Essai
Nouvelle parution
Claude Fleury, Écrits de jeunesse.

Claude Fleury, Écrits de jeunesse.

Publié le par Marc Escola (Source : Denis Lejay)


Claude Fleury, Écrits de jeunesse - Tradition humaniste et liberté de l'esprit, édition critique établie et présentée par Noémi Hepp et Volker Kapp, Paris, 2003, éditions Honoré Champion, 235 pages.
Du jeune Claude Fleury, futur abbé Fleury, Noémi Hepp et Volker Kapp éditent deux dialogues intitulés Si on doit citer dans les plaidoyers ( textes composés en 1664 ), ainsi que les Remarques sur Homère ( 1665 ) et le Discours sur Platon ( 1670 ). Réunis sous le titre Ecrits de jeunesse, ces textes, comme l'annonce le sous-titre - Tradition humaniste et liberté de l'esprit -, dans le même temps qu'ils célèbrent l'Antiquité, ses auteurs illustres et sa rhétorique, animés d'un rationalisme novateur, s'en éloignent.
Méthodiquement, Claude Fleury ouvre ainsi des perspectives étonnantes par leur ampleur et leur netteté, perspectives où l'on reconnaît, parce qu'il les explicite et les réalise tout à la fois, les grands traits de la doctrine classique. La rigueur intellectuelle qui règle les entretiens des quatre avocats n'est pas seulement le fait d'un juridisme scrupuleux ; bien au-delà, elle atteste la confiance de Fleury dans les pouvoirs de la raison qui remonte aux principes, touche des vérités et permet de réaliser un idéal de beauté.
Procédant à l'examen raisonné de l'usage des citations, les devisants s'engagent d'abord dans une réflexion rhétorique qui porte, par exemple, sur l'art de plaire ou, par exemple encore, sur les incidences de l'érudition sur la réputation de l'orateur. L'enjeu des débats est aussi social et culturel. Ne convient-il pas que l'orateur se conforme aux attentes de son auditoire et à l'esprit de son temps ? Loin d'un certain pédantisme, il convient maintenant de tendre vers le nouvel idéal de l'honnêteté. Au centre de cette joute, finalement, c'est l'esthétique classique que l'on voit s'affirmer. Autour de l'art de plaire, la citation, qui rompt le cours du discours et l'éloigne de ses buts - instruire et émouvoir -, est regardée, non pas comme un ornement, mais comme un corps étranger, au nom d'une esthétique pour laquelle la beauté résulte de l'ordre et de la conformité de l'ouvrage " aux usages pour lesquels il est fait " ( p.135 ). Cette théorie trouve sa pleine et forte expression dans une formule comme celle-ci : " il n'y a point de véritable beauté qui ne soit attachée à la substance de la chose " ( p. 136 ).
Comme le démontrent Noémi Hepp et Volker Kapp dans leur préface, ces deux dialogues, pièces maîtresses du recueil, doivent être considérés comme des jalons de l'histoire littéraire, jalons qui mettent en perspective l' Art poétique de Boileau et, plus loin, les idées émises lors des réunions tenues à l'académie de Lamoignon dans les années 1667 - 1668. L'appareil critique, riche et clair, limpide malgré la précision de l'érudition, révèle l'intérêt de ces textes, mesure l'apport de l'auteur - grâce notamment aux repères biographiques et historiques - et fait percevoir au lecteur la rigueur puissante du classicisme de Fleury, cette tension vers l'essentiel qui est aussi le bon sens.