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Cocteau sous l'Occupation (Montpellier)

Cocteau sous l'Occupation (Montpellier)

Publié le par Marc Escola (Source : Audrey Garcia, Montpellier 3)

COCTEAU SOUS L'OCCUPATION

Colloque international de Montpellier (17-18 novembre 2016)

Université Paul-Valéry Montpellier / site Saint-Charles, Salle 102

Organisateurs : Jean Touzot (Paris-Sorbonne), David Gullentops (université de Bruxelles), Pierre-Marie Héron (Montpellier 3, IUF), Audrey Garcia (Montpellier 3) avec le soutien de l'Institut universitaire de France

 

PROGRAMME

JEUDI 17 NOVEMBRE 2016

APRES-MIDI

Présidence : Jean Touzot

14h30 Jean Touzot (Paris-Sorbonne) : En guise d’ouverture. Les tribulations d'un journal de guerre

15h  Les tentatives de leadership artistique de Cocteau durant l'Occupation, Audrey Garcia (Montpellier 3)

Mai 1940, la défaite puis le contexte d’occupation allemande induisent une reconfiguration de la société française ainsi qu’une refonte complète des rapports de force au sein du champ littéraire. Tandis que les écrivains consacrés se soucient de conserver leur influence, les jeunes impétrants y voient l’occasion d’occuper une nouvelle position. Jean Cocteau, 51 ans, se voit confronté à une situation inédite qui a pourtant tout d’un « éternel retour » nietzschéen. Pour celui qui a bien connu l’essor des avant-gardes en 1914, il est temps d’occuper une place prépondérante dans cette nouvelle donne artistique. Il s’agira de voir comment le poète, riche de son expérience passée et de sa maîtrise des médias, va tenter d’assurer le leadership artistique durant l’Occupation. Pour ce faire nous nous attacherons à définir la posture adoptée en considérant tour à tour les domaines d’exercice de ce leadership et l’adaptabilité dont Cocteau doit faire preuve au sein d’un champ littéraire hétéronome.

15h45  Esquisse d'une réception de La Machine à écrire, Dominique Carlat (Lyon 2)

Clivages esthétiques, clivages politiques, clivages idéologiques s'entrecroisent dans les articles publiés dans la presse nationale après la première de cette œuvre dramatique. On s'interrogera sur leur importance respective, ainsi que sur les pratiques journalistiques reflétées par cette revue de presse : quels rôles le critique dramatique s'attribue-t-il dans la médiation entre l'œuvre et son public ? Quelle place assigne-t-il à l'auteur dans ce contexte culturel et historique ?

16h30 Cocteau, la musique, la chanson sous l'Occupation, David Gullentops (université de Bruxelles)

Les textes que Cocteau a consacrés durant l’Occupation à la musique et à la chanson peuvent être soumis à deux approches complémentaires. D’une part, nous étudierons la « poésie de musique » de Cocteau par rapport à l’esthétique en vigueur et mesurerons l’inscription du poète dans l’« actualité » musicale du moment. D’autre part, nous analyserons dans quelle mesure Cocteau se défait des modèles repérables à cette époque et vérifierons si son évolution sur le plan musical, soit qu’elle ait déjà été amorcée auparavant, soit qu’elle préfigure la période à venir, reflète l’évolution de l’ensemble de son œuvre. Quelle que soit l’approche, nous accorderons également de l’attention à la transposition de techniques et de thématiques provenant d’autres modes d’expression artistiques, afin de mesurer si Cocteau est aussi en avance sur son époque dans ce domaine de création qu’il le prétend dans ses textes.

17h15 Documentaire Chantons sous l'Occupation

 

VENDREDI 18 NOVEMBRE 2016

MATINEE

Présidence : David Gullentops

10h, Les Allemands de Jean Cocteau, Jean Touzot (Paris-Sorbonne)

Au nom d'une ancienne amitié, Cocteau adresse à Breker un Salut tonitruant, à la une de Comœdia, qui choqua profondément les écrivains de la Résistance. Plus grave – ce dont seuls les lecteurs de 1989 ont pu prendre conscience – il gobe et reproduit dans son Journal, sans le moindre esprit critique, les propos « hitlerophiles » du sculpteur chéri du Führer. Cette réserve faite, la plupart du temps, il se tient prudemment à l'écart des troupes d'occupation, sauf pour assister à certains spectacles ou pour s'expliquer devant des fonctionnaires de la censure. Il noue pourtant des liens d'amitié avec des intellectuels allemands qu'il rencontre en compagnie d'éditeurs ou d'écrivains français. Ernst Jünger et Klaus Valentiner, un peintre, âme de ce qu'on a appelé le « cercle franco-allemand du quai Voltaire » en sont les figures les plus marquantes. Avec eux Cocteau participe à des échanges culturels. De telles relations sont d'autant plus cordiales et confiantes qu'il les sent fort lucides sur la vraie nature et l'avenir du Reich.

