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Champs littéraires et langues de la francophonie-monde. Trajectoires, figures et émergence de la nouvelle cartographie des humanités en français

Champs littéraires et langues de la francophonie-monde. Trajectoires, figures et émergence de la nouvelle cartographie des humanités en français

Publié le par Marc Escola (Source : Oana Panaïté)

  Champs littéraires et langues de la francophonie-monde.

 Trajectoires, figures et émergence de la nouvelle

 cartographie des humanités en français

Sous la coordination de :

Thierry Léger (Kennesaw State University), Louis Hervé Ngafomo (Université de Yaoundé I)

et Oana Panaïté (Indiana University – Bloomington)

 

Au moment où la Francophonie institutionnelle s’apprête à célébrer ses 50 ans, il est important de marquer un temps d’arrêt pour réfléchir à ses manifestations historiques et politiques, à ses mutations sémantiques et institutionnelles, à son axiologie variable dans le temps et dans l’espace, à ses significations tantôt contestataires tantôt réactionnaires. Cette attitude, que certains qualifieraient de nostalgique, s’apparente chez d’autres à une démarche épistémologique, voire esthétique, qui jette le pont critique entre les affluents et les invariants du paysage francophone. Il y a lieu de revisiter à rebours les représentations du champ littéraire, des territoires, le volet linguistique ou celui des dominantes thématiques, riches et diverses de la francophonie d’aujourd’hui.

Lorsque le terme « francophonie » est porté en offrande créative en 1883 par le géographe français Onésime Reclus, certains critiques y voient déjà une proclamation de l’empire colonial français. La configuration historique à la veille de la Conférence de Berlin y est pour beaucoup dans cette perception. Fort heureusement, la mémoire des Serments de Strasbourg de 842 viendra restaurer la prévalence de l’ADN de partage que symbolise la langue française dans ses versets cosmopolitiques. On se souvient des publications du Florentin Brunetto Latini Le Livre du Trésor (1265) et du Vénitien Marco Polo Devisement du monde (fin du XIIIe siècle). Si la publication de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts (1539) consacre le français comme langue nationale de France, les relations diplomatiques et l’ouverture en font, prosaïquement, un marqueur de relations internationales en matière de communication.

Cependant, la circulation de la francophonie littéraire est l’œuvre des premiers explorateurs, en Afrique, Océanie, Antilles caribéennes, Amériques et Asie. Impossible donc de séparer l’entreprise coloniale et sa mission civilisatrice de l’avènement de l’espace francophone tel que nous le connaissons aujourd’hui. Il est dès lors important de s’interroger sur les différences et les ressemblances entre les héritages, les représentations, les relations de pouvoir et les dynamiques de champ littéraire qui caractérisent, d’une part, la francophonie choisie ou « invitée », pour reprendre la formule de Véronique Porra, et, de l’autre, une francophonie « subie » ou (post)coloniale.

 La spatialisation des littératures francophones dans la cartographie des imaginaires mondiaux tente de les loger au pavillon idéologique ou épistémo-critique rémanents : « espace littéraire » (M. Blanchot), « géographie littéraire » (A. Ferré), « champ littéraire » (Bourdieu), « scénographie littéraire » (D. Maingueneau). Des postures critiques s’emboîtent dans cette trajectoire et mettent en orbite des méthodes comme la géopoétique (K. White), la géocritique (B. Westphal), la géophilosophie (G. Deleuze, F. Guattari) ou la critique postcoloniale (J.-M. Moura), etc.

En revenant sur le trait d’union entre l’identité des littératures francophones et la langue, on peut s’appuyer sur Josias Semujanga lorsqu’il affirme que :

« la diversité des situations géographiques et historiques a créé une hétérogénéité des statuts linguistiques et culturels, de façon que chaque espace francophone est à la fois un cas particulier et un cas typique. Convergentes par la langue française, les littératures francophones divergent par la création des imaginaires différents, lesquels s’alimentent du vécu quotidien qui varie suivant l’espace et le temps. Cependant, elles ont en commun certains paramètres sur lesquels l’analyse peut porter, ne serait-ce que l’usage du français comme support d’écriture » (« Problématiques des littératures francophones », Culture française d’Amérique, 1991, p. 252).

