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Capital et totalité : des imaginaires de la planétarité au capitalisme planétaire (87e Congrès de l’Acfas, Univ. du Québec en Outaouais)

Capital et totalité : des imaginaires de la planétarité au capitalisme planétaire (87e Congrès de l’Acfas, Univ. du Québec en Outaouais)

Capital et totalité : des imaginaires de la planétarité au capitalisme planétaire

Les 27 et 28 mai 2019 à l’Université du Québec en Outaouais

Colloque du Centre de recherche des études littéraires et culturelles sur la planétarité

Organisé dans le cadre du 87e Congrès de l’Acfas (Association francophone pour le savoir)

Comité d’organisation : Louis-Thomas Leguerrier (Université de Montréal), Simon Harel (Université de Montréal), Heike Harting (Université de Montréal), Imen Boughattas (Université de Montréal)

 

La conscience et l’épreuve de l’horizon mondial à partir duquel se dessine toute expérience contemporaine sont profondément liées au capitalisme. Au XIXe siècle déjà, bien avant que le thème de la mondialisation apparaisse pour nommer certains effets spectaculaires de la libre circulation du Capital sur la surface du globe, Marx écrivait : « à la place de l'ancien isolement des provinces et des nations se suffisant à elles-mêmes, se développent des relations universelles, une interdépendance universelle des nations […]. Les œuvres intellectuelles d'une nation deviennent la propriété commune de toutes. L'étroitesse et l'exclusivisme nationaux deviennent de jour en jour plus impossibles et de la multiplicité des littératures nationales et locales naît une littérature universelle[1]». Selon Marx, cette interdépendance universelle est le résultat de la domination économique et politique de la bourgeoisie capitaliste, qui se développe suivant le principe de la totalité : « Sous peine de mort, elle force toutes les nations à adopter le mode bourgeois de production elle les force à introduire chez elle la prétendue civilisation, c'est-à-dire à devenir bourgeoises. En un mot, elle se façonne un monde à son image[2]». Bien avant la période correspondant à ce que nous appelons la mondialisation, le capitalisme était déjà inséparable d’une reconfiguration politique, économique et conceptuelle de l’espace mondial sous le signe de la totalité.

Cette constitution du système capitaliste en totalité et l’établissement qui s’en suit de rapports de production mondiaux est indéniablement liée à la tradition littéraire et critique. Alors que, à la même époque que Marx, Goethe créait la notion de littérature mondiale[3], la forme romanesque classique, à travers l’évolution du roman réaliste, se consolidait comme une totalité à l’intérieur de laquelle les éléments apparemment hétérogènes et fragmentaires de la société devaient s’articuler de manière organique (Lukacs). Irrémédiablement ébranlée, au XXe siècle, par le modernisme et l’avant-garde, cette conception de l’œuvre d’art comme totalité organique fut peu à peu remplacée par une valorisation des formes fragmentaires et inachevées, dans une optique de résistance aux tentatives de totalisation du réel, notamment par les pouvoirs politiques et économiques (Benjamin-Adorno). Conjointement à ce changement sur le plan de la production esthétique, la catégorie de la totalité fut aussi remise en question sous sa forme philosophique (Levinas), ainsi que sur le plan de l’organisation politique (Foucault, Butler), les utopies révolutionnaires et les grands récits d’émancipation globale sur lesquels elles reposaient faisant place à des stratégies de résistance localisées pensées dans une optique minoritaire et anti-universaliste. De même, le concept de littérature mondiale hérité de Goethe et Marx fut critiqué comme totalisation imposée au monde à partir d’un point de vue eurocentriste (Apter, Cheah). 

Les paramètres conceptuels de cette critique du principe de totalité dans un contexte de capitalisme mondial permettent d’offrir un éclairage intéressant au concept de planétarité. Gayatri Spivak, qui, avec son article « The Imperative to Re-imagine the Planet » (1998), fut parmi les premières théoriciennes à faire une distinction entre les concepts du globe et de la planète, affirme que ce que l’on appelle la mondialisation et le globe sont réalisés précisément par l’imposition mondiale d’un système d’échange unique à travers la totalisation et l’universalisation du système capitaliste. La figure de la planète, pour sa part, permettrait de déconstruire les visions totalisantes en offrant le modèle d’« une structure non anthropocentrique et  ouverte qui se caractérise par la multiplicité, la complexité, la pluralité et la métamorphose constante[4]». Dans cette optique, l’imaginaire de la planétarité apparaît comme une tentative de penser mondialement hors de la mondialisation capitaliste, de penser globalement hors de la totalité qui recouvre la surface du globe.

Qu’est-ce que les imaginaires culturels et littéraires de la planétarité peuvent nous apprendre sur ce rapport entre la totalité du Capital et la planète comme figure de résistance à la totalisation? Inversement, qu’est-ce que les imaginaires culturels et littéraires de la totalité capitaliste peuvent-nous apprendre sur le passage de la configuration mondiale du capitalisme à sa configuration planétaire? La planète peut-elle être pensée comme un site de production alternatif résistant à la totalité capitaliste, ou représente-elle une nouvelle configuration spatiale et conceptuelle de cette totalité? C’est à ces questionnements que ce colloque se propose de répondre, à partir de l’étude de représentations littéraires et cinématographiques du capitalisme et de la planétarité – pensés aussi bien dans une relation d’interdépendance que dans un rapport opposition – ainsi qu’à partir de réflexions conceptuelles sur les stratégies possibles de résistance à la totalité objective de la domination capitaliste dans un contexte de planétarisation de la pensée et de la culture.

Liste non exhaustive de sujets à aborder :

Planétarité et mondialisation

- Marx et la pensée planétaire

- Pensée planétaire et critique du multiculturalisme néo-libéral

- Imbrication du capitalisme à la production, la réception et la consommation de la littérature

- Féminisme et capitalisme

- Modes de production planétaires alternatifs (autochtones, subalternes, etc.)

- Écologie planétaire

- Micro-récits, anticapitalisme et planétarité

- Post-colonialisme et capitalisme

- Capitalisme et militarisation de l’espace

- Récits de précarité et de vulnérabilité économique

- Récits de dissidence et de résistance au model capitaliste

- « Pétro-fiction » (Petrofiction)

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Modalités de soumission:

Veuillez soumettre des propositions de communications d’environ 300 mots pour des communications de 20 minutes en français. Nous vous invitons également à soumettre des propositions de panels collaboratifs, de tables rondes et/ou de vos créations littéraires.

Nous organiserons aussi une séance plénière pour les travaux de recherche en cours qui portent sur l’une des thématiques mentionnées ci-dessus, et nous invitons les doctorants en voie de terminer leurs thèses à soumettre un résumé de leurs travaux.

Date limite pour toutes les soumissions: le 15 février 2019

Veuillez envoyer votre proposition par voie électronique sous forme d’un document Word à l’adresse suivante : capitalismeplanetaire@gmail.com.

Veuillez envoyer un document séparé avec votre affiliation institutionnelle et une courte notice bio-bibliographique (100-150 mots).

Décision du comité: le 1er mars 2019

 

[1] Marx, Karl, Engels, Friedrich, « Manifeste du parti communiste » dans Philosophie, Paris : Gallimard, 1982, p. 403-404.

[2]  Marx, Engels,  p. 404.   

[3] Conversations de Goethe avec Eckermann, Paris : Gallimard, 1988, p. 204- 206.

[4] Centre de recherche des études littéraires et culturelle sur la planétarité, Énoncé de mission, p. 2.