Questions de société

"Ce que je veux dire aux enseignants-chercheurs", par V. Pécresse (Libération, 27/1)

Publié le par Marc Escola

[Lire aussi "L'université sous conditions", réponse d'Anne E. Berger à Valérie Pécresse et Réponse d'Isabelle de This Saint-Jean (SLR) à V. Pécresse (Libération, 30/1).]


Ce que je veux dire aux enseignants, par Valérie Pécresse — Libération du 27 janvier 2009

"Al'heure où l'université française avance et se réforme d'une manièreinédite, il est indispensable de garder à l'esprit ce qui fondel'Universitas : des femmes et des hommes, qui ensemble, engagent leursavoir et leur passion au service des étudiants. Chercher et enseigner,chercher pour enseigner : les deux missions des universitaires sontconjointement constitutives de l'université du XXIe siècle dont le défiest de faire de la connaissance non seulement un instrumentd'émancipation et d'insertion de nos jeunes, mais aussi l'arme de lavictoire de notre pays dans la bataille mondiale de l'intelligence.

Alors c'est vrai, nous demandons beaucoup auxenseignants-chercheurs… et la reconnaissance de l'Etat se devait d'êtreà la hauteur de la tâche. C'est chose faite. Les jeunes maîtres deconférences verront, en 2009, leur salaire revalorisé entre 12 % et25 %, les carrières seront accélérées à la fois par le doublement destaux de promotion d'ici à 2011 et une grille de rémunération plusfavorable, la prime de recherche, comme celle de responsabilitépédagogique, pourra atteindre jusqu'à 15 000 euros par an. Voilà unpremier gage de confiance que les enseignants-chercheurs ont troplongtemps attendu. Mais ce qu'ils attendaient plus encore, c'étaitdavantage de liberté : la liberté de concrétiser leurs projetspédagogiques et scientifiques. Une liberté qui elle, n'a pas de prix,mais une condition : la responsabilité que porte l'université deconduire à la fois une recherche et un enseignement de qualité.

Et là aussi, après une large concertation avecl'ensemble de la communauté universitaire, le gouvernement a fait lepari de la confiance. La loi relative aux libertés et auxresponsabilités des universités de 2007 donne à l'universitél'autonomie qu'elle réclamait. L'autonomie, c'est la possibilité pourle conseil d'administration de chaque université de conduire unvéritable projet d'établissement. Or une politique scientifique et deformation cohérente implique une capacité de recrutement libérée despesanteurs administratives et pour l'ensemble desenseignants-chercheurs de l'établissement une capacité d'initiativeplus grande, ouverte aux enjeux sociaux, économiques et culturels dumonde d'aujourd'hui. Encore faut-il que ces derniers puissent fairevaloir la diversité de leurs compétences et être reconnus pour chacuned'entre elles : enseignement et recherche bien sûr, mais aussidirection d'équipe ou d'UFR, formation à distance, encadrement destages…

C'est pour prendre en compte cette diversité que legouvernement a décidé de réformer le décret qui régit le statut desenseignants-chercheurs en permettant la modulation de leur service enfonction de leur dossier d'évaluation établi tous les quatre ans par leConseil national des universités (CNU) et dans le cadre d'une chartenationale de la modulation qui sera annexée au contrat de chaqueétablissement. Pouvoir libérer du temps de recherche à des momentsdécisifs de leur parcours professionnel est une opportunité dont lesenseignants-chercheurs français ont besoin. Leur recherche en seravivifiée et la qualité des savoirs transmis à nos étudiants améliorée.Les enseignants-chercheurs qui, pour une durée déterminée,s'investiront davantage dans des activités pédagogiques ouadministratives, pourront, eux, bénéficier de primes de responsabilitépédagogique significatives et de la reconnaissance du service rendu àl'université par des possibilités nouvelles de promotion.

Car il appartient désormais aux conseilsd'administration des universités d'assurer la promotion de l'ensembledes enseignants-chercheurs de l'établissement contre 50 % d'entre euxaujourd'hui. C'est une condition indispensable à une gestion desressources humaines qui tient mieux compte à la fois de la qualitéprofessionnelle et des attentes de chacun. Alors, j'ai entendu lesinterrogations ou les craintes qui s'expriment, celles du « localisme »ou de sous représentation de certaines disciplines. C'est pourquoi,j'ai tenu à ce que les promotions décidées par les conseilsd'administration se fassent dans la plus complète transparence. Ainsi,leurs décisions devront être systématiquement motivées et lesenseignants-chercheurs classés par le CNU et non promus par leuruniversité pourront faire valoir leur dossier de promotion auprès d'uneinstance nationale de réexamen.

Nous prenons toutes les garanties pour qu'une nouvelleéthique fonde l'autonomie gagnée par la communauté universitaire dansla conduite de son propre destin. Les enseignants-chercheurs sont lesprincipaux garants d'une université qui rayonne et remplit l'ensemblede ses missions de service public. « Professer, c'est s'engager »,écrivait Jacques Derrida dans l'Université sans condition. L'heure estvenue de reconnaître pleinement cet engagement à la fois individuel etcollectif, de faire confiance à l'université et aux universitaires."