Le renouvellement des problématiques de la francophonie littéraire chevillée aux dynamiques linguistiques donne à retenir les aires recensées par Vincent Bruyère dans La Différence francophone, de Jean Léry à Patrick Chamoiseau. On peut donner ici l’exemple du « Monde francophone du Nord » (Europe : Belgique, Bulgarie, France, Grèce, Luxembourg, Moldavie, Roumanie, Suisse, Val d’Aoste). Il pourrait être également intéressant de voir comment la littérature (et l’imaginaire) en France se transforme par l’apport des littératures et cultures hors de France ; Amérique du Nord : Québec, Provinces canadienne à géométrie francophone minimale (Acadie, Manitoba, Ontario, Terre-Neuve) ou des Etats-Unis (Louisiane, Maine, Vermont) ; le « Monde francophone postcolonial du Sud » (Afrique du Nord : Maghreb [Algérie, Maroc, Tunisie]) ; l’Afrique subsaharienne (Côte d’Ivoire, Cameroun, Congo, Gabon, Mali, Niger, République Centrafricaine, République Démocratique du Congo, Sénégal, Tchad) ; les Caraïbes (Guadeloupe, Guyane, Haïti, Martinique) ; l’Océan indien (Comores, Djibouti, Île Maurice, Île Rodrigues, Madagascar, Mayotte, Réunion) ; le Proche-Orient (Egypte, Liban, Syrie) ; l’Asie du Sud-Est (Cambodge, Laos, Vietnam) ; le Pacifique (Nouvelle Calédonie, Polynésie française, Vanuatu). Il faut dans le même ordre de communion interculturelle, considérer les interactions avec les espaces anglophones comme l’Afrique du Sud, le Nigéria, le Rwanda; hispanophones (Guinée équatoriale, Îles Canaries, Mexique); lusophones (Angola, Brésil, Guinée Bissau)…

Au regard de la cartographie qui précède, il faut continuer d’interroger les fonctions et les conditions de possibilité, les risques et les virtualités que comportent  des réseaux poétiques transfrontaliers à l’image de ceux présentés dans le manifeste Pour une littérature-monde en français dirigé par Michel Le Bris et Jean Rouaud (2007), des indicateurs du « devenir transnational » (F. Lionnet) tels que développés lors du colloque « Francophonie et mondialisation » (14 au 15 juin 2018) à l’Université Jean Monnet Saint-Etienne organisé par Yves Clavaron et Yvan Daniel, ou dans l’ouvrage Francophonie, postcolonialisme et mondialisation publié par Clavaron la même année, ou encore dans le cadre du colloque consacré au « Parlement des écrivains francophones d’Orléans » (26 au 28 septembre 2018).

L’émancipation de la nouvelle cartographie de l’histoire des humanités en français/ lettres francophones postule les paradigmes économiques, diplomatique et humanitaires, réinterrogeant à nouveaux frais les modalités esthétiques et idéologiques de tradition. On s’intéressera en particulier à la marge d’évolution en francophonie en se référant à l’approche de Christie McDonald et Susan Rubin Suleiman dans French Global. Nous avons en défi de déconstruire et reconstruire les analyses éco-littéraires de l’imaginaire francophone, loin des poncifs exhaustifs de Centre et de Périphérie, privilégiant les paysages hétérofrancophones et non nationaux. Il s’agit de s’inventer une quatrième voie au gré de la translinéarité des esthétiques, des ruptures et des reconnexions digitales des francophonies, cette fois à la dimension d’une humanité mondiale et intermédiale des lettres. Il faut comprendre et enrichir l’analyse Des littératures-mondes en français. Écritures singulières, poétiques transfrontalières dans la prose contemporaine (2012) d’Oana Panaïté et capitaliser sur les travaux de Jean-Marc Moura qui a jeté les dés d’une histoire littéraire des Lettres transatlantiques, une histoire comparatiste des littératures adaptée aux cultures contemporaines hybrides et globalisées de l’Atlantique. La tour de Babel re-sémantisée en francophonie s’abreuvera à la source de L’Atlantique littéraire. Perspectives théoriques sur la constitution d’un espace translinguistique (dir. J.-M. Moura et V. Porra, 2015) et servira de portail pour accéder au multilinguisme et aux tribunes des industries culturelles (édition, revues littéraires, bande dessinée, critique universitaire…), ouvrant ainsi la voie au chantier de l’être francophone littéraire coefficié (un citoyen chargé d’énergie créative et productive des liens d’hospitalité épistémiques ou culturelle).

