l’équipe « Support et circulation des Savoirs en Afrique et au-delà » du CEAF et seront particulièrement analysés et développés lors de cette rencontre. Qu'est-ce qu'un théâtre populaire malien peut avoir en commun avec une mise en scène d'une pièce de théâtre engagée à Johannesburg ou Ouagadougou ? Quels sont leurs rapports au Politique : celui du financement ? De l'idéologie ? D’une commune oppression ? D’une revendication identitaire ? Quelle est la place attribuée à la création et à la créativité au sein du théâtre politique en Afrique? Quel sont les rapports du Politique en Afrique (Etat, Nation, Gouvernement) aux Arts du spectacle et à ses créateurs tant en ce qui concerne les financements que les censures, les institutions, les politiques culturelles ?

 

Un spécialiste du théâtre politique, Philippe Ivernel (traducteur de Brecht et de Benjamin chez L’Arche) nous éclairera, en introduction de ces rencontres, sur la thématique en question. En effet, la notion même de théâtre politique est polymorphe et plurielle. Cette multiplicité impose d’ailleurs le terme de Théâtres Politiques. Sans être assimilables, ni assimilées, aux idéologies socialistes, qui ont certes vu naître le théâtre politique depuis le XIXe siècle, beaucoup d’expériences contemporaines abordent le collectif sous un nouveau jour : celui des identités parcellées et celui des identités nationales post-indépendantes, ethniques ou communautaires.

 

Nombre de distinctions au sein du théâtre politique apparaissent donc entre un théâtre militant ou théâtre de résistance et un théâtre de dénonciation, plus « témoin » que participant. Distincts les uns des autres, ils répondent néanmoins à une situation de violence ou d’oppression. Aussi est-il possible de les regrouper sous la bannière du théâtre engagé dans la ligne du théâtre politique des XIXe et XXe siècles. Toutefois de nouvelles formes de théâtre politique sont apparues, en Europe comme en Afrique, particulièrement depuis les années 70, abordant d’autres thématiques, autour de nouvelles identités et affirmant des notions telles que le féminisme ou l’homosexualité, mais aussi la lutte contre la discrimination raciale de la part de « minorités ethniques » (ou considérées comme telles) dans le but d’une réappropriation d'une identité positive de populations en mal de représentation. Ce théâtre d’affirmation identitaire sera qualifié ici de théâtre ethnique. Pour affirmer sa spécificité ethnique ce théâtre utilise en général des méthodes « classiques » de théâtre politique telles que créées par l’Agit-Prop, Brecht ou Augusto Boal, mais développe une quête formelle particulière autour d’une esthétique souvent fondée sur un triptyque « danse-théâtre-musique », élément souvent revendiqué sur le continent africain.

 

 Loin des dramaturgies africaines post-indépendantes des années 60, elles aussi très politiques, tant dans l’affirmation identitaire de chaque nouvelle nation que dans une revendication d’africanité ou de négritude propre à l’ensemble du continent, le théâtre contemporain revendique de nouvelles écritures dramaturgiques et scéniques qui deviennent les fers de lance de ces thématiques sociales. Provoquer l’émotion esthétique, s’inscrire dans la problématique du théâtre contemporain international constituent un des enjeux essentiels du théâtre politique en Afrique, même si certains privilégient un théâtre-action comme les formes actuelles du Théâtre de l’Opprimé avec, par exemple, des tournées de prévention de certaines compagnies autour d’endémies comme le sida. Ces journées chercheront à mettre en perspective ces différents engagements, à réfléchir autour du rôle des auteurs, des comédiens, des metteurs en scène africains, à voir comment ceux-ci s’inscrivent dans la diaspora au travers « d’allers et retours », puisque souvent liés à d’anciennes colonies avec lesquelles ils entretiennent des rapports privilégiés en termes de créations, de subventions, d’échanges et parfois de formations. Ces journées tisseront des liens entre différentes réalités contemporaines d’une Afrique en mouvement.

Les participations conjointes d'universitaires et d'artistes de divers horizons politiques et géographiques donneront une ampleur particulière à cette manifestation. Le programme associe donc des chercheurs et des artistes du Maghreb et de l’Afrique subsaharienne à travers des tables rondes, des présentations d’expériences, des communications universitaires plus « classiques » et compte déjà la participation de metteurs en scène de premier plan et de plusieurs chercheurs internationaux.

Programme actualisé sur le site http://ceaf.ehess.fr

Intervenants:

Ouverture des journées :
Jean Paul Colleyn, Directeur du CEAF-EHESS Bernard Heyberger, EHESS
Philippe Ivernel, Paris VIII, CNRS
Quelques précisions autour du théâtre politique
Alain Ricard, CNRS, INALCO
Théâtre, politique, exil au Togo : Sénouvo Agbota Zinsou, Kossi Efoui, Kagni Alem
Dominique Traoré, Université de Abidijan-Cocody
Les masques de l'engagement politique dans les dramaturgies contemporaines d'Afrique noire francophone
Maéline Le Lay, ATER, Université de Grenoble 3
La scène théâtrale et les enjeux de la mutation du pouvoir en RD Congo
Christine Douxami, Université de Franche-Comté CEAF-EHESS
Théâtre et négritude en  Afrique et dans la diaspora, le cas du 3e Festival Mondial des Arts Nègres de 2010
Omar Fertat, Université de Bordeaux
marocaine Angela Daiana Langone, Université de Tuscia (Viterbe), Libre Université Lusipio (Rome) Lorsque le théâtre devient une arme: quelques exemples maghrébins Lornezo Kihlgren Grandi, GSPM, EHESS
Portée et enjeux de la contestation politique véhiculée par le théâtre dans la Tunisie de Ben Ali Jose Pliya, Artchipel, Scène Nationale de la Guadeloupe "De la race en Amérique" de Barack Obama, performance politico-poétique. Récit d'une aventure théâtrale
Dorcy Rugamba, auteur, acteur et metteur en scène de théâtre
Bloody Niggers, un théâtre contre l'oubli
Hassan al-Geretly, El Warsha, le Caire
La blessure et la joie: trajet de la Compagnie de théâtre El Warcha-Egypte
Fida Mohissen, Plateformes AL-WASSL/ Arts en Méditerrannée

théâtre
Cyrine Gannoun, Théâtre El Hamra
Théâtre politique en Tunisie : The End et la compagnie El Hamra
Kagni Alem, Grand Prix Littéraire d'Afrique Noire, Université de Lomé
Théâtre populaire au Togo
Fida Mohissen, José Plyia, Hassan al-Geretly, Dorcy Rugamba
Jean-Claude Penrad, CEAF, EHESS Gilles Ladkany, ENS Lyon, IISMM-EHESS
Elena Vezzadini, Université de Bergen, CEAF, EHESS Christine Douxami, Université de Franche-Comté CEAF-EHESS
Contact : Christine Douxami, Elena Vezzadini stceaf@ehess.fr