Revue
Nouvelle parution
Cahiers Leiris n°2

Cahiers Leiris n°2

Publié le par Bérenger Boulay (Source : Jean-Sébastien Gallaire)

Cahiers Leiris, revue critique internationale entièrement consacrée à l'écrivain et ethnographe Michel Leiris


Cahiers Leiris n°2. Association des Cahiers Leiris, 2009,  368 p.


  • ISBN : 978-2-9534806-0-3
  • 35 €


Sommaire:


PRÉFACE

Werner Lambersy, « Pour Michel Leiris »

Poème inédit de Werner Lambersy, en hommage à Michel Leiris.

TÉMOIGNAGE

Liliane Meffre, « Michel Leiris et Carl Einstein »

Cet article évoque la spécificité de ma rencontre avec Michel Leiris dans le cadre de mes recherches sur Carl Einstein dès le début des années 1970. J'ai abordé Michel Leiris par ses travaux d'ethnologue et sa participation à la revue Documents que C. Einstein avait cofondé avec Georges Bataille et qui fut le lieu d'une écriture nouvelle sur l'art contemporain. Einstein, auteur de la première analyse formelle de l'art africain dans Negerplastik (1915), porta sur l'art de son temps - celui de Masson, Arp, Miró, Klee - le « regard de l'ethnologue », selon la formule de Leiris, et fit mieux connaître l'ethnologie allemande. Tous deux furent parmi les premiers membres élus de la Société des Africanistes et gardèrent au-delà de « l'aventure de Documents » des liens forts d'amitié et d'estime dans le cercle de Daniel-Henry Kahnweiler.

SURRÉALISME

Tania Collani, « Le merveilleux surréaliste de Michel Leiris et la conciliation avec la modernité »

Michel Leiris joue un rôle fondamental dans les activités surréalistes des années 1920 grâce à ses recherches sur le merveilleux, réunies dans son Essai sur le merveilleux (1925-26). Dans la tendance holistique de sa définition, Leiris avance une théorisation originale du « merveilleux moderne », une sorte de nouvelle philosophie de la vie contemporaine qui dirige les actes et l'imagination des hommes « nouveaux ».

ILLUSTRATION : François LÉVÊQUE, « Série des relectures : Michel Leiris »


Sylvie Boyer, « Michel Leiris, enfant de remplacement : Deuil, crypte et fantôme dans Aurora »

Michel Leiris fut un « enfant de remplacement ». C'est à l'aune d'un lien sororal singulier (qui assigne et assied, dans la généalogie, Leiris en lieu et place d'une enfant morte), « au travail » dans son écriture, que le présent article se trouve élaboré. Aurora, de façon toute particulière, me semble constituer la traduction de l'effort d'objectivation, par Michel Leiris, du deuil blanc de la mère et de ses effets fantômes. Il s'agit, ici, de « traquer » et de déplier les signifiants, les images-mots, de même que les formes et les figures d'une « mort en transmission », lesquels renvoient notamment à diverses représentations d'un corps étranger interne qui ne cesse de hanter le narrateur leirisien. C'est dans le corps que le trauma s'inscrit et c'est la Lettre du corps que les écrits de Michel Leiris tentent d'inscrire à même le Livre devenu habitacle, crypte, boîtier, tombeau.

AUTOBIOGRAPHIE

Marianne Berissi, « Littérature sans mémoire. Lectures d'enfance de Michel Leiris »

Il s'agit d'interroger le motif des lectures d'enfance dans l'oeuvre de Leiris à travers ce qu'il en dit, ce qu'en disent ses textes et de mettre au jour le travail d'une intertextualité archaïque. La bibliothèque virtuelle de l'auteur comprend des textes de statuts variés qui se révèleront fécondants dans l'entreprise autobiographique.
Ces lectures de l'enfance entretissées composent un arrière-plan mémoriel dont nous avons tenté de dénouer les fils. Malgré les effets de brouillage et de sédimentation se dégage un itinéraire discrètement chronologique. La première étape de cet itinéraire renvoie à la conscience flottante de l'enfant assailli par des images et des influences diverses, la deuxième se concentre autour de l'histoire qui occupe une place centrale dans l'univers leirisien, et la troisième se cristallise autour de l'école en retraçant la formation du goût par les lectures scolaires ou privées. La lecture d'enfance s'avère en définitive tout aussi bien une manière de lire qu'une lecture faite dans l'enfance.

