Actualité
Appels à contributions
Colloque International Mongo Beti

Colloque International Mongo Beti

Publié le par Université de Lausanne (Source : Alexie Tcheuyap)

Colloque international

MONGO BETI

International Colloquium

29-31 juillet 2021

La Société des Amis de Mongo Beti (SAMBE)

en collaboration avec la

Librairie des Peuples Noirs

à Yaoundé, Cameroun

organisent :

Mongo Beti : le témoignage actuel de la « réserve révolutionnaire ».

Witnessing for the Witness : Mongo Beti and the Untenable Postcolonial Condition

 

23 février 1991 : Mongo Beti arrive à l’aéroport international de Douala à bord d’un vol de la compagnie belge Sabena. Alors qu’il lui était possible de visiter tous les pays du monde, le retour met fin à 32 années d’exil imposé par sa propre patrie. Des milliers de Camerounais parmi lesquels des dignitaires de l’opposition sont présents pour l’accueillir. La police camerounaise relève les numéros des plaques minéralogiques des voitures présentes à l’aéroport. La presse d’État et ses universitaires le qualifient de « touriste français en visite au Cameroun ».

Ce retour triomphal et inattendu de Mongo Beti au Cameroun le confronte à une double exigence. D’un côté, il doit faire œuvre de pédagogue et expliquer les grandes articulations de son combat à un public, jeune ou non littéraire, qui le connaît davantage de réputation. De l’autre côté, le public averti, composé surtout d’universitaires et des diplômés de l’enseignement supérieur, qui maîtrise son parcours intellectuel, littéraire et militant réclame implicitement une mise en pratique de sa rhétorique engagée.

Au-delà de ces deux exigences se profile une demande éthique : Mongo Beti se doit de vivre comme les personnages de sa prose romanesque, analytique ou pamphlétaire. Les Camerounais attendent de lui qu’il vive comme El Malek, l’intellectuel sobre de la série de Guillaume, qu’il parachève la révolte demeurée inachevée de Banda, qu’il fasse enfin justice à Perpétue en défiant les escadrons de la répression comme le footballeur Jean Ekwabla. En un mot, on attendait qu’Alexandre Biyidi se mette à l’école des personnages qui peuplent ses romans.

Mongo Beti a témoigné, durant les dix années de sa vie qui correspondent à son séjour au Cameroun, de son engagement éthique en faveur des causes de la justice sociale, de la liberté d’expression tant pour les citoyens que pour les médias, ainsi que de la bonne gouvernance. Toute sa vie, Mongo Beti aura été un témoin qui a protesté contre l’injustice, qu’elle soit l’œuvre des gouverneurs des colonies, des auxiliaires indigènes de la coloniale ou des auxiliaires de la régence néocoloniale qui infestent le continent africain. Mongo Beti a inauguré une nouvelle dimension de son militantisme éthique en prenant la défense des politiciens—qui hier encore l’auraient sans aucun doute persécuté.

De sa nouvelle « Sans haine et sans amour » (1953) à Branle-bas en noir et blanc (2000) en passant par la fabuleuse aventure de Peuples Noirs-Peuples Africains et son impressionnante production romanesque, Mongo Beti a été un témoin passionné et passionnant de son temps.

Mais le témoignage de Mongo Beti a pris fin en ce jour fatidique du 7 Octobre 2001 dans un hôpital de Douala. Les circonstances de sa mort, notamment le calamiteux système de santé qui aura eu raison de ce vaillant combattant, nous rappellent que la saison des perpétuations des malheurs qui eurent raison de Perpétue est loin d’être terminée. La mort de l’auteur de Main basse sur le Cameroun : autopsie d’une décolonisation (1972) nous interpelle, surtout nous qui nous revendiquons de faire partie de la « réserve révolutionnaire » que son œuvre intellectuelle, critique, militante et créatrice aura engendrée.

Le présent colloque offre à la « réserve révolutionnaire », descendance de Mongo Beti, une occasion de se retrouver pour confronter le bilan de l’éclaireur infatigable des consciences qu’il fut au désespoir qui semble caractériser le vécu du Cameroun d’aujourd’hui, ainsi que de nombreux pays du continent. Cette rencontre scientifique va enregistrer le témoignage de ce « contemporain capital ». L’ambition du présent « coumbite », de cette assemblée des critiques savants, des activistes, ou simplement des lectrices et lecteurs de l’œuvre de Mongo Beti est de méditer sur un certain nombre de questions liées au passé récent, au présent douloureux et au futur incertain des peuples africains. Voici certaines des questions à considérer dans le cadre de ce colloque :

