Actualité
Appels à contributions
Sémiotique et énonciation dans le roman africain francophone contemporain : entre positionnements d’auteurs et formes d’écriture (Liège)

Sémiotique et énonciation dans le roman africain francophone contemporain : entre positionnements d’auteurs et formes d’écriture (Liège)

Publié le par Université de Lausanne (Source : Anicet Bassilua)

Appel à communications

Colloque international

« Sémiotique et énonciation dans le roman africain francophone contemporain :

entre positionnements d’auteurs et formes d’écriture »

3-4-5 juin 2019

Université de Liège

Place du 20 août, 7, 4000 Liège, Belgique

 

Organisé par le Centre de Sémiotique & Rhétorique / UR Traverses et le Service d’Histoire des littératures française et francophone du xixe au xxie siècle / UR Traverses, du Département de langues et littératures romanes de l’Université de Liège

 Avec la participation de :

  • Observatoire du récit médiatique (ORM) / Université Catholique de Louvain -Belgique
  • Groupe de recherche et d’études sur les littératures et cultures de l’espace francophone (GRELCEF) / The University of Western Ontario - Canada
  • Groupe de recherche Analyse du discours, argumentation & rhétorique (ADARR) / Université de Tel Aviv- Israël

 

Argumentaire

Le roman africain francophone a connu un tournant majeur dans les années 1980. On note en effet un changement dans les thématiques abordées jusqu’alors. Ainsi, du roman social qui a caractérisé les années 1950-60, émerge un roman de mœurs avec un certain  nombre d’innovations, et non des moindres, notamment celle de l’introduction du genre policier ou de la satire politique. C’est aussi la période où le roman devient dans la littérature négro-africaine le fer de lance d’une prise de parole libérée sous une forme plus ou moins différente de celle des années 1930, dominées par la Négritude. Lilyan Kesteloot évoque cette évolution de la manière suivante :

Le roman semblait désormais le meilleur véhicule pour l’expression littéraire du monde noir, alors que Sartre avait privilégié le rôle révolutionnaire de la poésie dans le monde négro-africain ! Le roman africain s’épanouissait      parce qu’il était le genre où les héros tentent un compromis entre leur idéal et l’histoire concrète ; et la dégradation du héros qui est entraînée par ce processus est aussi un fidèle reflet de la dégradation de la société où il évolue […] (Kesteloot, 2001 : 255).

Le schéma narratif énoncé par Lilyan Kesteloot demeure d’actualité. Les écrivains africains ne se dérobent pas, dans les productions contemporaines, au principe défendu dans les théories du langage selon lequel, dans les processus de mise en discours – notamment les discours littéraires –, il y a émergence des schématisations qui mettent en scène des formes à partir de la perception du monde sensible des auteurs. Dans ce sens, le dynamisme des structures langagières convoquées par ces écrivains finit par se réguler à travers des systèmes de signification spécifiques, lesquels s’inscrivent parfois dans des représentations très diverses. C’est l’exemple des ancrages topologiques des auteurs qui distinguent ceux écrivant hors du continent de ceux qui écrivent depuis le continent. La tension ainsi générée, dans ce cas, est d’ailleurs très palpable lorsqu’on scrute de près les textes produits. On note par exemple une mixité spatiale qu’opèrent dans leurs textes des auteurs ayant connu l’ « expatriation » hors de l’Afrique, comme Jean Bofane, Alain Mabanckou, Calixthe Beyala ou encore Fatou Diome… ; ceux-ci en arrivent à proposer des formes de récits naviguant entre l’écriture de l’errance et celle de l’exil ou encore celle de retour (retour au pays natal), mettant ainsi en tension l’espace africain et l’espace extra-africain. Des tensions collectives, comme celles que présentent ces écrivains, se cristallisent ensuite, comme on peut s’y attendre, sur des tensions individuelles. Et ceci de plusieurs manières. Par exemple, elles se manifestent sous la forme d’une lutte identitaire qui caractérise les écrivains de la diaspora, laquelle est beaucoup moins prononcée chez ceux de l’Afrique. Lutte marquée par le choix à opérer entre les configurations identitaires acquises à l’étranger et celles transmises par l’héritage africain. Une des problématiques actuelles dans les littératures africaines qui s’exprime à travers les revendications de ce qu’on appelle la « littérature-monde », mettant ainsi en avant la question des stratégies de reconfiguration identitaire, se nourrit de ces types de tension.

