Essai
Nouvelle parution
C. Noirot-Maguire,

C. Noirot-Maguire, "Entre deux airs". Style simple et ethos poétique chez Clément Marot et Joachim Du Bellay (1515-1560)

Publié le par Marion Moreau (Source : François Mireault)

Corinne Noirot-Maguire, "Entre deux airs". Style simple et ethos poétique chez Clément Marot et Joachim Du Bellay (1515-1560)

Québec : PUL, Collections de la République des Lettres - Série Études, 2012.
776 p.
Prix 85$ CAD

EAN : 9782763788272.

Présentation de l'éditeur :
Rhétorique et poétique entretiennent à la Renaissance un dialogue fructueux et tendu, qu’éclaire dans cet essai l’examen comparatif et rarement pratiqué de deux poètes traditionnellement opposés. Clément Marot et Joachim Du Bellay font ici l’objet d’un parallèle qui ne raisonne pas en termes d’influence du premier sur le second, les deux projets poétiques restant très contrastés. De part et d’autre du prétendu fossé de 1550, Marot et Du Bellay choisirent chacun à leur manière de ressusciter et de reconvertir le style simple (ou bas) de la tradition rhétorique, le genus humile ou subtile. Comment, pourquoi oser ainsi revendiquer le moins lyrique et le plus prosaïque des genres de discours ? Si humanisme, évangélisme et gallicanisme sous-tendent en partie cette appropriation historicisée d’un style, un discours moral non moralisateur (paix, amitié, prudence, modération) s’y allie plus profondément à un fort degré de projection personnelle. Cette dimension éthique omniprésente se confronte aux contradictions intrinsèques à la notion même de style simple, renforcées au contact de la haute idée de la poésie qui caractérise la Renaissance française. L’idée de « poéthique » s’étoffera au fil de l’essai, pour substituer aux labels strictement rhétoriques la notion de style éthique ou style de l’ethos. L’ethos au sens large, comme principe poétique, repose chez Marot sur la Grâce, et chez Du Bellay sur la Vertu. Partiellement idiosyncrasique mais de portée bien plus vaste qu’une simple esthétique individuelle, le style de l’ethos se réalise chez le subtil Marot à travers la charité enjouée de l’« humilité gracieuse », et chez le fin Du Bellay à travers l’héroïsme discret de l’« humiliation vertueuse ». L’Angevin et le Quercinois raffinent le simple et rehaussent le bas, ainsi activement (re)convertis dans une pensée poéthique.

Corinne Noirot-Maguire, ancienne élève de l’École Normale Supérieure de Fontenay/Lyon, enseigne la littérature, la civilisation et la langue françaises à Virginia Tech. Codirectrice de l’anthologie critique « Revelations of Character » : Ethos, Rhetoric and Moral Philosophy in Montaigne (Cambridge Scholars, 2007) avec Valérie Dionne, elle a publié une douzaine d’articles sur les oeuvres en vers de Marot, Ronsard, Du Bellay, Peletier, La Taille, Vian, Cretin et Goudezki, et les oeuvres en prose de Rabelais et Montaigne.

Sommaire:

Avant-propo: La rencontre apparemment fortuite du style simple et de la poésie

Petit florilège critique sur la « simplicité » de Marot et Du Bellay

Plan d’étude

Préambule: Synopsis théorique sur la rtorique style simple

Chapitre I : Autour de Cicéron : la tradition classique

A. La hiérarchie des genera dicendi : dichotomie ou tripartition ?

1. Bipartition « naturaliste » : le fort et le fluet, sang et santé, ethos et pathos

2. Tripartion externe, dichotomie interne

B. La fonction du docere : narration et conciliation

1. Narration et argumentation : clarté, vraisemblance, brièveté

2. Conciliation : ethos, bonitas, captatio

C. La caution du decorum : libération et limitation

1. Decorum, ou le mélange indécent : roue de Virgile et personae

2. Sermo et subtilitas : apparence d’usage et de précision fine

3. Oratio soluta, affranchissement syntaxique et possibilités métriques

4. Elegantia : ornement minimal et économie raffinée

D. La séduction d’un delectare éthique : sel, « naïf » et ethos

1. Sales et facetia : l’art du plaisant

2. L’ambivalence du « naïf »

3. La force de l’ethos

Chapitre II : Autour d’Augustin : la tradition chrétienne

A. Le delectare subordonné et la variété au service de la vérité

1. Le style « fleuri » et la période en question

2. La polyvalence du style simple et la variété en discours

B. Le docere et la compréhension de la vérité

1. La matière sublime de la sagesse divine

2. L’impératif de clarté

C. Le movere et l’efficacité naturelle de la vérité

1. Le vrai émeut le coeur

2. La prière et le style personnel

D. Érasme : sermo communicable et decorum charitable

1. « In initio erat Sermo »

2. La charité et l’accommodation

Conclusion du Préambule

Première partie: Clément Marot ou lhumilité gracieuse

Chapitre I : Réflexivité et recusatio : aspects génériques de la simplicité marotique

