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Colloque "André Gide et les femmes" (Québec)

Publié le par Perrine Coudurier (Source : Patrick Bergeron)

Colloque "André Gide & les femmes" (Québec)

Jeudi 12 & vendredi 13 novembre 2020

 

La question de l’identité sexuelle occupe une place centrale dans l’oeuvre d’André Gide, dont la vocation artistique est née du sentiment de n’être « pas pareil aux autres ». Dans une société qui condamnait l’homosexualité au nom de la morale comme de l’hygiène sociale, une telle quête d’identité ne pouvait passer que par une remise en question méthodique, d’abord secrète, ensuite explicite, du discours social de l’époque, qui dépasse d’ailleurs le cadre de cette oeuvre. Une telle entreprise critique impliquait en effet pour Gide une réévaluation complète des normes et des représentations de l’époque. En sapant les fondements de la domination liée à l’orientation sexuelle, elle prend du même coup une valeur à la fois plus générale et plus radicale : elle interroge aussi la représentation de la femme comme son statut dans la société, d’abord indirectement, puis frontalement, avec la trilogie de L’École des femmes

Des Cahiers d’André Walter, oeuvre de jeunesse écrite pour convaincre « Emmanuèle » (sa cousine Madeleine) de l’épouser, à Et nunc manet in te, en passant par Isabelle et la trilogie de L’École des femmes, la figure féminine est en tout cas omniprésente, quel que soit le genre pratiqué. Trop souvent et trop rapidement ramenée à la problématique notation du Journal (« Les plus belles figures de femmes que j’ai connues sont résignées », écrit-il en 1907), la représentation gidienne de la femme est cependant plus complexe que ne peut le laisser penser une première lecture de son oeuvre : sans échapper ni à l’idéalisation (en particulier dans les oeuvres de jeunesse), ni à la caricature (par exemple dans les pièces de théâtre), la représentation de la femme gagne en densité et en ambivalence, au fur et à mesure que se développe l’entreprise gidienne de falsification des valeurs et de remise en question des normes morales et sexuelles de son temps, peut-être aussi en raison de l’influence exercée sur Gide par un certain nombre de femmes de son entourage avec lesquelles il a pu nouer des relations profondes et complexes (la Petite Dame, Elizabeth Van Rysselberghe, Dorothy Bussy, puis Catherine Gide, notamment). Bien plus, des personnages comme Angèle (des Lettres), Marguerite (dans Les Faux-Monnayeurs) ou Geneviève (dans le récit éponyme) ont pu amener la critique, parfois à la suite de l’écrivain lui-même, à considérer qu’il existait un féminisme gidien. 

Diverses perspectives s’offrent ainsi à notre investigation des rapports gidiens avec les femmes (personnages, amies, écrivaines) : 

Formes et enjeux de la représentation de la femme dans l’oeuvre de Gide

Comment Gide représente-t-il la femme, dans ses fictions en particulier ? Dans quelle mesure sa représentation du féminin reprend-elle certaines traditions littéraires (notamment l’idéalisation voire la sacralisation de la femme), et pourquoi ? Ses représentations reposent-elles sur l’idée d’une certaine « nature féminine » ou tiennent-elles compte de la singularité des êtres représentés ? Peut-on parler de « types féminins », voire d’« éternel féminin » chez Gide ? Une attention particulière pourra être accordée à la représentation du discours féminin : comment Gide restitue-t-il et représente-t-il la parole des femmes ? Il s’agira de s’intéresser 

tant aux dispositifs narratifs qu’au style des discours féminins. Gide différencie-t-il le discours en fonction du genre ? Pour le dire autrement, peut-on considérer qu’il existe un « parler féminin » dans l’oeuvre de Gide ? 

L’évolution de la place de la femme dans l’oeuvre de Gide

Comment évolue la place occupée par la figure féminine, des premières oeuvres aux dernières ? À quoi cette évolution tient-elle ? Bien plus, comment Gide modèle-t-il, au fil de l’écriture de chaque oeuvre, la place de la femme ? Les études génétiques susceptibles d’éclairer le devenir des personnages féminins sont particulièrement bienvenues. 

Les liens de Gide avec les écrivaines (antérieures ou contemporaines)

Si les écrivains ont souvent regardé avec méfiance les écrivaines de leur temps (l’on pense aux propos mesquins tenus par Flaubert et Nietzsche, par exemple, à l’encontre de George Sand, considérée comme une « vache à écrire »), qu’en est-il de Gide ? Lit-il, critique-t-il l’écriture féminine ? Dans quelle mesure sa lecture de Mme de Staël, de Marie Bashkirtseff, ou d’Emily Dickinson est-elle marquée au sceau du genre ? Inversement, quel regard et quel discours posent sur Gide et son oeuvre les écrivaines qui lui sont contemporaines ? Quelle place occupe-t-il dans les projets littéraires des écrivaines de l’époque ? Est-il évoqué comme une référence en regard d’un projet d’écriture féminin ? 

