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Colloque Bernardin de Saint-Pierre

Colloque Bernardin de Saint-Pierre

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Université de La Réunion)

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE ET L'OCEAN INDIEN

COLLOQUE INTERNATIONAL


Université de La Réunion
30 novembre – 4 décembre 2009


Longtemps inaccessibles, les écrits de Bernardin revivent depuis peu à travers des publications partielles (les Etudes de la Nature par Colas Duflo, la Correspondance par Malcolm Cook et son équipe), en attendant peut-être une nouvelle édition des Oeuvres complètes susceptible de remplacer celle d'Aimé-Martin. Après divers colloques « généralistes » embrassant dans leur ensemble la vie et l'oeuvre de Bernardin de Saint-Pierre, le temps paraît venu d'explorer des aspects plus spécifiques, en l'occurrence ceux qui se rattachent au voyage de l'auteur dans l'océan Indien, épisode capital pour l'écrivain mais aussi pour l'histoire des représentations collectives.
Son séjour à l'île de France n'a guère excédé deux ans (juillet 1768-novembre 1770), sa visite à l'île Bourbon a été encore plus brève (novembre-décembre 1770), de même que son escale au Cap (janvier-mars 1771). Pourtant une grande partie de l'oeuvre à venir procède de ce périple, à commencer par le Voyage à l'île de France (1773), premier livre publié par l'auteur, et bien sûr celui qui a assuré sa notoriété, Paul et Virginie (1788).
Mais ces écrits directement tributaires du séjour dans l'océan Indien s'inscrivent dans un ensemble qui en prolonge les échos bien au-delà. Jusqu'en 1796 au moins Bernardin accumule les matériaux (partiellement recueillis dans l'édition critique de Robert Chaudenson) en vue d'une seconde version considérablement augmentée de la relation de 1773. Quant à la pastorale exotique de Paul et Virginie, elle s'insère dans une série de projets d'implantations coloniales, de fictions utopiques et de plans de communautés idéales aboutissant au manuscrit inachevé de L'Amazone, publié par Aimé-Martin dans les Oeuvres complètes posthumes. L'île de France étant à l'époque la base arrière de l'Inde française, c'est aussi au séjour de 1768-70 qu'il faut rapporter l'intérêt de l'auteur pour le monde indien, évoqué dans le conte philosophique La Chaumière indienne (1790) ou dans le manuscrit inédit de l'Histoire de l'Indien. Et, comme le montrent les nombreuses références « indianocéaniques » des Etudes de la Nature (1784) et des Harmonies posthumes, l'oeuvre philosophico-scientifique n'aurait pas été la même sans ce voyage et peut-être n'aurait pas existé : c'est à l'île de France, au contact de l'Intendant Pierre Poivre, que Bernardin commence à s'intéresser aux sciences de la nature, dans un contexte humain où l'activité scientifique est intense (on y trouve des savants de premier plan comme Le Gentil de la Galaisière, Céré, Fusée-Aublet, Commerson, Rochon, Sonnerat…) et dans un environnement naturel où l'exotisme de la flore et de la faune crée les conditions d'un renouvellement du regard. Après son retour à Paris, son intérêt persistant pour la zone se manifestera notamment par la lecture attentive des voyageurs, qui nourrira sa « philosophie de la Nature ».
Sur un plan différent, un autre champ de recherches est ouvert par la réception in situ de l'oeuvre de Bernardin en contexte colonial, par l'étude du rôle qu'a pu jouer Paul et Virginie dans la constitution d'une identité régionale (notamment mauricienne) et plus généralement d'un « imaginaire créole », par l'analyse enfin de la valeur d'hypotexte fondateur conférée au roman dans les littératures francophones des Mascareignes, voire chez les « romanciers de l'entre-deux mondes » comme Loys Masson (Les Noces de la vanille) ou Le Clézio (Le Chercheur d'or). Beaucoup se sont déjà intéressés au rôle du roman dans l'élaboration d'un exotisme tropical associé à un nouveau sentiment de la nature et à une esthétique descriptive tributaire des codes du néo-classicisme, mais aussi annonciatrice du romantisme. Les adaptations, transpositions, réécritures et parodies de Paul et Virginie ont également été étudiées. Mais ces pistes ont leur place dans le cadre du colloque lorsque le sujet est thématiquement lié à l'océan Indien (Indiana de G. Sand par exemple).
Une approche pluridisciplinaire s'impose donc. On souhaite notamment la participation des historiens (histoire de l'océan Indien, histoire culturelle, histoire des sciences, histoire de la colonisation et de l'esclavage) au même titre que celle des littéraires s'intéressant aux relations de voyages, aux représentations coloniales, aux littératures émergentes. On retiendra particulièrement les axes suivants :

