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"Classicisme et violence. Du désinvestissement à l'authenticité", par C. Kintzler

Publié le par Marc Escola

Classicisme et violence. Du désinvestissement à l'authenticité

Par Catherine Kintzler,

Mis en ligne sur Mezetulle.fr, le 1 novembre 2015

 

Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en France, un changement esthétique se produit qui va des « passions » au « sentiment ». Cette étude1 s’intéresse plus particulièrement au régime des émotions produites par la fiction littéraire, en s’attardant sur l’exemple de la violence : on passe du régime du désinvestissement à celui de l’authenticité. La modification, au-delà de son enjeu esthétique, engage aussi une morale et une conception de l’humanité. La disqualification du désinvestissement et sa reconversion en authenticité signent l’avènement d’une esthétique du proche qui, paradoxalement, a pour effet un déni de reconnaissance : en art comme ailleurs, le culte de la proximité peut nous rendre étrangers à l’humanité.

 

Sommaire

Batteux vs Schlegel : un débat d’un autre âge ?

L’exemple de la violence et la critique de Corneille par Lessing

Références bibliographiques

Notes

 

Durant la seconde moitié du XVIIIe siècle en France, un changement esthétique se produit, qui est bien connu ; la place de la musique y est décisive : le livre déjà ancien de Louis Striffling2 et de nos jours la magistrale étude de Jean Mongrédien3 en ont étudié le mouvement. S’agissant des passions et de leur représentation ou de leur traitement par les arts, on assiste à un changement de régime – la notion moderne du « sentiment » en résulte. Mais ce résultat – dont la version vulgaire déferle aujourd’hui sous la forme de l’exaltation de la vie passionnée dans laquelle chacun est invité à « s’éclater », de préférence un casque stéréo sur les oreilles – ce résultat qui a connu ses formes élevées et travaillées est en même temps une occultation, un opérateur d’opacité et de refoulement. C’est au retour de ce refoulé que je souhaite contribuer.

Je soutiendrai qu’on passe du régime du désinvestissement à celui de l’authenticité. Le statut de l’art en général est remanié, principalement à travers celui de la fiction. À travers le type d’engagement des passions apparaît une pensée du rapport entre l’œuvre, l’artiste et le public. La façon dont ce rapport est installé, la façon dont est produit et situé l’effet esthétique, révèlent aussi une façon de penser le rapport entre les hommes, une conception de l’humanité. La disqualification du désinvestissement et sa reconversion en authenticité signent l’avènement d’une esthétique du proche qui, paradoxalement, a pour effet un déni de reconnaissance : en art comme ailleurs, le culte de la proximité peut nous rendre étrangers à l’humanité. […]

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