Essai
Nouvelle parution
C. Vargaftig, Ma nuit d'octobre

C. Vargaftig, Ma nuit d'octobre

Publié le par Laure Depretto (Source : isabelle Grell)

Cécile Vargaftig, Ma nuit d'octobre,

Nantes: Nouvelles Editions Cécile Defaut, collection "Le Livre La Vie", dirigée par Isabelle Grell

mars 2012.

EAN13 : ISBN9782350183152

Quatrième de couverture

Diderot s'est penché vers moi et m'a dit d'un air grave :-Tu sais que si je suis là c'est que je pense que je peux t'aider ?J'ai eu les larmes aux yeux. Des fois, la simple phrase d'un inconnu peut vous faire chavirer, alors que devant les siens on tient le coup, hardi petit. C'est alors que Diderot a dit, comme s'il entendait décidément mes pensées :- Mais tu n'es pas une inconnue, tu sais. Les sentiments sont toujours réciproques. Les livres que tu lis lisent en toi comme dans un livre.

 

Préface d'Isabelle Grell

« Raconter une histoire, c’est tarte » (Cécile Vargaftig, Ma nuit d’octobre)

Denis n’aime pas les romans mais il affectionne les histoires de désobéissance. Denis, et Jacques, ce fataliste, préfèrent à l’obéissance le désir, l’inconnu, le sauvage, le présent, la vie. Ils trouvent les névroses drôles et sont adeptes de la bonne chair. Denis Diderot aime aussi trinquer à leur santé avec de futurs trépassés. Cécile Vargaftig aime les mathématiques, les contraires, les incompatibles. Elle est du genre d’Etres qui cherchent le rapport entre le cheval et la métaphysique. Cécile côtoie quotidiennement un Animal Fantastique, un Chat du Brésil, une Libellule, un Hippocampe et n’en tire aucun sentiment de supériorité. Depuis toujours elle coudoie les déjà-trépassés  les tutoie, dîne en tête-à-tête avec eux. Elle a l’habitude de  marcher « entre deux éternités » (p. 26). Il allait donc de soi qu’un jour ou l’autre, une nuit ou une autre, ces deux écrivains se rencontrent pour de vrai autour d’une table de cuisine. Ceci arriva précisément un soir d’octobre, à Paris, au début du  XXIème siècle, en 2010. Si ce n’était pas à Paris, c’était autre part.

Peu importe, puisque Cécile Vargaftig, dans Ma nuit d’octobre, avec la générosité qui est la sienne, avec son naturel désarmant, avec son style qui marie le grammaticalement parfait aux ricochets intellectuels magiques, nous transporte avec elle dans un voyage à travers le temps et le langage.  En tournant successivement les 78 pages, nous nous trouvons en train de survoler des lieux où il n’y a pas d’assignation, nous reprenons haleine dans des endroits où l’on mange, avale goulument la parole, où l’on remplit ses poumons du souffle expiré de l’autre pour le ressusciter. Ce livre est un des rares où la discussion est vraie, le rire est franc, la séduction langagière est voluptueuse, où une certaine Cécile Vargaftig apparaît, vient vers nous, s’offre, illumine l’obscur et, simultanément, presque douloureusement, se retire, se soustrait à une curiosité qui pourrait être étouffante. Avec sa Nuit d’octobre, Cécile Vargaftig, l’inapprivoisable, a commis un miracle comme on commet un crime: elle a gommé la démarcation entre les livres et la vie, elle a dépoussiéré les frontières du purement physique pour qu’enfin on se dise que oui, « les temps changent tous les jours. » (p. 46) Exit de la fatalité.