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Citer la langue de l'autre

Citer la langue de l'autre

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Danielle Perrot-Corpet)

Citer la langue de l'autre
Fonctions du pérégrinisme dans les oeuvres de fiction des XIXe-XXe siècles


Colloque organisé par l'équipe « Littérature Comparée » du LERTEC (Centre de recherche « Lectures et Réceptions du Texte Contemporain » de l'Université Lumière-Lyon 2)
les 17-18 novembre 2005


Texte de l'appel à communications :

« La diversité d'ydiomes et de langues, dequoy il troubla cet ouvrage [la Tour de Babel], qu'est-ce autre chose que cette infinie et perpétuelle altercation et discordance d'opinions et de raisons qui accompaigne et embrouille le vain bastiment de l'humaine science ? »
(Michel de Montaigne, Essais (1580), Paris, Garnier, 1962, t.I, p. 619-620).

« Le Québec court le risque to lose sa langue and to disappear as an authentic culture ».
(Un journal estudiantin de Montréal).


Le Dictionnaire des procédés littéraires (« Gradus ») définit le pérégrinisme comme « l'utilisation de certains éléments linguistiques empruntés à une langue étrangère, au point de vue des sonorités, graphies, mélodies de phrase aussi bien que des formes grammaticales, lexicales ou syntaxiques, voire même des significations ou des connotations ». De la citation en langue étrangère isolée par les italiques ou les guillemets au sabir résultant de l'hybridation de plusieurs langues, en passant par toutes les formes de l'emprunt à une autre langue, le pérégrinisme qu'on appelle aussi « étrangisme » confronte le système de la langue à son autre, et par là même interroge son identité, tout en rendant palpable l'enjeu de l'écriture comme acte de communication.
Quels effets vise le pérégrinisme comme procédé délibéré dans l'oeuvre de fiction ? Comment la langue de l'autre (mais qu'appellera-t-on « l'autre » ?) «travaille »-t-elle (pour reprendre le concept examiné par Antoine Compagnon) les données de l'identité (individuelle ? nationale ? culturelle ?) inscrites (ou pas) dans la langue ? En la matière, tout change selon un contexte (individuel et collectif, géographique et socio-historique) dont les variables se modulent à l'infini, suivant un jeu dont la complexité est tout bonnement celle de l'histoire des hommes : si, par « langue », on entend un « système de signes vocaux spécifiques aux membres d'une même communauté » (J. Dubois et al., Dictionnaire de linguistique, Paris, Larousse, 1973, p. 276), on voit en effet que ce qu'engage le pérégrinisme, c'est la reconnaissance par le sujet écrivant de son appartenance à une « communauté », notion élastique s'il en est.

C'est pourquoi, par souci de cohérence, on concentrera la réflexion sur la fiction à l'époque moderne et contemporaine, laissant par exemple hors du champ d'études le multilinguisme érudit du Moyen-Age et de la Renaissance ou le cosmopolitisme éclairé de l'écrivain « citoyen du monde » au Siècle des Lumières. On pourra s'intéresser en particulier aux fonctions du pérégrinisme liées à la reconnaissance (ou au désaveu) de la consubstantialité mythique qu'élabore le XIXe siècle entre langue, race et nation et, plus généralement, liées à la question de l'ethnocentrisme telle qu'elle affleure dans le traitement (qui peut être parodique) de la langue de « l'autre ».

Une autre piste de réflexion concerne le pérégrinisme dans ses rapports avec la conscience de la modernité littéraire, fondée notamment sur la reconnaissance d'une altérité d'une étrangeté au coeur de l'identité.

Ainsi, Céline (grand amateur de pérégrinismes, d'anglicismes en particulier), dit vouloir écrire dans une langue tellement travaillée par la conscience de ses propres artifices, une langue tellement « trouée » d'inconnu, que le lecteur la reçoive comme une langue étrangère dont il ferait le patient apprentissage.
Enfin, un troisième champ de réflexion est offert, au XXe siècle, par la problématique des rapports entre langue et identité culturelle dans le contexte de l'ère post-coloniale. Ainsi, Lise Gauvin a déjà posé l'hypothèse « que le commun dénominateur des littératures dites émergentes, et notamment des littératures francophones, est de proposer, au coeur de leur problématique identitaire, une réflexion sur la langue et sur la manière dont s'articulent les rapports langues/littérature dans des contextes différents. La complexité de ces rapports, les relations généralement conflictuelles ou tout au moins concurrentielles qu'entretiennent entre elles une ou plusieurs langues donnent lieu à une surconscience linguistique dont les écrivains ont rendu compte de diverses façons. Écrire devient alors un véritable « acte de langage ». Plus que de simples modes d'interaction de l'oralité dans l'écrit, ou que la représentation plus ou moins mimétique des langages sociaux, on dévoile ainsi le statut d'une littérature, son intégration/définition des codes et enfin une réflexion sur la nature et le fonctionnement du littéraire » (Lise Gauvin, « Glissements de langues et poétiques romanesques : Poulin, Ducharme, Chamoiseau », Littérature, n° 101, février 1996, p. 6).
Danielle Perrot-Corpet.