Maricela Strungariu, « L'autobiographie leirisienne - Une écriture de soi au miroir de l'autre »

Relevant d'une démarche essentiellement subjective, les textes leirisiens témoignent d'une grande ouverture vers les discours étrangers puisés dans les archives culturelles ramassées et conservées dans la mémoire de l'écrivain. Notre propos est de mettre en lumière certains aspects du travail intertextuel auquel s'emploie l'autobiographe, séduit irrémédiablement par le monde des représentations littéraires, picturales ou musicales. L'écriture personnelle de Leiris, empreinte de dialogisme, laisse deviner les traces des lectures et les affinités intellectuelles, idéologiques et littéraires de l'auteur. Le texte signale sa « présence » et sa place au sein du monde discursif par l'intermédiaire des allusions, des références directes, des emprunts ou des citations. Pour Michel Leiris, ce recours au discours d'autrui est une manière biaisée et métaphorique de se regarder et de parler de soi, une prise de distance par rapport au texte et à la réalité.

ILLUSTRATION : Gabriel FABRE, « Quatre directions »


Jovita Maria Gerheim Noronha, « Autobiographie et Poésie : Murilo Mendes lit Michel Leiris »

Le travail sur le langage pour essayer de dire une vie entreprise par Michel Leiris n'est pas passé inaperçu à l'un de ses contemporains, le poète brésilien surréaliste Murilo Mendes. En témoigne une mention - bien que discrète - du nom de Leiris et, surtout, la présence de plusieurs oeuvres du poète-ethnographe dans la bibliothèque personnelle de Murilo, notamment les trois premiers volumes de La Règle du jeu, soulignés et annotés par lui.
Dans cette étude, nous nous proposons d'examiner comment Murilo s'approprie la démarche autobiographique leirisienne de façon inventive pour écrire ses propres mémoires et comment son geste, son « travail de la citation », se lie à la notion d'« amitié littéraire », s'inscrivant ainsi dans la tradition de l'écrivain argentin Jorge Luis Borges.

ETHNOLOGIE

Sally Price, « Michel Leiris, l'ethnologie française, et les Antilles »

Cet article commence avec des souvenirs de Michel Leiris à la fin de sa vie, quand l'auteur l'a interviewé pour une revue internationale. Il passe ensuite à une comparaison des approches anthropologiques de Leiris et Claude Lévi-Strauss, évoquant en passant les portraits de ces deux hommes exécutés par Susan Sontag. L'article démontre que l'anthropologie pratiquée actuellement un peu partout dans le monde (que l'on appelle « postmoderne » ou pas) s'inscrit - par son insistance sur la réflexivité, son intérêt pour les rapports coloniaux et sa vision de l'hybridité culturelle - davantage dans la lignée de Leiris que dans celle de Lévi-Strauss. Enfin, il relie ces intérêts à l'expérience acquise par Leiris aux Antilles.

Thangam Ravindranathan, « Le regard en miroir : L'Afrique fantôme et L'Inde fantôme »

Sous prétexte de traquer le fantôme, il s'agira, dans L'Afrique fantôme, de relever dans un premier temps ces lieux par où fuit la connaissance, par où fuit l'Autre, pour reconduire le regard ethnographique, l'écriture quotidienne, vers sa limite constitutive, en une inévitable mise en abîme. Celle-ci oeuvre tel l'ombilic freudien, zone de résistance à l'interprétation : l'apparition, la présence de l'Autre paraît alors vouée chez Leiris à s'organiser selon le mode du spectacle ou du rêve. Or, une trentaine d'années plus tard, un long film documentaire de Louis Malle semblerait reconsidérer l'impasse, faisant des points de fuite qui minaient les conditions de possibilité du journal de la mission Dakar-Djibouti. Laissant durer l'image, guettant ces moments où elle relaierait un passage de l'autre côté du miroir, L'Inde Fantôme force le rêve, le déplie en un théâtre hallucinatoire où le regard se renverse en celui, fantôme, de l'Autre.

