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Ágape. Del Amor en el patrimonio literario /Agapè. De l’Amour dans le patrimoine littéraire

Ágape. Del Amor en el patrimonio literario /Agapè. De l’Amour dans le patrimoine littéraire

Publié le par Marc Escola (Source : Encarnación Medina Arjona)

COLLOQUE INTERNATIONAL

 

Ágape: Del Amor en el patrimonio literario

Agapè: De l’Amour dans le patrimoine littéraire

 

Cuadros, Sierra Mágina, Jaén (10-12 juin 2015)

 

Organisé par le Centre de l’UNED-Jaén, l’Instituto de Estudios Giennenses et par l’Université de Jaén (Espagne).

Contact : emedina@ujaen.es

 

PRÉSENTATION DU COLLOQUE

«On ne transporte la flamme qu’en brûlant » (Quignard, Abîmes)

À la recherche de l’Amour vrai dans la littérature, il nous faut revenir à une dichotomie qui ne limitera pas les sujets des communications puisque, nous le verrons, les frontières de l’amour sont bien perméables, mais qui précisera l’objectif de la rencontre qui se tiendra à Cuadros (Parc naturel de Sierra Mágina, Jaén).

L’origine du terme agapè confisque son usage exclusif  à un amour qui s’établi sur le socle de l’éradication du désir d’éros (Nygren, Érôs et agapè). Agapè, une entité divine et antinomique à la force du désir et à l’appétit de l’objet convoité par éros, se développe, au cours de l’histoire et des textes, dans les multiples formes de recherches et d’expression de l’Amour vrai.

Au cours des siècles le fondement de cet amour reste inamovible, mais doit se répandre, à partie de l’être aimant,  entre les prochains, sur l’humanité. L’être désintéressé peut posséder et garder ce que Jankélévitch appelle les vertus de l’intervalle (fidélité, patience, modestie, amitié) ; et les vertus de pointe (humilité, générosité, sacrifice). Et c’est la charité (« Dans cette sublime vertu toutes les vertus sont impliquées ; à cette vertu gracieuse correspond le seul impératif d’aimer. […] L’amour est la cime de la cime, acumen acuminis. L’amour est la vérité et la vie de toutes les autres vertus » (Jankélévitch, Traité des vertus II, tome 2) celle qui crée spontanément de la valeur au prochain.

L’humain, habité par un amour hors du commun,  « réinvente à chaque instant son amour » (Clément d’Alexandrie, Stromates, IV). Le désir affectueux vise l’individu dans son espèce ;  l’amour vise l’Unique, l’ipse, « L’irremplaçable ipséité est la fin en soi de son amant, puisqu’elle est aimée pour rien, pour le plaisir. Ainsi prend tout son sens l’idée fénelonienne d’un amour pur, sans tache ni recherche personnelle » (Jankélévitch).

La communauté où cette manière d’amour se répand, où il existe la « caritas generis humani » -cet amour universel-, reste le lieu de la théorie épicurienne selon laquelle nous devons être disposés envers nos amis exactement comme « erga nosmetipsos » (Ciceron, De amicitia) et où il faudrait aimer l’ami non pas « comme nous-mêmes », mais infiniment plus. Dans cette sorte de société, entre la tolérance –considérée comme neutralité ou observance cérémonielle- et le respect –ce qu’on ressent pour autrui- il existe la positivité de la charité. L’amour vrai, sur le plan social, aurait des implications sur le concept de justice et sur la pensée. L’humain miséricordieux saurait faire écho à l’humble suppliant –ainsi la clémence d’Auguste (Corneille, Cinna). Une société de l’amour vrai, ne craignant pas le bonheur de l’autre, en raison de la générosité des sentiments, va vers la généralité des pensées et la multiplicité qui enrichi le monde. Accueillant toute forme d’existence, sans user de son pouvoir, sa générosité serait aussi hospitalière que le mépris est appauvrissant. « C’est une force tranquille qui ne va jamais jusqu’au bout de ses droits et ne sait pas garder rancune ; puissance contenue, elle ne se lasse jamais d’oublier, telle l’infatigable, l’inépuisable nature qui chaque année refait un printemps comme si la saison de la haine n’avait jamais existé» (Jankélévitch).

Comment se fait l’apprentissage de la charité, de l’amour-cime, de la vertu, lorsqu’il s’agit pourtant d’un amour irrationnel, une sorte d’inspiration créatrice. Sachant que l’amour obéit à des lois plus magiques que rationnelles (Tolstoï, Guerre et paix, II) et que l’amour est incompréhensible (Proust, À l’ombre des jeunes filles en fleurs, t.1), il n’y a d’emblée qu’une condition : « L’amour commence par l’amour » (La Bruyère, Les Caractères, Du cœur). Cependant il faudra apprendre à reconnaître l’opposition de l’humilité à la modestie, de la joie au contentement (Zola, La joie de vivre), du pardon à l’excuse, de l’amour à la justice. Les textes moralistes ont voulu régler l’obscure nudité qui entoure l’amour tout en proposant de préférer les paysages d’austérité à ceux des douceurs pour pouvoir entrer dans « la liberté des âmes détachées ! » (Fénelon, Instructions et avis), mais l’expérience dit à l’être aimant combien la générosité est improvisation, création, génialité, initiative, mouvement intuitif.