 

Mongo Beti serait-il l’éclaireur qui nous aurait indiqué la voie à suivre pour éviter les malheurs ou serait-il le prophète des malheurs qui nous aurait mis en garde contre les catastrophes à venir sans nous donner les clés de résolution ? Comment son écriture a-t-elle permis de mettre en scène les expériences et espérances des peuples dominés ? Mongo Beti, éducateur, a contribué à la formation d’une « réserve révolutionnaire » qui devait porter le flambeau de la libération. Comment pourrait-on formuler de nos jours la responsabilité de cette descendance intellectuelle et émotionnelle devant la dégradation des conditions de vie matérielles des populations, la conflagration de l’insécurité au Cameroun et ailleurs : insécurité sociale galopante ; régression démocratique dans de nombreux pays africains, etc. Le 26 mai 1990, lors du lancement du Social Democratic Front (SDF) à Bamenda, Les forces de l’ordre ont tiré sur la foule pacifique, faisant 6 morts. En 2020, nous assistons aux interdictions de fait de toute manifestation politique au Cameroun. Dans les pays africains où les rassemblements politiques sont permis ou tolérés, les possibilités de transition démocratique restent incertaines. En quoi est-ce que le témoignage de Mongo Beti interpelle notre conscience collective, citoyenne et personnelle face à la régression des libertés fondamentales dans l’espace politique et social en Afrique ? Rendant hommage à Pius Njawé, fondateur de l’emblématique journal Le Messager, Mongo Beti déclarait alors que la liberté de presse représentait l’une des rares conquêtes arrachées à la dictature régnante. Comment pouvons-nous être dignes de ce témoignage en ce moment critique de l’histoire de l’Afrique ? Au-delà de l’écriture fictionnelle et au regard du foisonnement parfois anarchique des médias ? Quelle est désormais la place de la presse dans la conquête des libertés ou de la (dé)construction des identités politiques et culturelles ? Mongo Beti a publié dans Peuples Noirs-Peuples Africains des mémorandums sur la question anglophone au Cameroun. Il a mis en garde les Camerounais contre l’éventuelle guerre de Bakassi qui allait provoquer le massacre des populations sur l’autel de la stratégie énergétique de quelque ancienne puissance coloniale. Après la guerre (réelle de Bakassi), la désastreuse guerre dans les régions anglophones et la tragédie quotidienne de l’Extrême-Nord, comment pouvons-nous lire ou relire Mongo Beti  au vu des drames récents du Cameroun? Au-delà de Remember Ruben, comment Mongo Beti pense-t-il la violence (post)coloniale en Afrique ? Mongo Beti fut exploitant forestier, cultivateur de tomates, de bananes, de maïs ou éleveur de porc. Ayant pour souci de mettre à la portée des paysans des produits de première nécessité, il avait même commencé par investir dans une petite épicerie. L’écrivain a troqué sa plume contre un engagement dans le vécu des populations. Son retour au Cameroun a eu comme conséquence une reconfiguration de son discours désormais informé par l’urgence de la survie quotidienne. Comment témoigner pour Mongo Beti ? Mongo Beti a inspiré et a été le compagnon de nombreux écrivains ou critiques africains qu’il a encouragés ou soutenus de diverses manières. Quoiqu’acculé à la ruine par l’infiltration d’agents des services de renseignements tant français qu’africains, la revue Peuples noirs-Peuples africains a aussi servi de tribune aux révolutionnaires de tous bords. Quels sont les héritiers littéraires et politiques de Mongo Beti ? Comment est-ce que les réseaux intertextuels qui font écho à son œuvre témoignent de l’actualité de son témoignage, dépassent ce témoignage capital ou s’en inspirent de manière créatrice ou iconoclaste ?

*

Les projets de communication (pas plus de 500 mots), en anglais ou en français, devront parvenir au Professeur Ambroise Kom akom@holycross.edu au plus tard le 15 janvier 2021.

Le colloque s’organise en autonomie. Les frais de participation seront de 125 000 CFA pour les enseignant(e)s chercheurs d’Amérique du Nord et d’Europe ; de 50 000 CFA pour les enseignant(e)s chercheurs du continent et de 10 000 CFA pour les étudiant(e)s.

Le colloque offrira trois prix d’une valeur de 150 000 CFA ; 100 000 CFA et 50 000 CFA aux trois meilleures communications d’étudiant(e)s inscrit(e)s en doctorat.

D’autres modalités pratiques seront communiquées par voie de presse.