ILLUSTRATION : MC 1984, « J'habitais autrefois »


Jean-Gérard Lapacherie, « Leiris et l'ethnocentrisme »

Dans Cinq études d'ethnologie (1969), Leiris définit l'ethnocentrisme ainsi : « faire admettre que chaque culture a sa valeur et qu'il n'en est aucune dont une leçon ne puisse être tirée ». Cette définition, assez juste et mesurée, diverge dans de larges proportions avec la définition radicale que l'on rencontre chez les idéologues ou que l'on peut lire dans les dictionnaires actuels (Trésor de la langue française ou Dictionnaire de l'Académie française). Si la définition canonique, celle qu'enregistrent les auteurs de dictionnaires, était utilisée pour rendre compte de telle ou telle analyse ou de telle ou telle prise de position de Leiris sur la Chine ou sur l'art africain par exemple, elle déboucherait sur une caricature de son oeuvre et de sa pensée.

ILLUSTRATION : Gilles de STAAL, « La Passe Hommage à Michel Leiris »


OPÉRA

Thimotée Picard, « Retrouver le sacré rutilent et le ton juste de l'enfance perdue : le modèle opératique dans l'oeuvre de Michel Leiris »

Cet article se propose d'analyser la place qu'occupe l'opéra dans l'oeuvre de Leiris. Il vise tout d'abord à mettre en lumière combien, en réhabilitant un genre hybride et un certain type de plaisir esthétique longtemps considérés comme douteux, l'auteur de L'Âge d'homme fait figure d'exception parmi les écrivains mélomanes de son temps. On tente ensuite de montrer comment l'imaginaire opératique, s'articulant à tous les pans de l'oeuvre de l'écrivain, se transforme peu à peu en modèle. Celui-ci lui permet d'accomplir un des aspects les plus essentiels de son entreprise autobiographique : renouer avec la sacralité ambiguë, merveilleuse et terrifiante, de l'enfance. Enfin, il s'agit d'envisager en quoi, grâce à ce modèle, éthique de vie et éthique de plume sont amenées à se confondre dans une même quête du « ton juste », au diapason du moi. L'enjeu en est l'acceptation de la finitude mais aussi l'intuition d'une possibilité de s'éterniser dans l'écriture.

TAUROMACHIE

Sylvain Santi, « Méthode de la tauromachie »

Nous voulons proposer ici une possible lecture de Miroir de la tauromachie. Ce livre comme une méthode, la mise en oeuvre d'un ensemble de moyens raisonnés destinés à appréhender et décrire les manifestations du sacré, à en construire un concept qui se trouvera au centre d'un véritable système des arts et, enfin, à déceler les modalités précises de l'une de ses figurations les plus puissantes. Ces moyens, nous les avons ramenés à trois grandes opérations que nous nous proposons d'étudier successivement dans les trois chapitres qui suivent : déplacer ; construire ; figurer.

PEINTURE

Annie Pibarot, « Michel Leiris et Francis Bacon, un heureux égarement »

L'objet de cet article est de comprendre les raisons de la fascination que Michel Leiris a éprouvée pour les tableaux de Francis bacon et de voir en quoi cela a pu avoir une influence sur son écriture. On peut d'abord noter un contraste entre l'apparent académisme du style des études de Leiris sur ce peintre et leur intense engagement émotionnel. L'idée d'écoute figurant dans la première : « Ce que m'ont dit les peintures de Francis Bacon » est centrale. Leiris s'est livré à une écoute attentive, il s'est laissé guider et, étrangement, en se laissant porter par l'altérité, il est revenu vers la quête surréaliste présente à l'origine de son écriture. D'où la reprise de rédaction du Glossaire, la publication de Langage Tangage, l'importance accordé au cri dans la dernière partie de son oeuvre et aux rencontres de mots à l'origine d'images, renvoyant à des perceptions antérieures au langage, à l'instar de ce que proposent les toiles de Francis Bacon.