Les violences, les absurdités, les élans infondés de l’amour, ce que Jean de la Croix appelle « un no sé qué » (Cántico espiritual) et qui ne répond qu’à l’involonté parce qu’il est captation d’assentiment –enchantement, séduction, charme par la « douce violence de l’amour » (Richard de Saint-Victor, De gradibus charitatis violentae)-, « me espanta a mí más y me desatina » (Teresa de Ávila, Meditaciones sobre los Cantares », « Une chimère soudain brouille l’âme. Le corps se tend pour on ne sait quoi qui n’arrive jamais » (Quignard, Abîmes). Les violences de l’amour vrai s’emparent de l’amant pour l’absorber dans l’objet aimé. Exprimé dans des métaphores léguées à l’amour courtois, puis à la dévotion mystique et au dire des troubadours, on a également chanté l’amour vainqueur (Tourguéniev, Le Chant de l’amour triomphant ; Verlaine, Fêtes galantes) et le révolutionnaire qui liquide le passé (« Fortis est ut mors dilectio » (Cantique des cantiques, VIII, 6) ; Maupassant, Fort comme la mort).

 « […] grisée par la douce fureur que le divin de l’amour verse en elle, l’âme titube et s’abandonne à la folie d’amour » (Platon, Le Banquet). L’amour vrai n’exclut aucunement les griseries qui s’emparent de l’amant et le ravissent à soi. Les vapeurs du « vin herbé », du philtre de Tristan, pourtant  ne suffisent pas à mettre à mal la lucidité, l’autre versant de son ambiguïté. Ainsi, l’âme amoureuse et languissante accepte le chemin vers le délicieux et suave trépas d’amour, le doux incendie –calor, dulcor, canor- (Rolle, Incendium amoris), le don-de-soi, l’ « acumen penetrans » qui s’accompli dans la charité sur cet autre, visée directe de l’intention de l’amant qui accepte la tragédie et l’obstacle (Denis de Rougemont, L’amour et l’Occident).

La difficile tension entre deux principes de l’amour, qui les oppose également dans leur formulation et représentation littéraires,  se résout par l’écriture et la transcription physique (des espaces, des lieux, une écriture mystique, sentimentale, affective, etc.) d’une conception extatique de l’amour (« c’est parce que l’amour est purement conçu comme tenant d’une personne à une personne qu’il est conçu comme extatique, comme violentant les inclinations innées, comme ignorant les distances naturelles, comme une pure affaire de liberté » (Rousselot, Pour l’histoire du problème de l’amour au Moyen Âge). L’expression de l’amour vrai, dans les déclinaisons des œuvres humaines, s’harmoniseraient donc sur les rapports de la nature et de la grâce. « La nature laissée à elle-même devra former un tout harmonieux, et se montrer capable de produire des œuvres vraiment bonnes, le pouvoir de la volonté devra être proportionné à celui de l’intelligence » (Rousselot). Il s’agit de passer hors de soi par l’amour mais aussi par l’intelligence.  Brûler du désir de communiquer et d’écrire, voilà ce que l’amour jaillissant laisse en héritage au patrimoine littéraire mondial puisque « c’est l’amour vrai, et lui seul, qui fait chanter les oiseaux et rend bavards les rossignols » (Rolle, Melos amoris). Le livre d’un amoureux nous intéressera toujours par son énergie («  la parenté de l’amour et de l’art, du désir et du beau » (Crouzet, De l’Amour, Introduction)) et par la forme et le lieu du dire de l’amour.

 

Conférences plénières de Denise Brahimi, Michel Crouzet et Joseph Pérez.

 

Comité scientifique:

Paul Aubert (U. d’Aix-Marseille)

Denise Brahimi (U. Paris Diderot-Paris 7)

Carme Figuerola (U. Lleida)

Hafid Gafaiti (Texas Tech University)

Brigitte Leguen (UNED-Madrid)

Fatima Medjad (U. d’Oran)

Concepción Palacios (U. Murcia)

Encarnación Sánchez (U. degli studi di Napoli L’Orientale)

Ana Clara Santos (U. do Algarve)

Carlota Vicens (U. Illes Balears)

 

Les propositions de communications sont à envoyer à emedina@ujaen.es avant le 15 février 2015.