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Bonheur et mièvrerie. « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux » - Dire le bonheur : gageure littéraire ?

Bonheur et mièvrerie. « Les chants désespérés sont les chants les plus beaux » - Dire le bonheur : gageure littéraire ?

Publié le par Université de Lausanne (Source : Guilhem Armand)

Journée d’études du 25 novembre 2016,

organisée par Guilhem Armand – EA DIRE 7387.

Université de La Réunion, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines

 

Les contes de fées, après avoir entraîné leur héros – le plus souvent innocent – à travers de terrifiantes aventures, s’achèvent par le traditionnel « ils se marièrent et eurent beaucoup d’enfants ». L’expression du bonheur, des plus conventionnelles, demeure un sommaire laissé en suspens. Libre au lecteur d’imaginer la suite, hors de question de la conter. C’est que narrer ou représenter les moments heureux semblent relever de cette littérature facile, c’est à peine si elle mérite le nom de littérature. Les « belles histoires d’amour » qui finissent bien relèvent du roman de gare, ou rappellent la série « Arlequin ». Mais peut-on seulement y associer un titre d’ouvrage ou un auteur ayant marqué son époque, si ce n’est pour s’en moquer, à l’instar de Barbara Cartland ? Les ouvrages de Marc Lévy, voire ceux de Paolo Coelho, véritables recueils de citations sur le bonheur, sont bien souvent associés à la notion péjorative de mièvrerie. Dans le théâtre classique français, la tragédie est un genre noble bien au-dessus de la comédie. Encore celle-ci a beau s’achever d’heureuse façon – et la fin peut s’avérer ambiguë, si l’on pense, par exemple au Misanthrope – l’histoire représentée sur scène ne l’est jamais. Le drame sérieux, tout centré sur le pathétique, s’achève généralement sur une explosion de joie qui apparaît comme le début d’un bonheur nouveau et durable. Mais cette fin contribue fortement à la dépréciation du genre… comme si seuls le malheur ou l’ironie pouvaient avoir une valeur artistique. Même les récits d’enfance, de cette période traditionnellement caractérisée par la joie et l’innocence, ne semblent avoir d’intérêt que si celle-ci est malheureuse ou qu’a contrario elle nourrit la nostalgie présente du sujet. Inversement, n’y a-t-il pas une certaine complaisance du littéraire dans le malheur ? A la noblesse du désespoir, s’opposerait le bonheur, étrangement devenu ignoble – au sens étymologique – en littérature.

Cette exclusion paradoxale – et peut-être simplement apparente – du champ littéraire pose un certain nombre de questions, à commencer par celle de la raison de cette exception. Pourquoi le bonheur, objet de tant de philosophies, est-il « indicible » ? L’explication relève-t-elle justement de la philosophie : il s’agirait d’un concept trop complexe et donc l’art ne saurait l’exprimer ? Ou bien d’une conception littéraire : un objet trop « bas », sans profondeur, relativement au malheur – dont la représentation peut entraîner la catharsis – ou à la perspective critique qui a une vertu pédagogique ?

Plusieurs pistes d’études s’offrent à la réflexion :

  • L’ignoble bonheur : pourquoi l’expression de la tristesse serait-elle plus noble ou moins impudique, peut-être, que celle du bonheur ?
  • Les champs du bonheur : existe-t-il un corpus littéraire qui dise le bonheur sans fard ? La littérature de jeunesse, par exemple, est-elle atteinte par le cynisme ou le recul des adultes qui l’écrivent ?
  • L’ « indicible » bonheur : l’est-il vraiment ? A contrario, où et comment le bonheur est-il dit ? suggéré ? Est-il bien le point d’orgue de l’œuvre littéraire en question ou a-t-il un intérêt autre : expression du contraste, de la nostalgie, etc. ?
  • Bonheur et mièvrerie : à partir de quand et pourquoi l’expression du moment heureux bascule-t-elle dans la mièvrerie ?
  • Bonheur, pudeur, prudence : comment les auteurs se préservent-ils de cet écueil ? Que dit l’ironie ou le recul critique de l’écrivain à l’égard de cet objet ?
  • Bonheur et évolution : les conceptions du bonheur en font généralement un état durable – par opposition, notamment, à la joie – et donc immobile qui s’oppose à l’idée de progrès ou de progression. La célèbre dispute philosophique entre Rousseau et le « mondain » Voltaire est-elle bien close ?
  • Bonheur et erreur : Du Ravi de la crèche (ou l’idiot du village) au héros aveuglé qui ne percevait pas qu’il vivait dans l’illusion, comment le personnage heureux est-il traité dans les pièces de théâtre et les romans ? Etat de grâce ou preuve de naïveté ?

Les questions sont déjà nombreuses, aussi ce projet de recherches se fera-t-il en deux temps : d’abord une journée de recherches le 18 novembre 2016 à l’Université de La Réunion ; puis un appel à contributions centré sur les points qui méritent encore un approfondissement. L’ensemble des articles sera ensuite soumis à un comité de lecture en vue d’une publication collective en 2017.

Nous invitons toute personne intéressée à participer à nous faire parvenir une proposition de 300 mots ainsi qu’une courte bio-bibliographie (200 mots) au plus tard le 25 mars 2016 à guilhem.a2@wanadoo.fr.