ILLUSTRATION : Paul SANDA, « Vaste seuil de couronnes frôlant le total nu Hommage à Michel Leiris », suivi de « Première nuit à la Barbacane »


HOMMAGE

Jacques Bioulès, « Fil conducteur » suivi de Qui êtes-vous Michel Leiris ?

Pièce de théâtre de Jacques Bioulès représentée du 14 au 25 avril 2009 au Théâtre du Hangar, à Montpellier.

Disons que c'est un intime fil conducteur d'observateur qui a provoqué le désir de construire un moment privilégié avec Michel Leiris, peut-être aussi simplement un instinct sensible à des comportements fondamentaux.
Bâtir un récit, une histoire, un moment, pour peut-être révéler les ornements de plusieurs rêves, ceux de Michel Leiris, et celui de Perspective. Sans concertation aucune, les rêves se croisent avec leur propre définition.
Dans ce parcours, nos deux personnages (bien qu'on puisse penser qu'ils sont trois ou quatre) commentent le lieu, les rêves qui se forment, qui se déforment ; des rêves qui apportent de vieux crissements, des fantasmes, des représentations d'une société.
Devant ces façades d'immeubles qu'ils découvrent, Michel Leiris et Perspective (peut-être avec de précieuses connivences) tentent d'expliquer, de s'expliquer ce qu'ils sont, ce qu'ils aimeraient être ; « ritualiser sans refroidir, communiquer sans galvauder. » Le principe de ce moment de théâtre consacré à Michel Leiris, consiste d'abord à construire un espace, à inventer un espace : une rue en perspective - la maquette d'une rue en perspective - qui va permettre aux langues sèches d'installer des pentes de souvenirs, de détecter les leviers des flammes illustres qui appartiennent au langage.
Une rue faite de façades, de façades uniquement, mais dont les vides qu'elles cachent, qu'elles protègent, sont incapables d'escamoter une activité qui sans cesse se manifeste par des sons, par des bribes d'opéras, par des écrits qui viennent s'inscrire sur les devantures. Peut-être aussi des fantasmes souillés ?
Nous appellerons cela des rêves, des moments de rêve, les moments d'un rêve.
C'est aussi une confession, goutte-à-goutte, qui désire être entendue, regardée. C'est donc à l'intérieur de cette confession que nos personnages (Leiris et Perspective) rôdent. Ils errent, guidés par cette voix qui se nomme La Rumeur, cette voix des forêts primaires qui raconte, qui imagine, qui voyage.
« Voyage : La joie de voir de ses yeux, voilà - ailleurs - l'enjeu ! »
Leurs échanges, leurs conversations sont dans la totalité, extraits de l'oeuvre de Michel Leiris.
Pour les personnages de Perspective, de La voix de la Rumeur et de La Voix Bénévole, disons que c'est dans un vol à l'arraché que les répliques se confectionnent ; c'est-à-dire que leur langage se construit en prenant par-ci par-là des mots, des bribes de phrases dans l'ensemble des écrits de Michel Leiris.
Quant à Michel Leiris, ses répliques sont simplement les siennes ; c'est-à-dire les questions qu'il se pose, les réponses qu'il se propose.
Pour les rêves et les écrits qui sont projetés sur les façades de la rue en perspective, il s'agit tout simplement des rêves de Michel Leiris, que parfois La Voix Bénévole et La Voix de la Rumeur se partagent à dire.
Il y a dans ce lieu des « images et leur verso », il y a « des grandes fuites », il y a « des évasions souterraines », il y a des transcriptions et des instruments d'échanges.
Disons maintenant pour en terminer qu'il est indispensable de ne jamais dérailler. Simplement le besoin de rassembler ces multiples fragments choisis, et tendrement laisser cette palpitation choisir son ornière en évitant de la réduire à un mémorial.


PRIX Libraires : 35 € TTC
ISBN : 978-2-9534806-0-3
FORMAT : 16,5x24 cm
NOMBRE DE PAGES : 368
DIFFUSION/DISTRIBUTION :
Maison du Livre Diffusion Distribution ML2D
25, chemin des Planches
25000 Besançon
Tel. : 02 81 88 14 54

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