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Cartographie de l’émergence théâtrale : Définitions et enjeux de structuration (Rennes)

Cartographie de l’émergence théâtrale : Définitions et enjeux de structuration (Rennes)

Publié le par Marc Escola (Source : Mathilde Dumontet)

Cartographie de l’émergence théâtrale : Définitions et enjeux de structuration

Rennes, 14 oct. 2021

 

L’émergence théâtrale, ou la jeune création, sont deux expressions aux contours flous, utilisées maladroitement comme synonymes, pour désigner des artistes en voie de professionnalisation, qui débutent leur carrière, ou encore qui viennent d’être découvert·es et reconnu·es par les institutions et la critique dramatique. Paradoxalement, de plus en plus d’artistes demeurent « émergent·es » durant une dizaine d’année et n’ont de jeunesse que la précarité de leur situation. Émergence théâtrale ou jeune création sont également les noms donnés à des cases régies par des critères mouvants pour flécher une petite partie des subventions publiques vers la production et la diffusion de spectacles créés par des artistes qui n’ont pas encore fait leurs preuves, ou pas suffisamment.

Produire et diffuser de jeunes artistes est perçu comme un risque pour les structures théâtrales qui n’ont pu assister à des représentations finies ou créer un lien de confiance avec ces dernier·es avant de les soutenir. C’est pourquoi les spectacles dits émergents sont majoritairement programmés en dehors des programmes saisonniers et parfois mis en lumière lors d’événements spécialement prévus à cet effet. Diane Scott considère ces espaces comme des « sas », permettant une « politique d’écrémage » où « la forme apparemment positive de la sélection » est synonyme « d’élimination » du surnuméraire[1]. C’est, selon elle, un des symptômes résultant du fait que « l’institution du théâtre public français aujourd’hui dysfonctionne structurellement[2] ». Toutefois, pour les artistes émergent·es, ces rares espaces demeurent essentiels pour gagner en visibilité[3].

Les festivals comme Impatience (Paris), Prémices (Angers), le WET° (Tours) et Théâtre en mai (Dijon), proposent chacun des critères différents pour définir l’émergence : Impatience encourage « les démarches scéniques innovantes[4] » tout en stipulant une limite d’âge alors qu’au WET° il s’agit au contraire de repérer la naissance d’un geste artistique[5] sans distinction d’âge. Outre les festivals, dont il est souvent uniquement question à propos de l’émergence[6], les collectivités territoriales et les théâtres élaborent également leurs propres conditions concernant la distribution d’aides et de subventions en direction de jeunes compagnies. En fonction de qui définit l’émergence ou la jeune création, les critères varient et les enjeux diffèrent. Au centre, se trouvent les artistes balloté·es par la rédaction de dossiers de sélection dont les attentes correspondent rarement à leurs temporalités et dont les résultats répondent peu à leurs besoins ; besoin de lieu d’accueil pour des résidences de création, d’aide à la structuration, de pouvoir rencontrer les structures plus facilement, de favoriser la prise de risque de la part des institutions, de gagner en visibilité, etc. La spécialisation des salles et la situation sanitaire actuelle fragilisent encore davantage la jeune création.

C’est pourquoi cette journée d’étude sera l’occasion d’interroger la variabilité des critères de l’émergence en fonction de qui les définit (artiste, structure, dossier de subvention, presse) et les conséquences de ces définitions sur le quotidien et les besoins des artistes. Il s’agira d’ouvrir le dialogue entre d’une part les réflexions portées par les institutions et les difficultés qu’elles rencontrent pour soutenir la jeune création, et d’autre part les besoins et les idées des artistes émergent·es.

Nous souhaitons mêler les paroles de professionnel·les des institutions publiques avec celles d’artistes émergent·es, et celles de chercheurs et de chercheuses, lors d’interventions et de tables rondes.

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Les propositions de communication pourront notamment s’articuler autour des thématiques suivantes :

- histoire, théorisation et fantasmes de la jeunesse, de la jeune création et de l’émergence.

- étude comparée de différents critères définissant l’émergence selon les dossiers de candidatures (festivals, subventions).

- étude de cas de compagnies émergentes ou d’actions spécifiques en direction de l’émergence (festival, temps fort, rendez-vous, etc.).

- études des relations entre compagnies, programmateur·rices et institutions.

- les politiques publiques en direction de la jeune création.

- la presse et la jeune création.

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Les propositions d’intervention ne devront pas excéder 2500 signes (espaces compris) et devront être accompagnées d’une courte biographie. Elles sont à envoyer avant le 1er avril 2021 aux adresses suivantes : Mathilda.dumont@hotmail.fr ; DETERcollectif@gmail.com

Cette journée d’étude se tiendra à Rennes le 14 octobre 2021.

Elle est co-organisée par le laboratoire Théâtre de Rennes 2 et le collectif DETER.

Créé au printemps 2020, le collectif DETER (Droits de l’Ensemble du Théâtre Émergent Rennais) se veut être le porte-voix de l’émergence théâtrale dans le dialogue sur la nécessaire évolution des politiques culturelles du territoire rennais. Le collectif de jeunes artistes souhaitent participer à l’invention d’une manière plus équitable, paritaire et solidaire de faire du théâtre.

 

 

[1]  Scott Diane, « “Émergence” ou l’institution et son autre », Théâtre/Public, n° 203, 2012.

[2] Idem.

[3] De nombreux témoignages se recoupent en ce sens, notamment lors du débat « Festival de la jeune création, solution ou symptôme ? », modéré par Joëlle Gayot dans le cadre de l’événement « Une semaine en compagnie », le 7 décembre 2013, au TGP - CDN de Saint-Denis. https://www.theatregerardphilipe.com/tgp-cdn/sites/default/files/pdf/dossier-pedagogique/USEC%20-%20Contributions2.pdf

[4] https://www.104.fr/fiche-evenement/impatience-2020.html

[5] Thomas Aurore, « Les festivals d’émergence des Centres Dramatiques Nationaux. Études des effets structurants de l’accompagnement des jeunes compagnies dans un lieu permanent. Le cas de Dijon et de Tours », mémoire de master des Arts et techniques du Théâtre, sous la direction de Mathilde Dumontet, ENSATT, 2019.

[6] On peut citer en ce sens les quelques rares travaux sur l’émergence qui se focalisent tous sur les festivals : le mémoire d’Aurore Thomas (2019), l’article de Diane Scott (2012), la Table-ronde (2013) et l’émission de radio (2011) animée par Joëlle Gayot (« Les festivals de jeune création : alibi ou tremplin » : https://www.franceculture.fr/emissions/les-mercredis-du-theatre-10-11/les-festivals-de-jeune-creation-alibi-ou-tremplin).