Gide et la conscience féministe de son temps

Quel regard Gide porte-t-il sur les débats féministes qui agitent son temps, en France (l’on pense ici à la première vague féministe, qui revendique le droit de vote, mais aussi de meilleures conditions de travail et d’éducation pour les femmes et les filles dès la fin du XIXe siècle) comme à l’étranger (au-delà de l’influence exercée par la fréquentation des Strachey en Angleterre) ? Comment accueille-t-il les premières oeuvres féministes ? 

Bibliographie indicative 

Fawcett Peter, « “Le portrait de cette âme de femme” : Alissa dans La Porte étroite », in Lectures d'André Gide. Hommage à Claude Martin, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1994, p. 95-108. 

Goulet Alain, « Le corps fantasmé de la femme dans les fictions gidiennes », in R. Behrens, R. Galle (éds.), Menschengestalten : Zur Kodierung des Kreatürlichen im modernen Roman, Würzburg, Königshausen und Neumann, 1995, p. 71-82. 

Lanoix Francine, Le Rôle de la femme dans les oeuvres de jeunesse d’André Gide, mémoire de maîtrise, Université Mc Gill, 1970, disponible à l’URL : https://www.andre-gide.fr/images/Ressources-en-ligne/Approche-transversale/memoires/Le-role-de-la-femme-dans-les-oeuvres-de-jeunesse-dAndre-Gide-.pdf 

Legrand Justine, « Au nom du père, du fils et de la femme : aux origines des études de genre dans Les Faux-monnayeurs », Babel, n° 24, 2011, p. 301-319, disponible à l’URL : http://journals.openedition.org/babel/197. 

Legrand Justine, « André Gide : un des pères fondateurs des études de genre ? », Actes du congrès « Études de genre à l’ère de la mondialisation », Bucarest, Roumanie, juin 2011, Addleton Academic Publisher, novembre 2011. 

Marty Éric, « L’École des femmes », in Texte, Théâtralité, Mélanges offerts à Jean Claude, Nancy, Presses Universitaires de Nancy, 2000. 

Pérez Ponce Marsha Malone, La Femme dans l’oeuvre d’André Gide, mémoire de master, University of Arizona, 1968, disponible à l’URL : https://repository.arizona.edu/bitstream/handle/10150/318031/AZU_TD_BOX38_E9791_1968_10.pdf;jsessionid=6BE964195BE127EE4326CFF00B562134?sequence=1 

Sagaert Martine, « Femmes-féminisme », in P. Masson et J.-M. Wittmann (éds.), Dictionnaire Gide, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 155-156. 

Sagaert Martine, « L’Écrivain, la mère et le malin » [sur Les Faux-Monnayeurs d’André Gide], Bulletin des Amis d’André Gide, n° 98, avril 1993, p. 163-188. 

Van den Berkhof van Kockenger Christine, Les Personnages féminins dans l’oeuvre romanesque d’André Gide, mémoire de maîtrise, Université Mc Gill, Montréal, 1979, disponible à l’URL : https://www.andre-gide.fr/images/Ressources-en-ligne/Approche-transversale/memoires/Les-personnages-fminins-dans-loeuvre-romanesque-dAndr-Gide-.pdf 

Wittmann Jean-Michel, « De l’individualisme au féminisme : la question de la minorité dans la trilogie de L’École des femmes », in J.-M. Wittmann (éd.), Gide ou l’identité en question, actes du colloque international de Metz (Université de Lorraine, mai 2015), Paris, Classiques Garnier, 2017, p. 185-196. 

Date limite pour l’envoi des propositions (250-300 mots) : vendredi 28 février 2020. Veuillez faire parvenir vos propositions de communication avec une notice biobibliographique (100 mots) aux trois membres du comité organisateur : stephanie.bertrand@univ-lorraine.fr, pberg@unb.ca et Francois_Ouellet@uqac.ca. 

Comité organisateur 

En France : 

Stéphanie Bertrand (Université de Lorraine) 

Au Canada : 

Patrick Bergeron (Université du Nouveau-Brunswick) 

François Ouellet (Université du Québec à Chicoutimi) 

Comité scientifique 

Hélène Baty-Delalande, maître de conférences, Université Paris 7 

Patrick Bergeron, professeur, Université du Nouveau-Brunswick 

Stéphanie Bertrand, maître de conférences, Université de Lorraine 

Pierre Masson, professeur émérite, Université de Nantes 

François Ouellet, professeur, Université du Québec à Chicoutimi 

Martine Sagaert, professeure émérite, Université de Toulon 

Peter Schnyder, professeur émérite, Université de Haute-Alsace 

Jocelyn Van Tuyl, professeur, New College of Florida, Sarasota 

Jean-Michel Wittmann, professeur, Université de Lorraine