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Fictions de la Révolution. Part. 2 (Saint-Étienne)

Fictions de la Révolution. Part. 2 (Saint-Étienne)

Publié le par Marc Escola (Source : UJM Saint-Étienne)

Colloque international « Fictions de la Révolution » (Seconde partie)

Depuis quelques années, l’équipe stéphanoise de l’UMR LIRE (actuel IHRIM) a engagé une réflexion de fond sur la mise en fiction de la Révolution française tout au long du XIXe siècle. La parution en 2014 chez « Armand Colin / Recherches » des Romans de la Révolution, 1790-1912, ouvrage collectif co-dirigé par Aude Déruelle et Jean-Marie Roulin, a constitué une étape importante dans ce projet, et plusieurs thèses ont été inscrites dans ce champ de recherche. Élargissant le champ de l’enquête à tous les genres fictionnels (roman, théâtre et poésie), ce colloque international, organisé en partenariat avec le RIRRA 21, sera consacré aux « Fictions de la Révolution, 1790-1912 ».

Le XIXe siècle est fils de la Révolution française, et lui-même siècle des révolutions : l’événement qui l’a fondé est sans cesse repensé et revécu, en mémoire et en acte. L’analyse historique, le débat idéologique sur cette question ont dans cette période des enjeux immédiats ; ils sont étroitement articulés à l’engagement philosophique, politique et social dans le monde contemporain. D’où un recours important aux usages et aux pouvoirs de la fiction : écrire la Révolution française, c’est à la fois élaborer une modélisation pour mieux la comprendre, défendre une position idéologique marquée et se donner des outils (voire des armes) pour agir dans l’espace public.

Ainsi que l’a montré le récent ouvrage collectif Les Romans de la Révolution, 1790-1912, les fictions de la Révolution adoptent souvent une forme romanesque ressentie comme propre à la modernité et comme le support privilégié d’une large diffusion populaire. Elles s’incarnent également sur les scènes théâtrales, chaque fois que la censure et les circonstances politiques l’autorisent ; la Révolution française investit également le domaine poétique, en creux (La Légende des siècles) ou explicitement, chez Chénier, Lamartine, Hugo, Rimbaud et bien d’autres écrivains militants, notamment quarante-huitards (on songe à Joseph Boulmier, dont Vallès célèbre les rimes rouges et les enthousiasmes républicains). C’est à ces écritures fictionnelles (roman, nouvelle, théâtre, poésie) de l’événement qu’on s’intéressera, sans intégrer dans notre corpus les mémoires ou les textes historiographiques qui pourront faire l’objet par la suite d’un prolongement de la réflexion. La périodisation adoptée, 1790-1912, couvre l’ensemble d’un « grand » XIXe siècle où le débat républicain reste inséparable du questionnement sur la Révolution française.

Contemporaines de l’essor du drame romantique et du triomphe du roman historique en France, les fictions de la Révolution élaborent une poétique de l’histoire en perpétuel dialogue avec les genres dont elles participent. La mise en intrigue, le système des personnages, l’esthétique épique et/ou pathétique élaborent un ensemble de lieux communs, continuellement déplacés ou reconfigurés ; plus radicalement, les choix narratifs, l’agencement de la fable, les références intertextuelles interrogent et problématisent la vision de l’histoire mobilisée par chacune des œuvres. Ces dispositifs incessamment remaniés permettent d’articuler œuvre historique et fiction d’actualité : représenter la Révolution, c’est produire un discours socio-historique sur le présent.

L’enjeu est majeur, puisque les fictions de la Révolution inventent, diffusent, imposent ou combattent les mythes et légendes qui constituent l’événement dans la mémoire collective. Romans, drames et poèmes sont, de facto, essentiellement politiques quand ils abordent l’événement fondateur dont la lecture détermine l’ensemble des positionnements idéologiques contemporains : la sélection des épisodes, la représentation des personnages (réels ou fictifs), l’orientation axiologique du propos construisent un discours polémique voire militant, la fiction ouvrant sur les interstices ou les envers de l’historiographie – d’où son efficacité critique, mais aussi son potentiel subversif.

