Édition
Nouvelle parution
C. Simon, La Séparation (inédit)

C. Simon, La Séparation (inédit)

Publié le par Marc Escola

Claude Simon,

La Séparation

éd. M. Calle-Grüber

Date de parution : 29/01/2019
Editeur : Chemin de Fer (Editions du)
ISBN : 978-2-490356-04-1
EAN : 9782490356041
Nb. de pages : 160 p.

 

Je pense à ce corps : jamais il n’aura connu, jamais elle, jamais un homme n’aura…… Exactement comme au jour de sa naissance ! C’est comme si tout ce qui dépassait de ses robes, les mains, la figure, avait jauni, vieilli, mais qu’en dessous elle était restée comme au premier jour : avec cette grosse tête disproportionnée qui fait qu’elle fait penser à un nouveau-né, vous savez : tout de suite, quand ils ont encore leur affreuse tête chauve et ridée de petits vieux, comme s’ils venaient au monde avec le visage qu’ils auront le jour de leur mort, hurlant, épouvantés, comme s’ils savaient déjà prophétiquement tout ce qui les attend… (Un temps.) Tout ce qui NOUS attend !… (Un temps.) Oui. La vallée de larmes… (Un temps.) Comme si Dieu nous envoyait sur terre avec le visage que nous aurons quand il nous rappellera à lui. Comme si quelque part il y avait ces interchangeables têtes ridées et qu’on les reprenne simplement chaque fois pour les remettre telles quelles sur un corps neuf sans même prendre la peine d’effacer les traces de tout ce qu’on a souffert.

*
La séparation est la seule pièce de théâtre écrite par Claude Simon, dont le texte est resté inédit jusqu’alors. Jouée à Paris, au Théâtre de Lutèce en 1963, en pleine querelle du nouveau roman, elle déclencha polémique et malentendu. Là où l’on attendait un avant-gardisme démonstratif, Claude Simon se référait à la tragédie grecque et livrait, sur les motifs de son roman L’herbe, paru en 1958, une œuvre profondément originale et inattendue. Il se saisit de l’irrémédiable présent du théâtre, et sans fin les protagonistes de La Séparation peuvent se donner la réplique, se dupliquer, se doubler, recommencer à ne pas se séparer.

Le texte de la pièce est accompagné d’un cahier iconographique de 16 pages, et d’une postface de Mireille Calle-Gruber, et d’annexes (interview de Claude Simon pour Le Monde, notes inédites de Claude Simon sur le théâtre et sur la mort de sa tante Mie).

La séparation, bien plus que la mince cloison entre le cabinet de toilette de Louise et celui de sa belle-mère, Sabine, bien plus que le départ imminent de la jeune femme qui songe à quitter son mari, Georges, bien plus même que la mort de la vieille tante de Georges qui agonise dans la pièce voisine, ne serait-ce pas cette fragile enveloppe, à l’intérieur des êtres qui persiste à isoler, de ce qu’ils disent et font, ce qu’ils sont : l’écran qui les empêche, à la limite, de “s’entendre” eux-mêmes ?

Pourtant, les mensonges que Louise et Georges, et la mère et le père de Georges, prodiguent aux autres ou à soi sous les dehors d’une famille bourgeoise respectable et unie sont, à leur insu, de terribles témoins. Tout se passe sous les mots qu’on prononce, comme le tracé d’un ruisseau souterrain est révélé dans les champs par une herbe plus verte. La seule eau qui coule claire, le seul être qui soit ici vrai, on ne l’entend ni le voit et il est en train de mourir. Mais les autres, depuis quand ont-ils cessé de vivre ?” — Claude Simon

Voir le site de l'éditeur…

*

On peut lire sur en-attendant-nadeau.fr un article sur cet ouvrage :

"La mort en coulisse", par Gérard Cartier

Un texte inédit de Claude Simon est en soi un évènement. Après Le cheval (aux mêmes éditions, 2015), on doit à Mireille Calle-Gruber la publication de la seule pièce de théâtre du grand romancier, exhumée de ses manuscrits (conservés à la bibliothèque littéraire Jacques-Doucet), les éditions de Minuit ayant, à l’époque, refusé de la publier. La séparation fut jouée en mars 1963 au Théâtre de Lutèce, cinq ans après la publication de L’herbe, dont elle reprend la trame et les motifs.