1. Aspects biographiques du voyage de Bernardin dans l'océan Indien. Dans quelles circonstances a-t-il été recruté, nominalement en qualité de capitaine-ingénieur à l'île de France, en réalité pour participer à la tentative coloniale du comte de Maudave à Madagascar ? Pourquoi y a-t-il renoncé ? Quelles ont été au cours de son séjour ses relations avec les élites locales et avec les autorités administratives de l'île, notamment l'intendant Pierre Poivre ? Les activités passées de Bernardin en Pologne (où il fut en relation avec d'autres aventuriers recrutés également par Maudave pour l'expédition de Madagascar) expliquent-elles cette affectation ?

2. Le contexte des « Isles », tant à l'époque du séjour de l'auteur (1768-70) qu'à celle alors déjà lointaine de l'action de Paul et Virginie (1726-1745). Peut-on apporter du nouveau sur la question assez usée des sources anecdotiques du roman (naufrage du Saint-Géran, recherche de la « vraie Virginie ») et surtout sur le rapport à l'espace géographique et à l'Histoire qui en est le véritable enjeu ? Qu'apporte la connaissance de la vie intellectuelle (notamment le rôle des savants), des données sociales (problèmes de l'esclavage et de la traite), de la politique coloniale (fonction des îles au sein du dispositif français dans l'océan Indien, relations avec l'Inde, projets pour Madagascar), de l'économie : les idées physiocratiques de Poivre dans ses Voyages d'un Philosophe ont-elles influencé Bernardin ? Les thèses de ce dernier sur le développement des îles lui sont-elles personnelles ou reflètent-elles une vulgate « éclairée » largement partagée par les bureaux de l'Administration ?

3. Thématiques et représentations de l'océan Indien. Quel a été l'apport de la tradition dans ces représentations ? Bernardin lecteur de relations de voyage (Pyrard de Laval, Flacourt, Leguat, La Caille, etc.). Que penser des clichés qui font de Bernardin le créateur de l'exotisme tropical ? Ne faut-il pas en relever aussi les ambiguïtés : enchantement et désenchantement du voyage, rêverie de l'ailleurs et rêverie du retour ? Le voyage à l'île de France a-t-il joué un rôle dans la constitution de la pensée scientifique et philosophique de Bernardin ? La question vaut-elle aussi pour sa pensée politique ? Est-il ou non abolitionniste ? Peut-on parler à son sujet d'anticolonialisme ? Ou bien s'agit-il plutôt de définir un autre modèle de colonisation ? Bernardin lecteur de l'Histoire des deux Indes et correspondant de Brissot : ses rapports avec la Société des Amis des Noirs.

4. Echos et prolongements dans l'oeuvre. Le projet avorté de réédition augmentée du Voyage à l'île de France : chronologie, structure, causes de l'échec. Les utopies coloniales : le projet de L'Amazone est-il une réponse à l'expérience vécue ? Les rêveries politiques relatives à Madagascar et aux Mascareignes : le mythe de Bourbon. La vision de l'Inde dans La Chaumière indienne et l'Histoire de l'Indien. Présence de l'océan Indien dans les Etudes et les Harmonies.

5. Echos et prolongements hors de l'oeuvre. La réception des écrits de Bernardin dans les Mascareignes : réactions et échos sur place à la publication du Voyage. La réfutation de Thomi Pitot. Prolongements du Voyage dans la littérature viatique (Milbert, Brunet, Bory de Saint-Vincent, etc.). L'image de Bernardin chez les historiens et dans l'opinion à l'île Maurice aux XIXe et XXe siècles. Le mythe de Paul et Virginie aux Mascareignes : de la constitution d'une identité mauricienne à la contestation du modèle. Ambiguïté du mythe : nostalgies coloniales ou fondement d'un imaginaire créole ? Réécritures, déplacements et réinvestissements dans les littératures européennes du XVIIIe au XXe siècle (voir les ouvrages de H. Hudde et M. Guglielmi).

N.B. : On veillera dans le choix du sujet à maintenir le lien thématique avec l'océan Indien.

Le colloque, organisé par le Centre de Recherche Littéraires et Historiques de l'Océan Indien (CRLHOI), se tiendra à l'île de La Réunion du 30 novembre au 4 décembre 2009.

Contacts :
Marie-Françoise BOSQUET (bosquet@univ-reunion.fr)
Angélique GIGAN (angelique.gigan@gmail.com)
Jean-Michel RACAULT (marie-pierre.riviere@univ-reunion.fr)

Merci de bien vouloir transmettre votre proposition (une quinzaine de lignes) aux trois adresses ci-dessus.