Questions de société

"Campus France: une nomination ubuesque", par L. Delaporte (mediapart.fr, 27/4/12)

Publié le par Marc Escola

Repéré sur mediapart.fr par SLU:

Etudiants étrangers : une nomination ubuesque, mediapart.fr, Lucie Delaporte, le 27 avril 2012

 

Les nominations dans la haute fonction publique ou les organismes publics vont bon train ces jours-ci. A la veille d’un vraisemblable changement de majorité, il s’agit souvent, pour l’actuelle, de recaser in extremis quelques amis mais aussi de récompenser les plus fidèles soutiens.

Le cas de Campus France, l’organisme chargé de faire la promotion de l’enseignement supérieur français à l’étranger, est à cet égard édifiant. Structure créée sous Claude Allègre, le GIP Campus France – placé sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche – doit changer de statut le 28 avril prochain pour devenir un EPIC (ici le décret de création). Une occasion de nommer une nouvelle direction et tout un conseil d’administration dans cet organisme où travaillent quelque trois cents personnes.

Le maire de Neuilly-Plaisance, ancien sénateur UMP, Christian Demuynck, vient d’en obtenir la présidence, officialisée au Journal officiel ce vendredi. Il y a quelques mois il avait déjà été nommé, à la surprise générale, « préfigurateur » de l’Epic. Sans connaissance particulière du sujet de l’accueil des étudiants étrangers en France, il avait alors écopé de cette mission parce que, persifle-t-on en interne, il menaçait de créer une liste dissidente au Sénat. L’arrivée prochaine de cette personnalité très politique est donc accueillie avec circonspection par les équipes de Campus France.

Gérard Besson, ex-recteur de Clermont-Ferrand, qui a dû laisser sa place à l’ancienne directrice-adjointe de cabinet de Valérie Pécresse, arrive lui comme directeur adjoint. Antoine Grassin, ancien ambassadeur en Bolivie de 2008 à 2011 et ancien conseiller des affaires étrangères, devient directeur général de Campus France (ici les nominations).

Si l’on s’est sans doute habitué en France à ces nominations “renvoi d’ascenseur”, la liste des personnalités nommées au conseil d’administration laisse quand même songeur. Alain Juppé, qui exerce encore pour quelques jours sa tutelle sur l’EPIC, a ainsi réussi à placer Christine Gavini-Chevet, conseillère dans son cabinet, et récemment nommée à la direction des relations internationales des ministères de l’éducation et de la recherche, tandis que Sonia Dubourg-Lavroff, adjointe au maire de Bordeaux, représentera dans la structure les maires de France.

Du côté du ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, on n’est pas en reste puisque sont aussi récompensées les personnalités les plus engagées dans la mise en oeuvre de l’autonomie des universités. Ainsi de Bruno Sire, décoré par Valérie Pécresse, comme « pionnier de l’autonomie des universités », ou Olivier Dugrip, recteur de l’académie de Toulouse.

Au sein de Campus France, on se dit scandalisé par une telle politisation de la structure, « c’est simple ce ne sont que des personnalités de droite », s’exclame un cadre atterré.

Mais le plus ubuesque est sans aucun doute la nomination au sein du Conseil d’administration (la composition intégrale) d’Elodie Degiovanni. Inconnue du grand public, cette directrice du séjour et du travail au ministère de l’intérieur est celle-là même qui a rédigé la fameuse circulaire Guéant qui restreignait l’accès à l’emploi des étudiants étrangers. Une circulaire qui depuis plus d’un an a placé de nombreux étudiants dans des situations très difficiles et a gravement terni l’image de la France auprès des étudiants étrangers.

Le comble, c’est que le “préfigurateur” de Campus France, Christian Demuynck, se rendant compte des ravages provoqués par cette circulaire, s’en était même ému dans une lettre auprès de Claude Guéant. Sa présence au CA dans une structure dont la mission est de favoriser « l’accueil des étudiants et chercheurs étrangers, y compris l’aide à la délivrance des visas et l’hébergement, en appui aux universités, aux écoles et aux autres établissements d’enseignement supérieur et de recherche, ainsi qu’aux collectivités territoriales » est évidemment perçue comme une ultime provocation par le personnel du futur EPIC.

Les associations étudiantes, qui dénonçaient déjà une réduction des moyens, liée à cette fusion – notamment par la suppression de l’activité des CROUS, structures de proximité qui permettent un accueil très large des étudiants étrangers – et doutaient de la volonté politique sur le sujet, savent désormais à quoi s’en tenir.

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