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Rire aujourd'hui, expressions et contraintes (Rabat, Maroc)

Rire aujourd'hui, expressions et contraintes (Rabat, Maroc)

Publié le par Marc Escola (Source : Aissa CHAHLAL)

                                                                                                                                        

Ecole Normale Supérieure  - Université Mohammed V- Rabat

Appel à communication

Colloque international :   

Rire aujourd’hui : expressions et contraintes

Le 20 et le 21 avril 2017, à l’Ecole Normale Supérieure - Rabat

Responsable : Le département de français et le laboratoire de didactique des langues étrangères, éducation et cultures (DILEEC) de l’Ecole Normale Supérieure (Rabat)

 

Le rire, selon des philosophes comme Descartes ou Spinoza, est une manifestation extérieure de la joie.  Il émane donc d’un sentiment a priori irréprochable. Cependant, l’on a toujours été méfiant à l’égard du rire. Ainsi, la littérature, quoi qu’elle reprenne, comme c’est le cas de la tragédie, la fusion du discours moralisateur et les larmes, n’omet pas le rire. Ce dernier a été le critère principal de la séparation des genres : la littérature qui rit est à mettre en bas du classement. Elle n’est pas à prendre au sérieux : le spectateur se divertit certes, mais ne peut espérer tirer grand-chose de l’œuvre heureuse et joyeuse. Nietzsche en a fait l’amer constat et s’est attaché à diviser les œuvres littéraires et philosophiques en deux blocs distincts : le gai savoir et la triste morale. Bien entendu, la pensée nietzschéenne a fait son choix en privilégiant, comme digne du surhomme, le savoir qui prône la gaité et l’ivresse, et où le rire et la joie carnavalesque tiennent le premier rôle. Il écarte, dès lors, tout ce patrimoine, fait de larmes et de tristesse, qui promeut la morale stérile et opprimante. C’est dire que le rire exprime la puissance de l’homme et lui permet de se dépasser en tournant en dérision les idoles esclavagistes. Le rire est en effet corrosif, il fait tomber les épouvantails que la morale sournoise a érigés pour faire peur aux hommes. Nietzsche dénonce la méfiance des hommes envers ce qui, aux dires de Rabelais, fait son essence.

Dans cette optique, des pistes de réflexions pourraient être envisagées :

  • Comment la littérature et les arts permettent-ils de rendre manifeste une passion à priori invisible, celle de la joie ? Qu’est-ce qu’une littérature joyeuse ?  
  • L’art et la littérature contemporaine sont- ils toujours le lieu de la dénonciation par la dérision ? Si oui, au nom de quelle valeur le fait-on, d’autant plus que notre époque dite postmoderne, voire hypermoderne, est essentiellement caractérisée par le recul des certitudes et la perte du sens ? Peut-on encore rire du non-sens ?  Le rire qui a pour cible le non-sens peut-il prétendre à fournir du sens ?

Et si notre époque est celle du non-sens, cela justifierait-il de rire de tout ? Au nom de la liberté d’expression, il semble que certains artistes et auteurs ont poussé à l’extrême les possibilités qu’offre l’humour noir pour s’attaquer à des sujets d’emblée tragiques. Les dessinateurs de Charlie Hebdo, quelques mois après le drame qui a secoué l’institution et la vague de solidarité qu’il a suscitée, ont trouvé banal d’utiliser la photo du petit Aylan dont le corps a été retrouvé inerte sur les côtes turques, pour faire rire leur public, ce qui a provoqué un torrent d’indignation. Les voix qui se sont élevées pour dénoncer ce comportement ont posé la question des limites du rire et de la dérision. On s’est demandé si l’humanité a définitivement perdu le sens de la compassion, si le rire, au lieu de souder les hommes, les séparent. Cet axe nous inspire donc les réflexions suivantes :

  • Sommes-nous déjà loin de la culpabilité universelle que les horreurs d’Auschwitz et de la Shoah ont suscitée ? L’humanité d’aujourd’hui a-t-elle définitivement perdu le sens de la solidarité et de la compassion ? L’heure est-elle aujourd’hui au déchaînement de l’humour, abstraction faite du sujet ? Est-ce sain que la littérature et l’art puissent enfin tout tourner en dérision ? Et si le rire était notre arme unique face à l’insignifiance révoltante du monde ? Cette arme serait-elle la lance d’Achille qui, en blessant, guérit ?
  • Doit-on fixer des limites au rire et à l’humour ?

Il convient également de mentionner qu’au Maroc, par exemple, un constat s’affirme : il y a de moins en moins de blagues. La répression des années de plomb fut concomitante à l’essor des blagues qui prenaient d’assaut les symboles de la tyrannie. Le rire iconoclaste semble régresser et les blagues perdre du terrain au profit de la critique directe et violente. Aussi est-il judicieux de poser les questions suivantes :

  • L’humour n’a-t-il sa place que dans le cadre d’une limitation des libertés ? Comment la littérature réinvente-t-elle le rire ? Comment réussit-elle à décoller en innovant ? A-t-on épuisé les sujets au point de sombrer dans le sarcasme gratuit ? Doit-on dénoncer le rire qui blesse ? le rire contemporain relève-t-il de l’humour ?

A l’école, les enseignants trouvent plus facile de transmettre des connaissances sur un mode sérieux, car c’est plus commode et moins risqué. L’on rechigne à utiliser le rire et l’humour de peur de perdre son autorité sur la classe. Car l’on a tendance à distinguer le sérieux de la classe de la familiarité et la drôlerie de l’extérieur. L’on est trop soucieux de sauvegarder la sacralité de l’institution, qui a tendance à rivaliser ainsi avec les lieux sacrés qui bannissent la légèreté et l’humour. Peut-on envisager un enseignement fondé sur la fameuse devise des auteurs classiques, plaire et instruire ?

Si le rire est universel – c’est le propre de l’homme – l’humour ne l’est pas pour autant. L’on ne rit pas souvent de la même vanne en France et au Maroc. Comment la littérature qui hisse l’humour en moyen d’expression privilégiée peut-elle dépasser ces divergences de goûts et de cultures ? Cette disparité culturelle a-t-elle une influence sur le lectorat ? Avons-nous les mêmes aptitudes à recevoir de l’humour ?  

D’autres axes de réflexion pourraient enrichir ces indications.

Les propositions de communications doivent nous parvenir avant le lundi 31 octobre 2016. Elles seront composées d’un résumé d’une dizaine de lignes et d’une notice biobibliographique ne dépassant pas ½ page. A envoyer par email au coordonnateur du colloque, M. Aissa CHAHLAL aissachahlal@gmail.com et au chef du département de français de l’ENS M. Abdellah BAIDA abdelbaida@gmail.com

Le comité scientifique donnera une réponse aux auteurs à la mi-novembre.

La durée de la présentation de chaque communication sera de 20 minutes.