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Design, art et narration à l'heure des expériences interconnectées

Design, art et narration à l'heure des expériences interconnectées

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Denoual Fabienne)

Appel à communications

Colloque "Design, art et narration à l'heure des expériences interconnectées". 

Date de la manifestation : Les 10, 11 et 12 octobre 2013

Université Toulouse 2 - Le Mirail - Laboratoire Lettres, Langages, Arts (LLA CREATIS)

Evènement accueilli par l'Auditorium du Musée des Abattoirs

Argumentaire

 

Ce colloque a pour principal objet d’explorer la relation que les pratiques visuelles d’art et de design entretiennent avec la narration dans un contexte de plus en plus influencé par le web 2.0. Il émerge donc du désir de comprendre comment, à l’heure des expériences interconnectées, ces pratiques investissent la question du récit. Il s'agira moins de saisir ce sur quoi portent les narrations contemporaines, que d’observer comment, chemin faisant, un contenu se construit, raconte et se raconte ? Comment le développement du web social impacte sur les pratiques visuelles, qu’elles soient plastiques ou appliquées ? Comment il les conduit à interroger la fonction et la forme des récits ? Ce colloque cherchera à croiser différentes approches telles l’histoire et la théorie des arts et du design, les cultures numériques, l’esthétique, l’anthropologie, la philosophie, dans la perspective de percer ces nouveaux enjeux dans des domaines de création aussi divers que : le design multimédias, l’art vidéo, le cinéma, la photographie, mais aussi la littérature et l’édition. 

Le web social est une sphère dialogique en mouvement où le texte et l’image s’instillent dans la dynamique des liens, redessinant les contours du récit. Textes et images s’y produisent ou s’y co-produisent, y circulent, s’y échangent, s’y interconnectent, s’y augmentent, donnant forme à une esthétique métastable, c’est-à-dire capable de métaboliser les contributions de chacun. Ainsi ils remettent en cause de manières fondamentale et profonde tous les éléments constitutifs de la vision analogique, ou pré-numérique du monde qui articulait : création, médiation et réception. Cette chaîne a perdu sa linéarité et sa finitude pour se mettre à évoluer sur un régime d’agencement plus complexe où les rôles de producteur et de récepteur s’échangent, où l’œuvre est active, et donc perpétuellement en progression.

Amazon envoie des mails aux clients pour les informer des mises à jour du texte d’un livre dont ils ont acheté le fichier, remettant en cause la « stabilité textuelle » pour reprendre l’expression de l’historien Robert Darnton. Les séries américaines, les œuvres cinématographiques, les vidéos amateurs sont disponibles en streaming, en téléchargement payant ou piraté, s’échangent de personne à personne (P2P). Les écritures textuelle, photographique et vidéographique s’expérimentent et se diffusent aussi bien sur des réseaux sociaux tels que Twitter, Facebook, You Tube ou Dailymotion, que sur des sites, blogs ou wikis. Les supports de lecture se multiplient, hier, l'ordinateur en réseau, aujourd'hui, les tablettes, les smartphones et les liseuses ; et les modèles économiques d'édition foisonnent. Tout cela modifie non seulement nos expériences de réception, mais également nos modes de conception et de production. Comme le souligne François Bon : « Le monde nouveau est un monde de fragments juxtaposés, indéfiniment recomposables, sans que soit nécessaire ou désirée la compréhension de la relation qui inscrit ces fragments dans l’œuvre dont ils ont été extraits. » 

Nicolas Bourriaud parlait déjà d’une logique de « post-production » en faisant référence à des artistes qui réexpérimentaient, dans les années 1990, des produits culturels finis et notamment des films comme 24 Hour Psycho de Douglas Gordon, Atlantic de Pierre Huyghe, ou encore Invisible Psycho de Melik Ohanian. On peut également penser au film français La Classe américaine ou Le grand détournement, écrit et réalisé par Michel Hazanavicius et Dominique Mézerette, et diffusé en 1993 sur Canal +, principalement composé d'extraits de films de Warner Bros montés et doublés afin de créer un film inédit. 

