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Bibliothérapies d’ailleurs :des Mille et une nuits au manga

Bibliothérapies d’ailleurs :des Mille et une nuits au manga

Publié le par Alexandre Gefen (Source : Victoire Feuillebois)

 

Bibliothérapies d’ailleurs : des Mille et une nuits au manga

Colloque international organisé par Victoire Feuillebois 

(Groupe d’Études Orientales, Slaves et Néo-helléniques [GEO], UR 1340) 

et Anthony Mangeon (Configurations littéraires [CL], UR 1337)

Avec le soutien des « initiatives d’excellence » de l’Université de Strasbourg 

(IdEx Attractivité) 

Et dans le cadre de l’institut thématique interdisciplinaire LETHICA 

(lettres, éthique et arts)

27-29 Janvier 2021

Université de Strasbourg

 

            L’idée que le livre soigne est aujourd’hui très populaire en Occident, où se multiplient les ateliers de « bibliothérapie » comme la production d’ouvrages à des fins d’amélioration de la santé psychologique ou physiologiquedes lecteurs. Cette dynamique marque un tournant dans la conception du rôle joué dans la littérature depuis 1950 : après des années placées, dans les œuvres littéraires comme les approches critiques, sous le signe de la réflexivité du texte et desa clôture sur lui-même, ces nouvelles pratiques restituent à la littérature une dimension non seulement esthétique, mais aussi existentielle. Or, cette notion nouvelle en Occident fait écho à une tradition extra-européenne pluriséculaire : en effet, si le mot même de « bibliothérapie » est une création occidentale, on trouve pourtant parmi ses grands ancêtres Le Pañchatantra indien et Les Mille et une nuits, qui, à l’instar de la bibliothérapie contemporaine, affirment de deux manières différentes quels peuvent être les pouvoirs du récit. Dans Le Pañchatantra ou des œuvres proches comme Le Conte du perroquet ou Les Sept vizirs, l’histoire a avant tout une valeur d’exemplarité, destinée à agir sur celui qui l’écoute : s’apparentant au genre du miroir du prince, le livre sert aussi à engager une dynamique de perfectionnement moral. Dans Les Mille et une nuits, le récit qui sert de cadre au texte a un effet beaucoup plus physique : comme l’a montré Aboubakr Chraïbi, il sert à passer le temps, laissant à la terrible colère qui a saisi le sultan la possibilité de s’apaiser. Au miroir de ces modèles orientaux et extrême-orientaux, on voit ainsi réapparaître les deux tendances qui définissent en Occident la bibliothérapie contemporaine, laquelle revendique une action tantôt sur la sphère intellectuelle et morale, tantôt sur les mécanismes physiologiques les plus concrets. Elles regardent ainsi doublement du côté de rôle éthique joué par la littérature, à la fois comme modèle de comportement et comme guide du jugement et de la décision. Source, influence, ou modèle alternatif de guérison, ces bibliothérapies d’ailleurs méritent donc qu’on les examine. LeGroupe d’Etudes Orientales, Slaves et Néo-helléniques (GEO, UR 1340) est un lieu privilégié pour aborder la question des pratiques et poétiques autres de la notion contemporaine de « bibliothérapies » : rassemblant des spécialistes en littérature, culture et langue des aires extra-européennes, du Proche-Orient jusqu’au Japon, et des siècles anciens jusqu’à la période contemporaine, il souhaite par la tenue de ce colloque inviter à réfléchir aux différents modèles de bibliothérapie que présentent les traditions extra-européennes, mais aussi les appropriations contemporaines de cette notion au-delà de l’Europe et des États-Unis. Dans cette perspective, on aborder les thématiques suivantes :

 

  • Quel soin pour les bibliothérapies d’ailleurs ? On pourra s’interroger sur les modèles thérapeutiques mis en place par ces fictions de la guérison ou ces guérisons par la fiction pratiquées ou représentées dans les aires culturelles orientales et extrême-orientales. Quelles spécificités impliquent-ils, en termes de conception de la médecine ou de la littérature ? En quoi s’articulent-ils à une histoire, mais aussi une géographie des pratiques de lecture ? Comment s’inscrivent-ils dans la dichotomie entre guérison physique et concrète d’un côté et de l’autre guérison au sens plus figurative, allant du soin de soi à l’étai apporté aux différentes formes de vie ? Comment ces modèles nous aident-ils à comprendre la relation entre fiction, guérison et care ?
  • Pratiques et poétiques : parler de « bibliothérapie », c’est à la fois évoquer des pratiques (médicales, psychologiques, artistiques) et un imaginaire représenté dans les œuvres. L’exemple du manga japonais est à cet égard très frappant et constitue une source d’études féconde : d’un côté, on observe qu’il se conçoit et se figure lui-même comme le lieu où penser les possibilités d’appui existentiel ou de guérison produites par le livre, comme par exemple dans la série Le Maître des livres qui évoque un bibliothécaire trouvant dans ses rayonnages des solutions pour tous ceux qui passent le seuil de son institution ; mais de l’autre, il est lui-même l’objet d’une lecture de type psychologique ou sociologique, qui interroge son rôle dans la constitution des « formes de vie » propres aux adolescents contemporains, au Japon comme ailleurs (voir par exemple Les Mangas pour jeunes filles, figures du sexuel à l’adolescence de Joëlle Nouhet-Roseman). Quelles articulations se nouent entre pratique et poétique dans ces zones ? Qu’est-ce que cela dit des fonctions et du rôle social qu’y possède la littérature ? 
  • Réseau d’influences : on l’a dit, l’idée d’un livre qui guérisse évoque immédiatement de grands modèles des traditions orientales et extrême-orientales, ce qui invite à s’interroger sur leur influence sur d’autres littératures. On songe par exemple au Roman des sept sages de Rome médiéval qui brode sur un canevas asiatique, sans doute indien, ou à la réception des Mille et une nuits et autres fables arabes dont Victor Chauvin a esquissé une cartographie dans sa monumentale Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes publiés dans l’Europe chrétienne de 1810 à 1885 (1892-1922). En quoi la tradition extra-européenne intervient-elle dans la formation de l’idée de bibliothérapie ? Quels textes classiques aident à modeler l’imaginaire occidental des pouvoir du livre ? Par quel biais ? Quelles altérations le modèle subit-il ?  
  • Guérir et être guéri : dans les fictions bibliothérapeutiques ou les pratiques thérapeutiques du récit concernées, qui sont les vecteurs et les destinataires de la guérison ? On songe par exemple à la présence accrue de voix fémininesparmi ces conteuses qui apaisent, de Schéhérazade aux conteuses du Décaméron des femmes de Ioulia Voznessenskaïa (1986). Mais on pourra aussi s’intéresser à la réception réelle ou figurée de ces récits : quelles valeurs différentes de la communauté comme de la communication littéraire permettent-elles de faire apparaître ? Àterme, cette interrogation sur le personnel de la relation thérapeutique établie par le livre permet de faire un tour d’horizon des différentes manières de comprendre ces usages thérapeutiques du livre en dehors des cultures occidentales, afin de leur restituer leurs spécificités propres. 