Programme :

Jeudi 17 novembre



Matinée


9h 15- Accueil des participants.
9h 30- Ouverture du colloque par Jean-Pierre Martin, Directeur du LERTEC, et Charles Bonn, Directeur de l'équipe de recherche « Littérature Comparée ».
Introduction par Danielle Perrot-Corpet.


Pérégrinisme et francophonie
Président de séance : Charles Bonn

9h 45-10h 30 : Lise Gauvin (Université de Montréal) : « Autor in fabula : pérégrinisme et paratexte ».

Discussion et pause


11h : Chantal Michel (Université Lyon 2) : « L'idiome d'un Frenchy qui parle pas en Belles-Lettres, Raymond Federman ».

11h30 : Cécile Van Den Avenne (ENS-LSH) : « Petit nègre et bambara. La langue de l'indigène dans quelques oeuvres d'écrivains coloniaux en Afrique Occidentale française. Enjeux anthropologiques ».


Discussion




Après-midi



Pérégrinisme et cosmopolitisme dans le Paris littéraire de la Belle Époque
Président de séance : Alain Montandon


14h 30 : Martine Boyer-Weinmann (Université Lyon 2) : « Outre Manche et outre langue : Fonctions de la citation (à peu près) anglaise dans À la Recherche du temps perdu ».

15h : Dominique Carlat (Université Lyon 2) : « Le pérégrinisme chez Valéry Larbaud : illustration et parodie du cosmopolitisme début de siècle ».

15h 30 : Stéphane Chaudier (Université Jean Monnet, Saint Étienne) : « La cocotte polyglotte entre deux siècles ».

Discussion



Vendredi 18 novembre


Matinée


Pérégrinismes dans le roman de l'exil et de l'errance
Présidente de séance : Lise Gauvin

10h : Muriel Moutet (LERTEC) : « La représentation de l'identité langagière des locuteurs non anglophones dans Lord Jim de Conrad ».

10h 30: Christine Queffélec (Université Lyon 2) : « Les propos en français dans Three Soldiers de John Dos Passos ».

11h : Marie-Odile Thirouin (Université Lyon 2) : « La guerre des langues dans Les Aventures du brave soldat Chveik de Jaroslav Hasek ».


Discussion



Après-midi


Pérégrinisme et métissage linguistique dans les Andes et les Antilles
Président de séance : Michael O'Dea

13h 30 : Sarah Al-Matary (Université Lyon 2) : « ¡Ay, taytallaya ! : la parole élégiaque source de l'héroïsme quechua. Une analyse de Yawar Fiesta de José María Arguedas ».

14h :Philippe Goudey (Université Lyon 2) : « Comment la langue de l'autre (le français) véhicule les racines culturelles et linguistiques (la créolité) du colonisé dans Texaco de Chamoiseau ».


Discussion et pause




Pérégrinisme et mémoire de l'Histoire dans le roman contemporain
Présidente de séance : Martine Boyer-Weinmann

15h : Michael O'Dea (Université Lyon 2) : « Les langues qui meurent et les langues qui tuent : Sang impur de Hugo Hamilton ».

15h 30 : Merete Stistrup-Jensen (Université Lyon 2) : « Les mots in memoriam. Pérégrinismes dans Austerlitz de W.G. Sebald ».


Discussion

Clôture du colloque.

Lieu du colloque :
Salle du Conseil (au-dessus du Secrétariat de Lettres). Université Lumière-Lyon 2, Faculté LESLA, 18 Quai Claude Bernard, 69 365 LYON Cedex 07.

Contacts :
Danielle Perrot-Corpet
danielle.perrot@wanadoo.fr
Christine Queffélec
queffelecc@chello.fr