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Hantises et spectres dans le théâtre de Koltès et dans le théâtre contemporain

Hantises et spectres dans le théâtre de Koltès et dans le théâtre contemporain

Publié le par Marc Escola (Source : Raymond Michel)

Appel à communications

Hantises et spectres dans le théâtre de Koltès et dans le théâtre contemporain

Prévu pour les 3, 4 et 5 novembre 2016 , ce colloque international est  organisé, dans le cadre de la biennale Bernard-Marie Koltès qui aura lieu à Metz du 3 au 19 novembre. Il est soutenu par le CREM – Praxitexte (Université de Lorraine) et par l’association Quai Est (Metz).

Problématique

Il est notoire que les morts, les spectres et les fantômes hantent, c’est le cas de le dire, le théâtre depuis ses origines les plus lointaines. Pour s’en convaincre, il suffit d’évoquer, sans souci ni d’exhaustivité ni de représentativité, les noms d’auteurs comme Eschyle, Shakespeare, Corneille, Maeterlinck ou une forme théâtrale comme celle du théâtre nô. La figure du retour du fantôme ou du spectre, ou la manifestation de l’invisible, est donc omniprésente au théâtre, même si, paradoxalement, elle interroge les limites et l’existence même du théâtre, lieu par définition du visible et de l’audible, de la présence de corps de chair et d’os, comme le suggère son appartenance, qui tient de l’évidence, à ce qu’on appelle le « spectacle vivant ».

Il s’agira dans ce colloque de se demander dans quelle mesure le théâtre contemporain, et en particulier celui de B.-M. Koltès, a à voir – fait « voir » ? – avec, pour reprendre le néologisme forgé par Jacques Derrida dans Spectres de Marx (Paris, Galilée, 1993), une hantologie. On se souvient que ce mot-valise (hanter, ontologie, anthologie) fait référence à toute manifestation, à toute trace à la fois visible et invisible, qui, comme le fantôme, « affecte et endeuille d’avance » (ibid., p. 255) les êtres et rend leur présent intempestif, toute ontologie qui s’y opposerait ne pouvant se résoudre à n’être qu’un « mouvement d’exorcisme [ou de] conjuration » (ibid.) La situation est donc telle que les personnages, « pré-occupé[s], habité[s], hanté[s] par [leur] autre » (ibid.) ne peuvent que s’écrier, comme Hamlet : The time is out of joint : Oh cursed spight, / That ever I was borne to set it right (« Le temps est hors de ses gonds. Ô sort maudit / Qui veut que je sois né pour le rejointer ! » (Hamlet, Acte I, sc. v, trad. Y. Bonnefoy).

Les communications s’emploieront donc, en fonction du corpus théâtral choisi, à repérer et à suivre le fil de ces traces qui disent que quelque chose s’est passé, qu’un événement a eu lieu – même si souvent « Rien n’aura eu lieu que le lieu » (Mallarmé, Un coup de dés jamais n’abolira le hasard) – qui hante les personnages. Qu’en est-il de cet esprit, de ce spectre, de ce fantôme, de cette chose, de ce « quelque chose, entre quelque chose et quelqu’un, quiconque ou quelconque » (Derrida, op. cit., p. 26) – the thing, das Ding – dont on ne sait pas – non par ignorance, mais parce que ce « non-objet, ce présent non présent, cet être-là d’un absent ou d’un disparu ne relève plus du savoir » (ibid.) – exactement si cela est, a un nom, possède une essence ? Chose invisible certes, car même lors de ses apparitions on ne la voit pas en chair et en os, mais chose aussi spectrale qui nous regarde, de telle sorte que nous nous sentons constamment regardés par elle alors que nous ne voyons pas qu’elle nous regarde. Car, de plus, il est impossible de croiser son regard, et c’est parce qu’il y a un tel effet visière, pour reprendre les termes de Derrida, que « nous héritons de la loi […] qui délivre l’injonction, une injonction d’ailleurs contradictoire, comme nous ne voyons pas qui ordonne, “jure” (swear), nous ne pouvons pas l’identifier en toute certitude, nous sommes livrés à sa voix » (ibid., p. 28-29). Le théâtre est donc assurément ce lieu privilégié où se plient et se déplient les enjeux et les jeux de la désarticulation du temps, de la présence et de l’absence, de l’héritage imprévisible et irréductible auquel on ne peut échapper, de la trace évanescente, de la profération de la loi, du voile et du dévoilement, de la voix et du voir. Bref, de quoi s’agit-il au théâtre sinon de spectre, de spectralité, de spectacle, entités à la fois confondues et incommensurables dans leur différance ?

Les propositions de communication devront répondre aux deux réquisits suivants : d’une part, porter sur un corpus de textes dramatiques contemporains (XXe et XXIe siècle) français ou étrangers ; d’autre part, explorer et interroger les propositions des problématiques décrites succinctement ci-dessous, qui ne sont pas exclusives les unes des autres et qui ne constituent en aucun cas une liste fermée.

Axe 1 : Intertextualité et réécriture

·      Reprise, variation et modulation sur les fantômes issus de pièces qui constituent une mémoire spectrale pour les auteurs de théâtre, les metteurs en scène et les spectateurs contemporains – Hamlet en constituant, prima facie, l’exemplaire paradigmatique.

·      Propositions pour un panorama, une histoire et une anthologie de l’hantologie dans le théâtre contemporain.

