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Appels à contributions
L'Afrique au miroir du reportage

L'Afrique au miroir du reportage

Publié le par Marc Escola (Source : Dr Raphaël LAMBAL)

« L’AFRIQUE AU MIROIR DU REPORTAGE »

     Colloque international

     21, 22, 23 janvier 2016

Proposé par : Dr Raphaël LAMBAL, Université Assane SECK de Ziguinchor (Sénégal)

                 Pr Catherine COQUIO, Université Paris 7-Denis Diderot (France)

 

Appel à communications

C’est dans Situations, II. Qu’est-ce que la littérature ?, son texte majeur qui constitue l’horizon de référence de toute tentative d’analyse et de justification philosophique et littéraire du phénomène de littérature engagée que Jean-Paul Sartre formule cette réflexion qui légitime à la fois un genre (le reportage) et une profession (le reporter) : « Il nous paraît, en effet, que le reportage fait partie des genres littéraires et qu’il peut devenir un des plus importants d’entre eux. La capacité de saisir intuitivement et instantanément les significations, l’habileté à regrouper celles-ci pour offrir au lecteur des ensembles synthétiques immédiatement déchiffrables sont les qualités les plus nécessaires au reporter. » (Gallimard, 1948. 1975 pour l’édition utilisée, p.30). Fidèle à son mot d’ordre d’alors « Ecrire pour son époque », et inquiet de voir assimiler l’autonomie de la pratique littéraire à une forme d’irresponsabilité, Sartre accorde ainsi au reportage une valeur singulière capable de sauver la littérature menacée de perdre sa raison d’être parce que préoccupée uniquement d’elle-même et coupée du monde. Cette approche sartrienne qui a longtemps dominé la réflexion sur le reportage n’a plus aujourd’hui la même pertinence pour saisir un genre qui ne cesse, autant dans le fond que dans la forme, de se diversifier par l’imagination des écrivains-journalistes qui le pratiquent et continuent d’actualiser l’épineuse question qui a traversé tout le XXè siècle du rapport, toujours débattu, jamais tout à fait éclairci, entre littérature et reportage dans leur prise en charge de l’histoire et du réel.

 « Enfant du divorce autant que de la réconciliation entre journalisme et littérature » (voir Myriam Boucharenc) dont l’histoire est largement traitée par les historiens de la presse, le reportage, malgré son prestige, intéresse encore peu la théorie littéraire dans la réflexion sur sa spécificité. Il constitue pourtant ce genre carrefour où des auteurs (écrivains, journalistes, intellectuels) venus d’horizons divers et animés du goût des autres doublé d’une attirance pour l’ailleurs, se croisent pour être des « témoins parmi les hommes » ou pour « porter la plume dans la plaie » de « l’histoire immédiate » du monde. Hier comme aujourd’hui, l’Afrique incarne souvent cet « Autre » et cet « ailleurs » dans des textes de reportage qui portent la signature de noms illustres qui ont donné au genre ses lettres de noblesse. Rappelons seulement deux ou trois titres parmi tant d’autres que l’on peut citer : Terre d’Ebène d’Albert Londres, L’heure du nègre de Georges Simenon, Marchés d’esclaves de Joseph Kessel ou encore La Piste fauve. De nombreux écrivains-journalistes ou travel-writers, souvent éloignés du star-système de l’information télévisée, prolongent encore cette tradition de voyage, d’aventure et d’investigation en Afrique pour la découvrir, mais aussi et surtout la vivre pour le compte des autres. Ces auteurs « passeurs de cultures » qui regardent en journaliste et qui écrivent en écrivain les « Choses vues », sans se mettre en avant, et que la pureté de leur travail seule rend transparents, proposent des textes illustrant l’idée que la connaissance authentique de l’Afrique est d’ordre empirique. Pour bien décrire la vie, les souffrances et les joies des autres, il ne suffit pas de les avoir observées, il faut aussi et surtout les avoir partagées, ressenties grâce à l’immersion totale dans les pays ou les milieux sociaux décrits, avec pour corollaire le renoncement aux préventions, au jugement de valeur.  

Genre intimement lié depuis sa naissance et son développement au continent africain dont le destin violenté lui a toujours servi d’aiguillon ou de banc d’essai, il est ainsi possible de lire au miroir du reportage les grandes mutations politiques, sociales et culturelles survenues en Afrique depuis le tournant des années soixante. Du délitement du système colonial et des conflits de libération à la guerre froide qui aura sous les tropiques une température très élevée. De l’euphorie de la période postcoloniale et le blues économique qui s’ensuivit aux grandes crises politiques et humanitaires de la décennie 90 au lendemain de la chute du mur de Berlin ; puis le recadrage actuel des rapports géopolitiques entre l’Afrique et le reste du monde avec le basculement du regard africain vers l’Asie.

