Questions de société

"Blocage des facs : des médias aux ordres" (Marianne 2, 13/05/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Marianne 2:

Blocage des facs : des médias aux ordres

http://www.marianne2.fr/Blocage-des-facs-des-medias-aux-ordres_a179612.html?com

par Anna Alter | Mercredi 13 Mai 2009.

Pourquoi la presse s'obstine-t-elle à faire sien le discours dugouvernement, à dire que le blocage des universités est le fait dequelques gauchistes?

Aprèsavoir contaminé toutes les unes des journaux, le virus A/H1N1 a étééradiqué même des pages intérieures de nos quotidiens nationaux… cédantla place à une soi-disant fièvre gauchiste qui bloquerait lesétablissements universitaires. Le malaise des universités n'est pas unepandémie et pourtant comme pour la grippe A, les médias répercutent àla lettre la communication du gouvernement. Autant dans le cadre duplan anti-pandémie, les journalistes n'ont fait que leur devoir enretransmettant les informations du ministère de la Santé pour établirun climat de confiance au cas où on serait amené à prendre des mesuresdraconiennes pour enrayer la contagion. Autant dans le cas duchangement de statut des enseignants -chercheurs il estincompréhensible voire choquant que la presse réponde de manièrequasi-pavlovienne au plan com' du ministère de la Recherche et del'Enseignement Supérieur et répande de fausses bonnes nouvelles. Avecla bénédiction de Nicolas Sarkozy, Valérie Pécresse de concert avecFrançois Fillon, a laissé pourrir la situation pendant quatre mois et,à la veille de la fin de l'année scolaire, accuse une poussée del'extrême gauche de paralyser les facs, de menacer les examens et decompromettre l'avenir des jeunes adultes. Les observateurs qui ontsuivi le mouvement ne peuvent ignorer que les personnels de gauchecomme de droite ont décidé la grève le 2 février.

Une semaineauparavant Nicolas Sarkozy les avait chauffés à blanc en tenant despropos dignes du café du commerce, mais indignes d'un chef d'Etat.« Jeveux pas être désagréable mais à budget comparable un chercheurfrançais publie 30 à 50% moins qu'un chercheur britannique danscertains secteurs, écoutez évidemment si on ne veut pas voir ça, jevous remercie d'être venu, il y a la lumière, c'est chauffé. »Contrairement à ce que laisse entendre ce discours du 22 janvier quicherchait à discréditer nos cerveaux dans les têtes des citoyens, nosuniversitaires bossent plus que dans les pays voisins, pour gagnermoins, et sont durement sélectionnés et testés, à tel point que lesjeunes se détournent de ces carrières. Contrairement à ce qui se ditici et là et surtout au sommet de l'Etat, ils ne défendent pas leursprivilèges, ni le droit de glander ou de ne pas être évalués.Contrairement à ce que craignent les parents, ils ne veulent paspénaliser les étudiants qui d'ailleurs les ont en majorité soutenusparce que les réformes en cours vont non seulement alourdir la chargede travail des profs mais aussi réduire la quantité voire la qualitédes enseignements. « Mieux vaut une année blanche que foncer dans le mur», note Luc Valentin, physicien historique de Paris VII qui n'a rien d'une tête brûlée et trouve « obscène» la façon dont a été traité le mouvement par les politiques et dans la presse aux ordres.

Enfait, les enseignants - chercheurs refusent en bloc un texte qui lesplace sous la coupe réglée d'un Président omniscient, omnipuissant,omniprésent nommé à la direction de leurs Facultés. Un clone de Sarkozyqui, c'est humain, favoriserait les courtisans, renforcerait leclientélisme, disposerait de leur carrière et, autonomie del'Université oblige, dépenserait le budget à sa guise.  Contre cesprétendues «preuves d'amour» (voir la vidéo sur le site de Marianne 2) deleur ministre de tutelle ( à l'égard de qui ?), ils ont fait preuve debeaucoup d'humour et de patience.


Mais après plusieurs réécritures « cosmétiques» du « décret» et huitsemaines grève, Valérie Pécresse a dit non à toutes leursrevendications. Opérer le grand huit sans raccrocher les wagonnetsc'était dangereux,  et depuis les incidents se multiplient. Le fameuxdécret a été validé pendant les vacances de Pâques en tentant de fairecroire à l'opinion, via les médias, qu'il avait été discuté, remanié,lu et approuvé par la majorité alors que les crânes d'oeuf ont étéchocolat : les simulacres de concertations n'ont pas tenu compte deleurs analyses ni de leurs suggestions. Si le  mouvement se radicalise,à qui la faute ?
Une minorité de blocage empêcherait le retour à la normale, assurentles communiqués officiels, retranscrits dans les journaux. Mais alorspourquoi le gouvernement se sent-il obligé de concocter une loi pourpermettre aux Présidents  qui l'ont soutenu de ne pas se faire éjecterde leur poste aux prochaines élections internes ? Le 5 Mai, BenoistApparu, député UMP de la Marne et ancien rapporteur de la loi LRU adéposé une proposition à l'Assemblée dans ce sens.

Si le texte passe, les membres extérieurs du Comité d'Administration,triés sur le volet par le Big boss de leur faculté, participeront àl'élection. Octroyer ce droit de vote à des amis reviendrait de facto ànommer son successeur et pourquoi pas s'autoproclamer Président à vie.Comme dit le dicton, on n'est jamais aussi bien servi que par soi-même…