10h45 Cocteau et la jeune droite maurrassienne, Pierre-Marie Héron (Montpellier 3, IUF)

Dans la suite de son « Adresse aux jeunes écrivains » parue dans La Gerbe du 30 novembre 1940, qui peut être considérée comme la réponse du poète à la querelle faite aux « mauvais maîtres » ‒ dont lui ‒ dans la presse favorable à Pétain depuis l’été précédent, Cocteau s’intéresse aux publications et spectacles d’un groupe de jeunes réunis à l’enseigne des éditions Prétexte et du Rideau des jeunes de Pierre Franck. Lequel groupe monte l’année suivante au théâtre de l’Œuvre son Antigone, quelques jours avant la première de La Machine à écrire au théâtre Hébertot (29 avril). La plupart de ses membres sont des enfants turbulents de l’Action française et de la Révolution nationale à la fois ; parmi eux, Roland Laudenbach, Jean Turlais, François Sentein… Il s’agira de voir comment Cocteau, avec eux, défend et entretient sa posture de « prince de la jeunesse » et son ethos amical.

11h30 Léone et l’univers de la guerre, Miroslava Novotná (Brno, République tchèque)

À propos de Léone, long poème écrit dans les années 1942-1944 et publié en 1945, Jacques Brosse constate que ce « poème en 120 strophes inégales renoue, après bien des écarts et des infidélités, avec la ligne d’inspiration majeure de Jean Cocteau. Il émane de la même source intermittente, du même gouffre pythique, d’où surgirent, vingt ans plus tôt, L’Ange Heurtebise (1925) et Opéra (1927), et qui va produire ensuite La Crucifixion (1946) et Le Requiem (1962) ». Le titre du poème suggère immédiatement une question : qui est Léone ? Présentée comme un personnage mystérieux, elle surgit des rêves personnels et subjectifs de l’auteur, lui-même. En tant que cet être onirique, le lecteur découvre Léone : elle traverse un Paris nocturne pendant la guerre.

 

APRES-MIDI

Présidence : Pierre Caizergues

14h Allégories : portrait annonciateur d’un poète « inactuel » face à « l’actualité », Yuki Taguchi (Montpellier 3)

Tous les artistes qui continuent d’exercer leur activité sous l’Occupation ont cette préoccupation commune : le choix d’un moyen d’expression. Cocteau opte quant à lui pour une forme traditionnelle, lorsqu’en 1941 il publie Allégories, un recueil de poèmes reflétant l’angoisse suscitée par les circonstances de la guerre. « Pendant cette période on ne pouvait s’exprimer que par allégories », expliquera-t-il plus tard. Néanmoins, le volume regroupe en réalité les poèmes écrits entre 1931 et 1940, et couvre de fait toute une époque se situant hors du contexte de la guerre. L’expression allégorique produit dès lors un sens redoublé : l’allégorie du monde poétique se voit coordonnée avec l’allégorie du monde réel. De ce travail d’allégorisation se dégagera la posture d’« un poète inactuel » luttant contre « l’immonde actualité » – le principe directeur de l’attitude adoptée par Cocteau pendant les années noires.

14h45 La machine à écrire La Machine à écrire, Danielle Chaperon (Lausanne)

Un acte d’exposition laborieux et un dernier acte douloureusement négocié avec des « experts amicaux ». La Machine à écrire fait bel et bien partie des pièces mal aimées dans le corpus dramatique de Jean Cocteau. Douze fois remise sur le métier (d’après l’auteur), la pièce porte en effet les traces de grands efforts de composition et de nombreux repentirs . Sur les deux versions du texte qui ont été créées sur scène, ce sont, ces traces, ces repentirs et ces efforts qui nous intéressent en tant qu’ils révèlent quelques «secrets professionnels» de Cocteau dramaturge. Notre analyse des deux versions mettra en valeur, chez l’auteur dramatique, un art de la «mise en intrigue» qui, dans le cas d’espèce, s’est trouvé embarrassé par les circonstances de production et de réception. Nous nous permettrons, de surcroît, de nous demander comment «améliorer cette œuvre ratée» (en nous autorisant, bien sûr, de Pierre Bayard).

15h30 Cocteau scénariste et dialoguiste pendant l’Occupation : L’Éternel retour, Fanny Van Exaerde (Lille 3)

La communication se propose d’étudier la fabrique du film L’Éternel Retour, réalisé par Jean Delannoy, à partir du scénario et des dialogues de Jean Cocteau, à la lumière des divers manuscrits et tapuscrits qui ont précédés à l’œuvre cinématographique. À l’aide des premiers scénarios de Juliette ou la Clé des Songes et des écrits consacrés à L’Éternel Retour, nous verrons comment se dessine déjà le style cinématographique du poète, alors en germination à l’époque de l’Occupation, style que L’Éternel Retour condense et met à l’épreuve (au sens propre et figuré de la pellicule imprimée), de manière à préparer le terrain pour La Belle et la Bête, au sortir de la guerre.