Essai
Nouvelle parution
C. Belzunce, Racaille! Comme disait Racine. Les gros mots des grands classiques

C. Belzunce, Racaille! Comme disait Racine. Les gros mots des grands classiques

Publié le par Marc Escola

"Racaille !", comme disait Racine. Les gros mots des grands classiques
Christophe Belzunce


Paru le : 25/03/2010
Editeur : Seuil
ISBN : 978-2-02-098451-5
EAN : 9782020984515
Nb. de pages : 221 pages

Prix éditeur : 12,00€


À l'origine des gros mots, on trouve bien souvent des grands auteurs. Le livre qui redonne sa légitimité à l'argot.

Chez Flaubert, on "schlingue d'une façon fantastique" et chez Hugo on "pue de la gueule".
Balzac manque de "thunes ", Vallès de " pognon ", Proust de "pépètes" et Zola n'a même plus "un radis". Marot "bouffe" et Montesquieu "se fout" de tout. Dans ce dictionnaire, on croise des "pouffiasses" chez les Goncourt, des "maquereaux" chez d'Aubigné, des "racailles" chez Calvin et de simples " flics" chez Verlaine. Mauvaises fréquentations ! Mais qui ébranlent la vision, souvent bien étroite, que nous avons de notre langue et de notre patrimoine littéraire — en un mot, du temps.

Dans Le Monde des livres, article de M. Contat paru dans l'édition du 09.04.10:

http://www.lemonde.fr/livres/article/2010/04/08/racaille-comme-disait-racine-les-gros-mots-des-grands-classiques-de-christophe-belzunce_1330400_3260.html

On ne fréquente pas les grands classiques de la littérature pour y trouver des gros mots ou des expressions scabreuses, sauf peut-être Rabelais. D'ailleurs, si on cherche des émois, l'étroit vocabulaire de Jean Racine peut suffire amplement. "Belle, sans ornements, dans le simple appareil/D'une beauté qu'on vient d'arracher au sommeil" (Les Plaideurs) en dit plus en matière d'érotisme que bien des évocations salaces.

Il y a quand même des ambiguïtés célèbres. Du temps où l'on se frottait d'humanités, les potaches de France se récitaient avec un clin d'oeil l'alexandrin immortel de Polyeucte : "Et le désir s'accroît quand l'effet se recule." Son équivoque (voulue ?) avait été révélée au début du XXe siècle par deux drôles, Reboux et Muller, dans A la manière de..., au moyen de cet apocryphe attribué à Racine : "Et dans mon sein trois fois ce fer a repassé." Un auteur pétri de culture, Christophe Belzunce, vient de parcourir les classiques le nez ouvert sur les mots qu'on s'attendrait plutôt à trouver chez San Antonio. De qui, le "Putzel (le chien) schlingue d'une façon fantastique" ? De Flaubert. Parfaitement dégoûtant, le même verbe est employé aussi par Victor Hugo dans Les Misérables : "C'est très mauvais de ne pas dormir. Ça vous ferait schlinguer du couloir, ou, comme on dit dans le grand monde, puer de la gueule." L'origine de ce mot, peu claire, pourrait être l'allemand schlagen - frapper, fouetter, avec le même sens que le français pour "fouetter" ou "cogner". En effet...

C'est Victor Hugo encore qui nous apprend que "la tête d'un voleur a deux noms : la sorbonne, quand elle médite, raisonne et conseille le crime ; la tronche, quand le bourreau la coupe". Remontons dans le temps. On ne va pas se faciliter la quête en allant chercher chez le marquis de Sade, au riche vocabulaire de la turlute. Plus haut, en 1625, on trouve Théophile de Viau, généreux en licences de tous ordres, comme dans ce quintil : "Mille morpions rangés au bord/Tous plats battus et demi-morts,/Tenaient leur général concile,/Pour ronger l'onguent vérolé/Qui leur a quatre fois volé/Le poil qui leur servait d'asile." Qui aurait imaginé que le vertueux Montesquieu usait du mot "foutre", comme dans cette apostrophe : "Monsieur, je me fous de vous, de votre femme, de vos parents et de tous vos laquais qui, à force d'être fripons, sont devenus fermiers" (receveurs des impôts) ? Voilà qui est énergique, autant que "les petits fouille-merde" dénoncés, en 1578, par Pierre de l'Estoile dans sa Chronique du règne de Henri III, ou le "racaille" qui a valu tant de déboires, quand il n'était que ministre, au Nicolas régnant à l'Elysée. "Racaille", comme disait Racine, le titre de l'ouvrage auquel nous empruntons quelques citations, trompe d'ailleurs allégrement son monde, comme le révèle le livre en toute candeur. C'est Jean Calvin qui, en 1559, use de ce mot dangereux : "Je parle de plusieurs anabaptistes, et principalement de ceux qui appètent être dits spirituels, et telle racaille comme sont les Jésuites et autres sectes."

Par Michel Contat