·      Koltès hante-t-il le théâtre contemporain ? Et si oui, de quelle manière ? Un fantôme ? Un revenant ? Un spectre ? Y a-t-il des héritiers ? Faut-il accepter l’héritage de Koltès ? Comment faut-il comprendre l’héritage koltésien à la lecture de sa pièce L’Héritage (1972, Minuit) ?

Axe 2 : Penser la possibilité du spectre

·      Revenances et discours de la fin ou discours sur la fin de l’histoire.

·      Répétition, spectralité et modernité, pour paraphraser le sous-titre du livre de J.-F. Hamel (Revenances de l’histoire, Minuit, 2006), dont on pourrait reprendre le questionnement en le centrant sur le texte théâtral : « Pourquoi la modernité, qu'une vulgate historienne dit structurée par le temps cumulatif et linéaire du progrès, redécouvre-t-elle l'éternel retour des êtres et des événements ? »

Axe 3 : Horizons herméneutiques

·      La question du revenant au théâtre, et en particulier dans telle ou telle pièce, lequel « figure à la fois un mort qui revient et un fantôme dont le retour attendu se répète, encore et encore » (Derrida, op. cit., p. 32, souligné par l’auteur).

  • Le spectre comme trace d’une réalité associée à un trauma intime ou historique. 
  • Emprise d’un passé qui ne passe pas sur le présent et le futur des individus et/ou d’une société.
  • En quoi la conception qu’a B.-M. Koltès de ses personnages est-elle redevable d’une hantologie ? Quelles sont, pour reprendre les termes mêmes du dramaturge, ces « puissances » qui « s’affrontent ou se marient » en eux et entre eux ? Quelles sont ces « forces », venant « du dessus » ou « du sol »,  qui les submergent ?

Axe 4 : Évocation et invocation des figures fantomatiques au théâtre

  • Quelles sont les stratégies discursives, énonciatives et figuratives qu’emploie tel auteur, dans telle pièce, pour évoquer et invoquer fantômes et spectres ?
  • Existe-t-il une scène énonciative spécifique au discours fantomatique ?
  • Quels sont les liens qui lient le thème du revenant et les figures discursives de la répétition ?
  • Existe-t-il un langage qui serait propre à l’invocation et à la conjuration des fantômes dans telle ou telle pièce ?
  • Quelle est la situation du discours du revenant, entre silence et logorrhée ?
  • Comment le langage du mort peut se transmuer en mort du langage ?
  • Quels sont les dispositifs scéniques employés, par tel metteur en scène qui monte telle pièce, pour mettre en réseau des éléments si hétérogènes – êtres visibles et invisibles, audibles et inaudibles, présents et absents, ici et là, en chair et en os et ectoplasmiques – en vue de figurer la spectralité ?
  • En quoi une hybridation des formes (théâtre, cinéma, musique, arts plastiques…) permet-elle au spectateur de saisir et de se dessaisir d’une hybridation ontologique des êtres (le spectre, le fantôme) que lui soumet une pièce de théâtre ?

Nous invitons les chercheurs à proposer des communication incluant un titre, un résumé et une référence institutionnelle (200-250 mots, mots-clés inclus), ainsi qu’une mini bio-bibliographie (5 lignes) simultanément aux adresses suivantes (document Word ou PDF , identifié par le nom propre du communiquant) :

raymond.michel14@gmail.com

petitjean.andre2@gmail.com

Calendrier

Envoi des propositions de communication au plus tard le 15 avril 2016.

Retour des avis du comité scientifique : 30 mai  2016.

Colloque : les 3,4 et 5 (matin) novembre 2016 – Cloître des Récollets, Metz (5700).

Publication du colloque : 2° semestre 2017.

Informations complémentaires 

  • Comité scientifique

 Anne-Françoise Benhamou (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) ; Christophe Bident (Université de Picardie) ; Christian Biet (Université de Paris- Ouest-Nanterre) ; Yannick Butel (Université de Picardie) ; Montserra Cots ( Universidat Pompeu Fabra, Barcelone, Espagne) ; Galyna Dranenko (Université de Tchernivtsi, Ukraine) ; Jean-Paul Dufiet ( Université de Trento,Italie) ; Eric Eigenmann (Université de Genève,Suisse) ; Clare Finburgh (Universiy of Kent, Angleterre) ; Beki Haleva (Université technique de Yildiz, Turquie) ; Françoise Heulot-Petit (Université d’Artois) ; Marie-Claude Hubert (Université de Provence) ; Anna Jaubert (Université de Nice-Sophia Antipolis) ; Françoise Lavocat (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) ; Dina Mandcheva (Université de Sofia, Bulgarie) ; Alain Rabatel (Université de Lyon 1) ; Sylviane Robardey-Eppstein (Université d’Uppsala, Suède) ; Jean-Pierre Ryngaert (Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3) ; Marie Scarpa (Université  de Lorraine) ; Aphrodite Sivetidou ( Université de Thessalonique, Grèce) ; Frédérique Toudoire-Surlapierre (Université de Haute-Alsace) ; Chistophe Triau (Université de Paris- Ouest-Nanterre) ; Alain Viala ( University of Oxford, Angleterre) ; Witold Wolowski (Université Jean-Paul II de Lublin, Pologne).

  • Comité d’organisation 

Raymond Michel (Université de Lorraine, CREM, Praxitexte), André Petitjean ((Université de Lorraine, CREM, Praxitexte).

·      Frais d’inscription

80 € pour les enseignants, 30 € pour les doctorants (incluant le prix du volume des actes).