A. Dédoublement spéculaire

1. Remarques sur l’ethos pastoral marotique

a) L’itinéraire du pastoureau selon l’Eglogue au Roy de 1539

b) Le decorum socio-poétique de la fureur basse

2. Complications paratextuelles du simple

3. Les rondeaux et la simple spécularité

a) Le grand art du petit rien

b) Comment louer rondement

4. Topique du haut et du bas : du socio-poétique au métapoétique

a) « Le moindre et plus petit servant » : le Despourvu

b) « Grant mercy, ma Muse petite »

5. Le Égrand oeuvre » toujours à venir

B. La recusatio des grands genres et la hauteur à humilier

1. Perspective « historiographique » : l’inconvenance épique

a) De la translatio au transitus : la paix sans Hélène

b) L’Éloge inconvenant, l’heur d’Enghien et l’infortune de la muse héroïque

2. L’encomiastique revisité : humilier la hauteur, exalter l’humilité

a) Autour de Florimond Robertet : l’éloge du héros mort sans pathos tragique

b) Les « courtes histoires » du Cymetiere et l’humiliation salutaire

3. Rabaissement stylistique : ethos burlesque sans pathos chevaleresque

a) Maigre gauloiserie des hercules

b) Bourgeon et Raisin, ou comment ne pas tourner au vinaigre

c) « Mon los meritoire [...] en petite Hystoire »

Chapitre II : La pragmatique familière de l’épître marotique : entre diversion et conversion

A. « Je rime en prose » : épître en vers et épître familière

1. Imago sermonis : la conversation épistolaire

2. Familiarité et sociabilité étendues

3. L’épître en vers et la simplicité familière

a) « Rimer en prose » et l’identité communautaire

b) Quand le simple est double : vers une autre familiarité

4. Narration personnelle, sans (l’)histoire

B. Dérobade facétieuse et détrousse : au roi, qui aura été dérobé

1. Narration et économie ludique

2. Divertir : le Gascon de la farce

3. Le « gracioso » et le « naïf »

4. Triomphe de la persona ironique

5. Mauvaise bague mais de bonne humeur

6. Le don d’une dette

7. Le crédit domestique

C. Décharge sérieuse et détresse : au roi, du serviteur exilé à Ferrare

1. Juge(s) et partie(s)

2. « L’ignorante Sorbonne »

3. Médisants et martyr : vrais et faux témoins

4. Au nom du Fils, et puis au Père

5. Les livres, le Livre et le libre-arbitre

6. La nef au gré du vent

7. L’innocent exilé

Chapitre III : Le pathos atténué de l’élégie marotique : pour un lyrisme éthique

A. Instabilité générique de l’élégie renaissante et marotique

1. Oscillation du genre ou genre de l’oscillation ?

2. La disposition des « Elegies de l’Autheur » : situation dans la Suite et enchaînement dialogique

3. L’ambivalence élégiaque au-delà de l’élégie

a) Le doux-amer christianisé et les « élégies déploratives »

b) L’amour ferme dans l’infortune : Maguelonne plus qu’Hero

B. Un lyrisme empathique plus que pathétique ?

1. Vers un humble amour

a) « En cas d’amour » : baisser le ton

b) La recusatio selon la première élégie

c) Pétrarque malséant

2. L’extension sympathique du sujet lyrique

a) L’utopie topique des francs bergers

b) Simple persona

3. L’apologie du coeur

a) Le coeur exprimé

b) Le coeur éprouvé

Chapitre IV : Simplicité évangélique et grâce poétique, ou comment l’esprit convertit

A. L’amitié ou la juste intersubjectivité

1. Charité et humilité : le lien délié

a) L’amitié : entre le haut et le bas

b) L’union libre dans la charité

2. « Ne plaidons plus, ce n’est que tout esmoy »

a) Le sermo du banquet

b) … contre la contentio du procès

B. Le sublime du simple communiqué

1. Matière sublime et manière humble

a) Faire entendre à la lettre : le simple docere

b) Le Verbe dans la voix selon les préfaces des Psaumes

2. L’instrument transmueur

3. Quel ornement enlumine

a) Le bien de ma lettre est dans l’esprit

b) Le coeur revêtu de vertu

c) Déflation de la pompe

C. Douce grâce efficace : le bon delectare

1. Les métaphores vives de la grâce et de l’esprit

2. Sel et douceur poétiques

a) Efficace douce de la parole

b) Sel, decorum et bonne(s) grâce(s)

c) Le sel pour tout potage : l’« Epître au Chancelier Du Prat »