Aujourd’hui, cet art de la « post-représentation » s’effectue également à partir de contenus postés sur internet. On peut ici se référer au film récent Les fleurs du mal du cinéaste David Dusa qui juxtapose vie fictive et vidéos « véridiques » saisies et postées sur You Tube durant les protestations étudiantes iraniennes de 2009, au projet littéraire In progress de Christine Jeanney qui écrit à partir de photographies postées par des internautes, Des_Frags (2000-2008) de l’artiste français Reynald Drouhin qui compose des mosaïques à partir d’une multitude d’images collectées par des internautes sur des moteurs de recherche, ou encore au projet Star Wars Uncut, remake du premier épisode de La guerre des étoiles initié par Casey Pugh dont chaque scène a la particularité d’être recréée par des internautes venus du monde entier. Comme le dit l’artiste Philippe Pareno « La collaboration est une chose très importante […] elle amène à un certain niveau de complexité, de paradoxes, d’antagonismes, de compromis ; elle a une capacité de production propre, une puissance ». Et cette puissance collaborative est décuplée avec les outils et hypermédias du web. Le roman d’Arnaud en est un nouvel exemple. Les auteurs Jean-François Gayrard, Gwen Catala, Christophe Sanchez l’envisagent comme un « roman 2.0 » qui propose au lecteur de participer à l’évolution d’une intrigue qui se déploie sur un mode performatif, presque en direct durant 40 jours et 40 nuits sur une page Facebook dédiée ou sur Twitter. Via un livre numérique disponible gratuitement, en téléchargement, sur l’AppStore, il y a également le « roman feuilleton » participatif de l’écrivain William Rejault. L’expérience du Général Instin, fiction collective initiée par Patrick Chatelier.

Ces nouvelles narrations qui essaiment pour, par et avec internet, et qui ne pourraient exister ni se déployer ailleurs que sur le web, ont également pour effet de renforcer la prédominance du régime conceptuel et de la mise en scène de l’idée, du code et du programme informatique. Effectivement, il n’existe pas de dispositif de réception numérique qui ne nécessite un travail important de la pensée créative, intellectuelle et technique. C’est-à-dire encore qui ne tienne compte à part égale des enjeux conceptuels et représentationnels de son processus de construction. C’est particulièrement visible à travers le projet de livre audio pour iphone intitulé Fréquences. Ce dernier est né de la rencontre de Célia Houdard, metteur en scène et auteur, d’André Baldinger, graphiste et concepteur visuel, de Sébastien Roux, compositeur et de Martin Blum, designer interactif. Ils ont imaginé ensemble la diffusion d’un texte à mi chemin entre une fiction radiophonique, un « petit cinéma lettriste », et un livre électronique. On pense évidemment aux éditions volumiques du designer graphique Etienne Mineur et du développeur multimédia Bertrand Duplat, qui retournent au livre en mélangeant papier et jeu vidéo, en l’équipant de capteurs, de cartes Arduino, d’accélérateurs, d’encres thermosensibles, etc. Au récent dispositif théâtral Writing spaces du metteur en scène Eli Commins et du plasticien Stéfane Perraud dans lequel les spectateurs, équipés de tablettes tactiles, naviguent dans le récit et peuvent intervenir sur le déroulement de la pièce. A la confluence entre l’interface du cinéma interactif, des jeux vidéo et de l’internet, les designers réinventent les mises en scène et les modes de relations au texte, aux images et au son. Leur rôle est de donner sens, d’incarner visuellement et interactivement le texte. L’œuvre n’est jamais la même lorsqu’elle s’inscrit dans telle ou telle forme. Elle porte à chaque fois une signification différente. 

Parallèlement à ces « études de cas », il conviendra aussi de s’interroger sur la notion de narration en elle-même, telle qu’elle se spécifie dans les divers champs disciplinaires où elle apparaît, et notamment dans ceux de la littérature, de la photographie, de la vidéo et du cinéma. Cette enquête pluridisciplinaire permettra de mieux comprendre les mutations aujourd’hui essuyées par la narration qui, comme le souligne Jean Clément, d’« un objet fermé et porteur de la totalité de son sens [est] entré dans l’ère de l’intertexte, de la déconstruction et des lectures plurielles. » 

 

VISUAL PRACTICES AND NARRATIONS IN TODAY'S WORLD OF CONNECTED EXPERIENCES

 

This seminar's main purpose is to explore the relations between visual practices of art and design and the concept of narration, in our context more and more influenced by the Web 2.0. It is born form the desire to understand how, in a world of connected experiences, these visual practices interact with stories, as well as question them. More than getting what contemporary narrations are about, this seminar will observe how, along their own way,  contents are built, told, and received. How does the development of a social Web affect visual practices, wether they are art or design ? How does it make them question the shapes and intentions of stories ? This seminar will  try to cross references and approaches such as art and design history and theory, digital cultures, aesthetic, anthropology and philosophy, in order to to unveil new issues in various fields of creation like multimedia design, video art, cinema, photography, as well as literature and edition. 

 

The social Web is a perpetually moving dialogical sphere where text and pictures are linked and dynamically connected, where they are produced or coproduced, circulating, exchanging, bonding, growing, therefore redesigning the outlines of stories and giving birth to a metastable aesthetic, which adapts its shape around every contribution and change. Every element from the analogical and pre-digital point of view that pieced together creation, mediation and reception is now fundamentally questioned and reconsidered. The usual chain has lost its linearity and end, evolving in several complex layouts where the roles of producer and receiver are mixed up, where the creation is living, active, and always increasing.