Ces traits du positionnement (Maingueneau) du sujet énonciateur, forgés à partir de son monde sensible notamment, se répercutent sur les options énonciatives qu’il lève. En sorte que les formes décrites qu’on lit dans les pages des romans ne semblent plus porter seulement des caractères figés, c’est-à-dire codifiés par le genre [littéraire], mais bien des grandeurs dont les significations spécifiques restent en majeure partie saisissables à travers le procès sémiotique de leurs mises en discours. Cela ne serait que logique puisque la praxis énonciative, concept introduit dans les études sémiotiques par Greimas dans les années 1980, repris par lui et Fontanille en 1991 et développé par Bertrand en 1993, met justement en tension l’  « impersonnel » et le « personnel de l’énonciation » (Bertrand, 1993). Une tension dont la résolution se négocie au fil des échanges qui, « sous la houlette d’un sujet énonçant collectif ou individuel, créent [non seulement] une dynamique de schématisation, de figement et de stockage dans la mémoire, mais aussi de défigement, voire d’innovation et de singularisation » (Colas-Blaise, 2010 : 44). On pourrait dès lors constater que le discours concret que proposent les écrivains africains – francophones particulièrement – à travers le roman se fait à partir des régimes de représentation singuliers de certaines dimensions qu’accompagnent la construction de ce discours, comme les dimensions de la passion, de l’action et de la cognition. Ces régimes transparaissent notamment à travers des éléments de l’esthétique qu’ils mettent en place et constituent, à juste titre, des propriétés de leurs discours (Fontanille, 2016 [1998]).

De cette façon, le roman africain, qui demeure un produit d’énonciation, se prête à une analyse qui ferait recours notamment aux outils sémiotiques,  voire linguistiques ou rhétoriques, pour comprendre le procès du discours en acte qui s’y déroule, une des questions qui occupent le champ sémiotique actuel. Et, à ce sujet, il nous semble qu’en s’intéressant à un élément du  corpus africain (le roman) – une démarche peu fréquente dans les recherches en sémiotique –, la « science du sens » aura à affirmer son ouverture sur un espace empirique (l’Afrique) riche en objets d’études dont la spécificité réside très souvent dans la manière très particulière d’attribuer, par exemple, des rôles thématiques à des formes signifiantes. Une attribution qui se réalise selon un procédé qui met quasiment toujours en avant-plan des dichotomies axiologiques du type visible/invisible, ici/ailleurs, etc., très caractéristiques de l’imaginaire africain. Ces dichotomies assurent entre autres la fonction de catalyseurs du sens dans le passage du plan de l’expression au plan du contenu et vice-versa des processus sémiotiques opérés dans les sémiotiques-objets qui s’observent sur le continent. La démarche qui consiste à étudier le discours en acte nous conduirait, pour ce qui est du texte romanesque africain qui nous occupe dans ce colloque, à nous interroger entre autres sur la manière dont les auteurs africains schématisent leurs expériences sensibles actuelles pour en faire un langage. Ce projet qui s’articule ainsi sur l’effectuation du sens dans l’énonciation peut embrasser plusieurs axes de réflexion. Et ici, sans être exhaustif, nous en énumérons quelques-uns :

  • Les systèmes de tensions. L’une des interrogations principales à formuler dans cette rubrique est : Comment se présentent les systèmes de tensions opérés dans les processus sémiotiques dans les romans africains ? Des tensions manifestées, par exemple, à travers des indices spatio-temporels mobilisés par le texte, lesquels forment parfois des réseaux plus ou moins cohérents à la lecture d’une forme d’écriture à une autre ou d’un auteur à un autre. L’orientation de cette interrogation pourrait inviter à repérer, entre autres, des valeurs énonciatives que met en avant l’acte de production sémiotique de ces indices textualisés ; des valeurs identifiables notamment dans les répertoires d’oppositions, comme celles qu’engagent les articulations binaires du type modernité vs tradition, homme vs femme, vie vs mort, etc. Ce n’est pas tout, la réflexion pourra se concentrer aussi sur les modalités de la catégorisation de ces indices dans le processus de leur mise en discours, etc.

 

  • Les stratégies d’embrayage/débrayage des sujets de l’énonciation. Les problématiques liées aux simulacres énonciatifs proposés dans les textes africains (rapports entre narrateurs/narrataires réels et narrateurs/narrataires fictifs, etc.) peuvent orienter vers l’identification des mécanismes d’embrayage/débrayage des sujets de l’énonciation dans le texte. On s’intéressera, par exemple ici, à la manière dont se construit le point de vue de l’observateur dans le cadrage fictionnel de l’œuvre, ou encore à la manière dont les niveaux de lecture qui lui sont proposés fonctionnent… 

 

  • Les systèmes langagiers mis en place. La dimension langagière, particulièrement l’exploitation des langues, est une des données fondamentales des « lettres africaines ». Elle se vérifie à travers plusieurs créneaux, par exemple, celui de l’exploitation des référents linguistiques locaux (expressions empruntées aux langues locales, montages lexicaux, tournures empruntées à la tradition : proverbes, énigmes, etc.) dans les textes écrits en français. L’on pourra s’interroger, à ce propos, sur les configurations sémiotiques sous lesquels apparaissent les modèles de re-présentation de ces référents dans le texte. Une interrogation qui pourra se prolonger sur les référents culturels (la musique, la danse, les croyances, etc.), eux aussi très présents dans le texte.  