Cette exégèse, sobre et sans prétention d’exhaustivité, nous rappelle le devoir de maturité et ouvre l’audience à ce questionnement en cette occasion des cinquante ans de la Francophonie institutionnelle : Quels sont les repères épistémocritiques des champs littéraires géofrancophones des cinq continents ? Quelles sont les figures ou les identités remarquables qui meublent la création des imaginaires francophones en ce début du XXIe siècle ? Dans quelle mesure les dynamiques linguistiques fécondent-elles les sens et rapprochent-elles les êtres humains au sein de la francophonie-monde ? En revisitant la trajectoire transculturelle des constantes et des variantes des identités littéraires francophones de ces cinquante dernières années, comment allumer un foyer critique et esthétique de l’émergence au nom de la nouvelle cartographie des humanités en français, sans rompre le lien avec l’altérité ? Si les modalités de l’organisation des événements culturels semblent davantage réguler les faits littéraires et leurs échos de réception, comment envisager d’autres perspectives stimulées par la pensée d’une république francophone des humanités pour une littérature durable ?

À la recherche des voies de réponses à ces préoccupations, s’éclaire d’une épistémè nouvelle l’angle de touche de notre thématique posée en hypothèse de débat en ces termes : Champs littéraires et langues de la francophonie-monde. Trajectoires, figures et émergence de la nouvelle cartographie des humanités en français.

Pour donner du ton, du relief, de l’écho et établir pertinemment les correspondances critiques avec l’objectif éditorial, les chercheurs — notamment en lettres ou en sciences sociales — sont invités à soumettre leurs travaux d’analyse du corpus, de témoignages de critiques, de valorisation des patrimoines textuels, etc., pour tracer la nouvelle carte des humanités en français. Les tranches de vérité peuvent se féconder dans les champs de savoirs et des imaginaires non exhaustifs suivants :

  • francophonie littéraire d’Asie et ses effets de traduction ;
  • francophonie américaine et la dimension de la diversité ;
  • francophonie africaine et les résonances culturelles ;
  • francophonie des organismes de recherche (Chaire, Associations, Laboratoire…) ;
  • « Harlem sur Seine » ? La francophonie vue par les écrivains/artistes africains-américains ;
  • femmes en francophonie ;
  • réseaux de significations des spatialités francophones ;
  • territoires et villes francophones en littérature ;
  • trajectoires critiques des figures de la francophonie ;
  • postures d’auteur et création de nouvelles dominantes thématiques ;
  • hypersémanticité et narrativité des écritures francophones ;
  • mémoire et histoire des littératures francophones ;
  • multilinguisme et  polyphonie des voix en francophonie ;
  • francophonie-monde et ses identités ;
  • géopoétiques des paysages littéraires ;
  • route, voie et trace au rétroviseur de postcolonialité : penser les littérarités nouvelles ?
  • puissance de l’image de l’édition et des prix littéraires francophones ;
  • genre et  pensée dans l’imaginaire francophone ;
  • frontière et  réception du texte francophone ;
  • écocritique et écolinguistique francophones, etc.

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Date importantes

Soumission des propositions (250 mots environ) : 15 octobre 2019

Décision des évaluateurs : 15 novembre 2019

Soumission des articles : 15 février 2020

Publication : automne 2020

Envoyer vos propositions aux deux adresses suivantes :

herve3005@yahoo.fr et tleger@kennesaw.edu

 

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