Cette capacité de la fiction à poser les questions autrement, en décentrant les perspectives et en désamarrant les discours, explique que la Révolution française s’inscrive parfois comme une ombre portée (on songe à Une histoire sans nom), ou un hors-cadre vers lequel obstinément l’intrigue fait signe. En 1859, la préface de La Légende des siècles annonce « des empreintes successives du profil humain, de date en date, depuis Ève, mère des hommes, jusqu’à la Révolution, mère des peuples » – alors que le recueil engloutit dans une ellipse toute évocation de la période révolutionnaire, tout en se prolongeant chronologiquement jusqu’au XXe siècle. La poétique du détour permet aussi de problématiser à nouveaux frais des questions aussi brûlantes que celles de la violence politique, ou du rapport entre civilisation et barbarie – ainsi de Salammbô, dont Élémir Bourges, avec Sous la hache, montre la portée métaphorique déjà soulignée par Flaubert dans le débat critique qui suit la parution de l’œuvre. Il arrive qu’à l’inverse, l’évocation directe de la Révolution s’infléchisse sous l’effet d’événements plus récents : « Le Forgeron » de Rimbaud propose un addendum social et pré-communard à la poésie républicaine de Hugo.

 

PROGRAMME

 

Jeudi 6 octobre 2016

IMAGINAIRES DE LA RÉVOLUTION

13h30 - Accueil
Jean-Marie Roulin (UJM Saint-Étienne) : Introduction.

Présidence : Corinne Saminadayar-Perrin

14h00 - Jacob Lachat (Université de Lausanne) : Conjectures sur la Révolution : prédictions romanesques et imagination historique dans les années 1790.

Christelle Bahier-Porte (UJM Saint-Étienne) : Les Contes de la Révolution.

Lucien Derainne (UJM Saint-Étienne) : « Est-ce une réalité, est-ce une chimère ? » La Révolution et l'idée de fiction dans Le Nouveau Paris de Louis-Sébastien Mercier.

16h00 - Pause

16h30 - Paule Petitier (Université Paris Diderot-Paris 7) : Intrigue sentimentale et récit de la Révolution.

Vincent Bierce (ENS de Lyon) : Fictions balzaciennes de l’Histoire à l’envers, ou comment effacer la Révolution.

 

Vendredi 7 octobre 2016

RÉCIT DE LA RÉVOLUTION ET IDÉOLOGIE

Présidence : Paule Petitier

9h30 - Olivier Ritz (Université Paris Diderot-Paris 7) : Écrire « l’abîme des révolutions ».

Aude Déruelle (Université d’Orléans) : Les massacres de Septembre à travers l’histoire et la fiction.

11h00 - Pause

11h30 - Franck Laurent (Université du Maine) : Fictions religieuses de la Révolution française chez Victor Hugo (La Fin de Satan, etc.).

Corinne Saminadayar-Perrin (Université Paul-Valéry Montpellier 3) : Fanatisme. Anatole France, Les Dieux ont soif.

 

MOURIR SUR SCÈNE

Présidence : Sophie Lucet

14h30 - Paola Perazzolo (Università di Verona) : L’héroïsation des jeunes martyrs dans les « faits historiques ».

Maurizio Melai (Université Paris-Sorbonne) : « Mais l’œuvre est immortelle, et les hommes nouveaux, / Maudissant les acteurs, béniront les travaux. » Le personnage de Charlotte Corday dans le théâtre post-révolutionnaire.

Claude Millet (Université Paris Diderot-Paris 7) : La Révolution vue de 1835 : La Berline de l'émigré, drame en cinq actes de Mélesville et Hestienne.

16h00 - Discussion générale

17h00 - Fin du colloque