 

Bibliographie indicative

Abossolo, Pierre Martial : Fantastique et littérature africaine contemporaine. Entre rupture et soumission aux schémas occidentaux, Paris, Éditions Honoré Champion, 2015.

Bertrand, Denis : « L’impersonnel de l’énonciation. Praxis énonciative : conversion, convocation, usage », Protée, vol.21, n°1, 1993, p. 25-32.

Bojsen, Heidi : Géographie esthétique de l’imaginaire postcolonial. Écriture romanesque et production de sens chez Patrick Chamoiseau et Ahmadou Kourouma, Paris, L’Harmattan, 2011.

Colas-Blaise, Marion, Perrin, Laurent et Tore, Gian Maria (dirs.) : L’Énonciation aujourd’hui. Un concept clé des sciences du langage, Limoges, Lambert-Lucas, 2016.

Colas-Blaise, Marion : «  L’énonciation à la croisée des approches. Comment faire dialoguer la linguistique et la sémiotique ? », Signata [En ligne], 1, 2010, p. 39-89.

Djungu-Simba, Charles : Les Écrivains du Congo-Zaïre. Approches d’un champ littéraire africain,  Metz, Université Paul Verlaine-Metz, Centre de recherche « Écritures », coll. «  Littératures des mondes contemporains », série Afrique, 2007.

Ducournau, Claire : La fabrique des classiques africains. Écrivains d’Afrique subsaharienne francophone, Paris, CNRS Éditions, 2017.

Fontanille, Jacques : Sémiotique du discours, Limoges, Presses de l’Université de Limoges, 2016 [1998].

— : Sémiotique et Littérature. Essai de méthode, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.

Garnier, Xavier : La magie dans le roman africain, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.

Greimas, Algirdas Julien & Fontanille, Jacques : Sémiotique des passions : des états de choses aux états d'âme, Paris, Éd. du Seuil, 1991.

Halen, Pierre : « Retour sur le ‘roman nègre’. À propos de la réédition d’un diptyque de Jean Sermaye », Cahiers d’Études africaines [En ligne], Paris, EHESS, T. liii, n°4, (n°212), 2013, p. 853-866.

Kesteloot, Lilyan : Histoire de la littérature négro-africaine, Paris, Karthala-AUF, 2001.

Lawson-Hellu, Laté : Roman africain et idéologie : Tchicaya U Tam’Si et la réécriture de l’Histoire, Québec, Presses de l’Université Laval, 2004.

Maingueneau, Dominique : Trouver sa place dans le champ littéraire. Paratopie et création, Louvain-La-Neuve, Academia-L’Harmattan, « Au cœur des textes », 2016.

— : « Pertinence de la notion de formation discursive en analyse de discours », Langage et Société [En ligne], n° 135, 2011, p. 87-99.

Moudileno, Lydie : Parades postcoloniales. La fabrication des identités dans le roman congolais, Paris, Karthala, 2006.

Rastier, François : Arts et sciences du texte, Paris, Presses Universitaires de France, 2001.

—: Sens et textualité, Paris, Hachette, 1989.

Zilberberg, Claude : Eléments de grammaire tensive, Limoges, Presses de l’Université de Limoges, 2006.

 

Comité organisateur

Ruth Amossy (Université de Tel Aviv), Anicet Bassilua (Université de Liège), Heidi Bojsen (Roskilde Universitet), Benoît Denis (Université de Liège), Maria Giulia Dondero (F.R.S.-FNRS /Université de Liège), Laté Lawson-Hellu (The University of Western Ontario), Philippe Marion (Université Catholique de Louvain), François Provenzano (Université de Liège).

 

Comité scientifique

Ruth Amossy (Université de Tel Aviv), Sémir Badir (F.R.S.-FNRS/Université de Liège), Anicet Bassilua (Université de Liège), Heidi Bojsen (Roskilde Universitet), Marion Colas-Blaise (Université du Luxembourg), Benoît Denis (Université de Liège), Cécile Dolisane (Université de Yaoundé 1), Maria Giulia Dondero (F.R.S.-FNRS/Université de Liège), Claire Ducournau (Université Paul Valéry-Montpellier III), Jean-Chrétien Ekambo (Ifasic/Kinshasa), Xavier Garnier (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3), Julien Kilanga (Université d’Angers), Laté Lawson-Hellu (The University of Western Ontario), Philippe Marion (Université Catholique de Louvain), David Martens (KU Leuven), Paul Okomba (Ifasic/Kinshasa), François Provenzano (Université de Liège), Fatou Toure Cisse (Université Félix Houphouët Boigny).

 

Calendrier

  • 30 décembre 2018 : date limite de soumission des propositions de communication
  • 30 janvier 2019 : réponse du comité
  • 3-5 juin 2019 : tenue du colloque
  • Une publication est prévue.

Modalités

Les propositions de communication (500 mots max.), accompagnées d’un titre et d’une bio-bibliographie, sont à envoyer à l’adresse ci-dessous.

Contact

Anicet Bassilua : abassilua@uliege.be