Depuis la dernière décennie du XXè siècle, un regain d’intérêt pour la littérature de reportage est manifeste dans le monde de l’université et de l’édition. Les reportages de Joseph Kessel sont réédités en six volumes chez Tallandier, collection « Texto », sous le titre Témoin parmi les hommes et chez Gallimard, collection « Quarto » sous le titre Reportages, Romans en 2010. Omnibus édite en 2001 Mes apprentissages. Reportages (1931-1946) de Simenon.  Les textes d’Albert Londres sont « rassemblés » en Œuvres complètes publiées chez Arléa en 2007 ainsi que ses reportages qui ne sont parus que dans les journaux sont réunis dans un volume intitulé Câbles et reportages. En 2014, Flammarion fait paraître en Œuvres complètes les reportages de Ryszard kapuscinski. Et devant de brillants tours de force non fictionnels comme Congo. Une histoire (David Van Reybrouck), La stratégie des antilopes (Jean Hatzfeld), Sur les ailes du dragon (Lieve Joris) dans lesquels un réexamen de l’histoire du continent et de son présent atteint toute la tension et toute l’excitation intellectuelle de la meilleure fiction, on ne peut que se réjouir de la fortune de cette espèce d’écriture factuelle très imaginative qui enjambe constamment les frontières du savoir. Le succès et/ou l’académisation de fait de ces œuvres enfantées par la modernité, littérairement contestées à l’origine pour avoir fait leur succès dans la rue (presse), pose aujourd’hui de façon incontournable la question de la notion de littérature elle-même, de son expansion, question pourtant longtemps présente dans l’université anglo-saxonne avec le nouveau journalisme qui développe ce brouillage créateur entre réalité et fiction.

Le projet de ce colloque international sur « L’Afrique au miroir du reportage », qui sera organisé à l’Université Assane SECK de Ziguinchor-Casamance (Sénégal) les 21, 22 et 23 janvier 2016, est de proposer une réflexion sur cette production littéraire, encore faiblement institutionnalisée, du vaste domaine des professions mixtes (écrivains-journalistes), preuve que la littérature est une matière vivante et non le reliquaire des beautés défuntes, dans une étude qui se veut un observatoire critique des formes les plus contemporaines de l’art du récit de reportage – avec l’Afrique comme horizon.

Les contributions pourront s’orienter selon une double perspective thématique et esthétique.

1 – L’Afrique au miroir du reportage

« Intrusion d’un personnage dans un monde qu’il nous découvre en le découvrant lui-même » (voir André Malraux), le reportage a grandement façonné le regard du monde sur l’Afrique contemporaine dont elle reflète les ombres et les lumières. Elle a à la fois une portée historique et une valeur testimoniale – avec tout ce que le témoignage, malgré le souci constant de vérité, peut comporter de sentimental, de subjectif et d’arbitraire. Si tout n’est pas vrai dans la relation des événements, tout est vraisemblable. Car le témoignage humain l’emporte sur le témoignage historique.

Quelle image de l’Afrique contemporaine comme objet de discours et de représentation est-elle ainsi construite dans les œuvres de reportage ? En quoi ces récits sont-ils le lieu d’exploration de la question de la rencontre de ses cultures, de ses peuples et de son histoire ? Quelle est la réception de cette littérature de reportage en Afrique où, curieusement, le genre attend encore d’être investi par les écrivains et les journalistes du continent ?

2 – Poétique et esthétique du reportage

Les textes de littérature de reportage sont tous des exceptions qui ne confirment pas la règle de l’obsolescence rapide des écrits journalistiques. S’ils suscitent toujours de l’intérêt alors que les événements qu’ils relatent ont perdu de leur importance (actualité) en reculant dans le temps, c’est parce qu’ils ont acquis quelque part une dignité de littérature dont le prestige repose dans la capacité que l’on lui prête de s’arracher au temps humain pour se placer dans une toute autre dimension temporelle.

Quelles sont les modalités et les enjeux de cette écriture testimoniale dont la mission informative est indissociable de la vocation esthétique (souci de la forme et de l’écriture) ? Quelle est la spécificité de cette langue du reportage dont le statut énonciatif prend souvent à son compte, avec quelques voluptés, les ambiguïtés fécondes du « mentir-vrai » ? Est-il pertinent de parler d’écoles (française, belge, polonaise, anglo-saxonne) dans l’écriture du reportage en Afrique ?

Aussi d’autres réflexions pouvant permettre d’éclairer les pratiques les plus modernes du reportage (photojournalisme, film, documentaire) comme lieu d’expérimentation ou d’exploration des interactions entre univers littéraire et médiatique constitutives de la vie culturelle pourront-elles être abordées.

Les propositions de communication (coordonnées du chercheur + texte + résumé d’environ 250 mots) sont attendues pour le 15 novembre 2015 au plus tard et doivent être envoyées à l’adresse suivante :

ufrLASH@univ-zig.sn ou rlambal@hotmail.com

Le comité scientifique vous informera au plus tard le 15 décembre 2015 si votre proposition est retenue.

Comité scientifique 

L’équipe d’universitaires qui se charge de la direction scientifique du colloque est composée de :

Pr Catherine COQUIO, Université Paris 7-Denis Diderot

Pr Alioune B. DIANE, Université Cheikh Anta DIOP, Dakar

Pr Xavier GARNIER, Université Paris III-Sorbonne Nouvelle

Pr Henri GODARD, Université Paris IV-Sorbonne

Pr Jean-Louis JEANNELLE, Université de Rouen

Pr Joël LOEHR, H.D.R., Université de Bourgogne

Pr François ROBINET, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines

Pr Oumar SANKHARE, Université Cheikh Anta DIOP, Dakar

Pr Diègane SENE, Université Cheikh Anta DIOP (C.E.S.T.I.), Dakar

Pr Birahim THIOUNE, Université Cheikh Anta DIOP (F.A.S.T.E.F.), Dakar

Dr Raphaël LAMBAL, Université Assane SECK, Ziguinchor

Dr Kalidou SY, Université Gaston BERGER, Saint-Louis