 

Amazon sends e-mails to its client, informing them of changes and updates made in digital books they bought, shaking what historian Robert Darnton calls "textual stability". TV shows, films, amateurs' videos are available on streaming, they can be bought on line or illegally downloaded, exchanged from peer to peer. Textual, photographic, video, and other types of writing are experimented and broadcast on many social networks, such as Twitter, Facebook, YouTube and Dailymotion, and also on websites, blogs or wikis. Reading supports multiply themselves : yesterday, we had computers, today, we have tablets, smartphones and readers ; new economical structures in edition are born and multiplied. All of this changes not only our reception and reading experiences, but also our conception and production habits. As François Bon says : "The new world is made of piled fragments that you can indefinitely combine with each other, without the comprehension of the link uniting them in the work they are from being wanted or necessary." Nicolas Bourriaud already referred to a "post-production" logic while speaking of artists in the 1990's who experimented and reused cultural products, such as movies like Douglas Gordon's 24 Hour Psycho, Pierre Huyghe's Atlantic, or Melik Ohanian's Invisible Psycho. We can also think of French film La Classe américaine or Le grand détournement, written and directed by Michel Hazanavicius and Dominique Mézerette, and mainly composed by extracts from Warner Bros movies that were rearranged and relined in order to create an original work and storyline.

 

This "post-presentation" art is today also accomplished from pieces of Internet contents. We can here refer to the recent film Les Fleurs du mal by David Dusa, juxtaposing fictional life with "real" videos of 2009 Iranian students protestation taken from YouTube ; to Christine Jeanney's literary project called In Progress, in which she writes from photographs posted by Internet users ; to Des_Frags (2000-2008) by French artist Reynald Drouhin, who creates mosaics from pictures found by Internet users on research engines ; to the project Star Wars Uncut, a remake of the first episode of Star Wars, started by Casey Pugh, from which every scene is re-made by Internet users from all over the world. As said by artist Philippe Pareno : "Collaboration is important […] it brings you to a certain level of complexity, paradoxes, antagonisms, compromises ; it has its own capacity of production, its own strength." And this collaborative strength is multiplied with the Web tools and hypermedias. Le Roman d'Arnaud is another example. Its authors, Jean-François Gayrard, Gwen Catala and Christophe Sanchez, see it as a "novel 2.0", offering its readers to participate in the evolution of a plot deploying on a performative mode, almost in live during 40 days and 40 nights, on a Facebook or Twitter page of its own.

 

These new types of narration swarming on, thanks to, and for the Internet, that only exist and grow on the Web, also reinforce the predominance of the conceptual regime and the staging of ideas, of computer codes and programs. Indeed, there is no digital reception device that doesn't require an important amount of work from a creative, intellectual and technical spirit, that considers equally the conceptual and representational issues of the building process. This is shown in the project called Fréquences, an audio and digital book presented as an app for iPhones, born from the gathering of writer Celia Houdart, graphic designer André Baldinger, composer Sébastien Roux and interactive designer Martin Blum. Together, they imagined the distribution of a text swinging between a radio fiction, a "small cinema of letters", and a digital book. At the junction between the interfaces from interactive cinema, video games and Internet, designers reinvent the relations and connections between text, pictures and sounds. Their role is to give the text a meaning, both visual and interactive. One work is not the same, depending on the shape its takes, each time bearing a new and different signification. 

 

In parallel of these "case studies", this seminar will also question narration on its own, for what it stands for in the various fields in which it takes place, especially in literature, photography, video and cinema. This multidisciplinary investigation will allow to understand in a better way the changes that narration undergo today, as narration is, says Jean Clément, "from a closed object, bearing all of its own meaning, [..] entering in the era of intertext, deconstruction and multiple readings."

 

Modalités

 

Date limite d'envoi des propositions de communication : 15 mars 2013. 

Date de réponse du comité : 30 avril 2013.

Responsable scientifique : Fabienne Denoual 

FORMULAIRE DE PROPOSITION DE COMMUNICATION

NOM et PRÉNOM :

INSTITUTION DE RATTACHEMENT :

ADRESSE :

COURRIEL :

TITRE DE LA COMMUNICATION (OU TITRE DE LA SESSION SUIVI DES TITRES DE CHAQUE COMMUNICATION) :

FORMAT DES PROPOSITIONS : les propositions ne doivent pas dépasser 250 mots, en format Word, 12 points. Vous êtes invités à n’ajouter que les cinq références les plus significatives en relation avec vos travaux et à formuler cinq mots clés.

Faites parvenir votre proposition par courriel à Fabienne Denoual : f.denoual@lobodog.net