Questions de société
Circulaire d'application du décret sur le statut des EC.

Circulaire d'application du décret sur le statut des EC.

Publié le par Marc Escola (Source : SLU)

On pourra lire dans le document ci-joint (pdf) le courrier adressé par le Ministère aux Présidents d'université, quant à l'application du nouveau décret sur les enseignants-chercheurs, adopté durant les vacances de Pâques dans les conditions que l'on sait.

Le texte fera l'objet de plusieurs analyses dans les jours qui viennent, notamment de la part du collectif de juristes mobilisés, mais d'ores et déjà une lectrice attentive de SLU fait observer:

"1. Que veut dire l'adjectif "significatif" dans: "La modulation... devra en outre laisser à chaque EC un temps SIGNIFICATIF pour ses activités de recherche" ?
Je note que quand la modulation est à la baisse (dominante recherche), il y a un  minimum d'activités d'enseignement (42 h CM ou 64h TD); en revanche, quand la dominante est enseignement, aucun plafond d'enseignement ni aucun minimum de temps de recherche ne sont fixés.


2. Que veut dire "une certaine" dans: "Le service ne doit pas s'écarter en moyenne, sur une CERTAINE période, de 192h etc."
Réponses de  bon sens: tout cela est laissé à l'appréciation des honnêtes gens, qui sauront voir où commence le temps "significatif" de recherche, et où s'arrête "une certaine période" de référence pendant laquelle on peut exploser le plafond d'enseignement."

Et un collègue MCF de droit public fait valoir qu'en l'état, le texte relève davantage du communiqué de presse qu'à une circulaire:

"Une circulaire est, historiquement et encore aujourd'hui, un acte administratif à vocation interne à l'administration. Il s'agit du texte par lequel un chef de service précise, à l'attention de ses agents, le sens de nouvelles règles, réglementaires, législatives, et même parfois jurisprudentielles. Autrement dit, c'est un mode d'emploi, et sa vocation est bien d'interpréter d'autres normes qui lui préexistent.
Mais, les juristes, y compris le Conseil d'Etat, savent bien que la frontière est mince entre l'interprétation d'une norme préexistante et la création d'une nouvelle norme, et depuis 1954, lorsqu'il estime qu'une circulaire créé une nouvelle norme, le juge admettait le recours dirigé contre elle. Je parle au passé, car ce n'est plus le vrai problème.

Depuis 2002, le juge prend en compte le caractère impératif des circulaires : si le chef de service donne à ses troupes des consignes qu'elles sont obligées de respecter (impératives, donc), la circulaire est attaquable, et opposable. A l'inverse, si le texte de la circulaire se borne à donner des conseils, non impératifs, elle n'est ni attaquable, ni opposable.
Que signifie opposable ? Et bien, que l'administration peut explicitement se fonder sur la circulaire pour vous refuser ou vous accorder quelque chose, et qu'à l'inverse, vous pouvez vous fonder sur la circulaire (au besoin devant un juge) pour obtenir gain de cause contre l'administration. Comme s'il s'agissait, donc, d'une autre norme, sachant que la circulaire doit dans ce cas respecter la hiérarchie des normes (donc ici les décrets, la loi, les conventions internationales, la constitution).
Dans notre cas, ce qui est sûr, c'est que le ministre ESR n'est pas le supérieur hiérarchique des présidents d'Université (qui ne sont pas en tant que tels des agents de l'Etat). Dans leur cas, il est donc certain que le contenu de ce texte n'est pas impératif.
En revanche, le ministre ESR est le supérieur hiérarchique des recteurs, agents de l'Etat. On peut donc se demander si ce texte contient des précisions impératives à l'attention des recteurs. Et le problème, aujourd'hui récurrent, c'est que le caractère impératif d'une circulaire, lorsqu'il n'est pas très explicite, n'est pas toujours évident à identifier.
C'est là que j'aborde le fond. A mon humble avis, je ne suis vraiment pas certain que ce texte puisse être considéré comme impératif. Il s'agit clairement d'un texte de promotion, voire d'explication, et franchement, il ressemble plus à un communiqué de presse qu'aux habituelles circulaires.
En admettant, ce que je crois, que ce texte ne comporte rien d'impératif, en droit il n'a aucun effet, et il s'agit donc purement et simplement d'une opération de communication.  
Enfin, il ne fixe aucun plafond concret pour la modulation du temps d'enseignement, reste volontairement obscur (alors que sa fonction est précisément d'éclairer) sur ce point, et ne répond certainement pas à la question cruciale soulevée il y a peu par ma collègue Céline Ruet : qu'adviendra-t-il à un EC qui, venant de faire l'objet d'une mauvaise évaluation de sa recherche, persistera à refuser son "consentement éclairé" à la modulation à la hausse de son service d'enseignement ? On peut en effet imaginer, comme l'a justement fait remarquer Céline, que celui-là fasse à terme l'objet d'une procédure disciplinaire, pour insuffisance professionnelle."   
Charles Reiplinger, MCF droit public à Paris 13