D. En guise de conclusion : le badin gracieux « Balladin »

1. Christine et Symmonne : la grâce et la disgrâce

2. Recevoir la parole gracieuse

3. Vivre la conversion

Seconde partie: Joachim Du Bellay ou lhumiliation vertueuse

Chapitre I : Limitation morale et politique : le sentier de vertu

A. La translatio restreinte

1. Temporalité inquiète et restriction de champ

a) Cycles destructeurs

b) Restriction au propre

2. Pour une grandeur sans hybris ?

a) La juste voie de la Monarchie

b) L’hybris à conjurer

B. Les seconds seront les premiers

1. Le problème des premiers

2. La vertu des seconds

a) Le second comme pionnier de son temps

b) La Marguerite à nulle autre seconde

3. La mort de Palinure : le second sacrifié

a) L’ami qui seconde

b) Ethos et pathos du héros obscur

c) « Translater » les yeux ouverts

C. L’épreuve du chemin de vertu

1. « L’Épineux chemin » et ses labeurs

2. La prudence à l’épreuve

3. Inquiète patience : espérer et se réserver

Chapitre II : Humiliation amoureuse et passionnelle : « Les aeles je luy couppe, et debende les yeux »

A. Résistance au ravissement aliénant

1. Forcé(e) et forcené(e) : la relation idolâtre

a) Obnubilé d’Olive : la persona altérée

b) Olive aux vains ornements

c) Le supplice des XIII. Sonnetz de l’Honneste Amour

2. L’envers de la métamorphose ronsardienne

B. Courtisanerie ou honnêteté ?

1. « Humbles voeux » pour les dames (Vers lyriques) : Du Bellay philogame

a) « Faites à l’amour humbles voeux / Qu’à Jupiter ne vous octroie »

b) « D’un son tragic tout etrange et divers »

2. Foi et honnêteté, pour un chaste lien

3. Contrefaire pour plaire, à la courtisane

C. L’Amour démystifié et le movere délimité

1. Rire et pitié, ou l’altération contrebalancée

a) Rire de Ronsard et des ambitieux

b) Qui mérite pitié ?

c) Le regard des Regrets entre rire et pitié

2. « Un beau Protée en passions je suis »

a) Structure des recueils et affectation des formes

b) L’inconstance comme sujet, avec et contre Ronsard : douceur, variété, amitié poétique

c) L’imperfection comme objet : vers la compréhension poétique

Chapitre III : Le mélange assimilateur des Divers jeux rustiques : travailler la nature et l’altération

A. Imitation, altération, naturalisation : le mélange expérimental

1. Au fil du recueil : variété et appropriation

2. Recueil et recusatio : le plaisir ludique qui rassemble

3. Don de douceur(s) : le repos du guerrier Duthier

4. Le Moretum de Virgile : mélange spéculaire, mélange créateur

B. Mimèsis amoureuse et équivalence altérée

1. Équivalence mimétique : quand la nature imite l’amour

2. Magny et son « style doux » : totalisation mimétique ?

3. Contre les Petrarquistes : peut-on plaire sans contrefaire ?

a) Arrière les imposteurs

b) Retour à la franchise appropriée

c) Quand dire c’est faire (bien et plaisir)

C. Fruits de la restriction : dépouilles, consomption, mutation

1. Le fruit de cendre du vain sacrifice

a) Structure votive et dépouilles poétiques

b) La consomption furieuse exorcisée

2. La franchise, reste d’ardeur contre la fureur

a) Le franc et honnête service

b) Égale vertu : vers quel Hercule ?

Chapitre IV : Humiliation poétique et limitation lyrique : la voie mineure du doux labeur

A. Vu d’en bas : en retrait de la hauteur

1. De petit, être grandi

a) Petit rien

b) Humble et bas

c) Bas et doux

2. La grandeur est ailleurs

a) Le sujet qui aspire : Marguerite, aimant lyrique

b) La puissance en puissance et l’occasion d’Élever

c) Comparatifs, hyperonymes, allusiones : quelques « simplificateurs » stylistiques

3. Plaisir noble et tempéré : moindre ardeur et doux labeur

a) Doux labeur poétique et nonchalance aristocratique

b) Dévoué à la poésie, sans hérésie ni superstition

c) Le doux labeur intensifié par le malheur à enchanter

B. L’Odyssée intérieure du nouveau labeur

1. Ambivalence des Regrets : perte ou guérison de la fureur ?

2. La conversion de la fable selon les Oeuvres de l’invention de l’Autheur et Les Regrets : l’ancien et le nouveau

3. Du Bellay et Janet (Regrets XXI), ou l’art du naturel délimité

a) La souche et sa verte sécheresse

b) Le lent sermo resserré et délié

c) La facétie pour relativiser

d) Janet le petit et le grand Michel-Ange : qui peint d’après nature ?

C. Coda : L’équivalence intérieure ou l’être à l’écoute selon l’Hymne de la Surdité

1. Limiter l’aliénation sociale

2. Signifier l’équivalence poétique

3. Suggérer la mutation ontologique

Conclusion: Humilité gracieuse, humiliation vertueuse

Au terme d’un parcours pédestre : conscience littéraire et réflexivité

Le pari du parallèle : en vertu de la grâce et grâce à la vertu

Marot ou l’humilité gracieuse

Du Bellay ou l’humiliation vertueuse

Continuité et différence dans l’engagement

Pour la poétique : style éthique, allusion, générativité

Poét(h)ique des genres

Style éthique contre style pathÉéique

Le simple est double

Générativité : naturel, douceur, conversion

Bibliographie