Les propositions de communication (une page incluant une présentation bio-bibliographie) doivent parvenir à Victoire Feuillebois (feuillebois@unistra.fr) et Anthony Mangeon (amangeon@unistra.fr) pour le 30 mai 2020. Le comité scientifique du colloque donnera sa réponse pour le 15 juin 2020.

 

Foreign images and practices of bibliotherapy :

from The Arabian Nights to manga

 

International Symposium organized by Victoire Feuillebois 

(Groupe d’Etudes Orientales, Slaves et Néo-helléniques (GEO), UR 1340) 

and Anthony Mangeon (Configurations littéraires (CL), UR 1337)

With the financial support of The University of Strasbourg « excellence initiatives » d’excellence » 

(Attractivity IdEx) 

And within the framework of LETHICA Interdisciplinary Thematic Institute on Literatures, Ethics and Arts

 27-29 January 2021

University of Strasbourg

 

 

            The idea that books can cure is very popular in contemporary Western culture, where workshops of « bibliotherapy » and books aiming at strengthening or maintaining mental or physical health blossom. This new attitude towards reading is a turning point in the conception of literature’s role since 1950 : whereas during many years, literary works as well as critical approaches had developed the idea that the text was a reflexive, closed structure, this new set of images and practices connect literature not only to the aesthetic sphere, but also to everyday life. 

            Such a conception in Western areas does, however, echoes a very ancient extra-European tradition: although the word « bibliotherapy » appears to be a Western creation, it has prestigious ancestors, such as the Indian Pañchatantra or the Arabian Nights, which, like contemporary bibliotherapy, display in two different ways how powerful telling a simple story can be. In the Pañchatantra or in similar works such as The Parrot’s tale or The Seven Vizirs, the tale has an exemplary value and is destined to act morally on the one who listens to it: very close to the literary genre of the « mirrors for princes », it displays the idea that books can contribute to moral self-improvment. In the Arabian Nights, the frame tale has a much more down-to-earth effect: as Aboubakr Chraïbi has shown, the stories by Scheherazade have a pacifying effect because they allow time, and the sultan’s terrible wrath, to pass. These Eastern literary models reflect the two tendencies that define contemporary bibliotherapy, which is supposed to have effects either on the intellectual and moral sphere, either on the most physiological mechanisms. As such, they relate to the double ethical role played by literature, as a model of behaviour and as a guide to judgement and decision making. Whether they appear as sources, influences or alternative models of healing, these foreign images and practices of bibliotherapy reflected by literature deserve a closer examination. The Groupe d’Etudes Orientales, Slaves et Néo-helléniques (GEO, UR 1340) is an excellent host for such an examination of practices and poetics of foreign « bibliotherapies » : a research team gathering specialists of literatures, cultures and languages of extra-European areas, from Middle-East to Japan, and from Antiquity to the contemporary period, the GEO invites researchers to a common reflection on the different models of bibliotherapy in extra-Europeantraditions, but also on the contemporary appropriations of this notion beyond Europe and North America, along the following lines : 

 

  • What kind of « care » for foreign bibliotherapies? The first set of questions concerns the therapeutic models imagined by fictions about the curative power of books or the actual curative processes through fiction used or represented in Eastern cultures. How singular are they, in terms of conception of medicine and literature? How are they connected to a history and a geography of reading practices? How do they relate to the opposition between physical healing on the one hand and, on the other hand, a more figurative cure, ranging from self-care to support singular « forms of life »? How do these models help us to understand the relationship between fiction, healing and the notion of care?
  • Practices et poetics: speaking about « bibliotherapy » means both a set of (medical, psychological, artistic) practices and an imaginary figured in fiction itself. The example of the Japanese manga is very telling in that regard and constitutes a very interesting field of study: on the one hand, manga reflects from the inside on the possibilities of existential support or healing provided by books, as for example in the series The Master of Books, where a librarian supplies to the various individuals he meets books liable to solve their problems. On the other hand, however, manga is often analysed from a psychological or sociological perspective which investigates its role in the formation by nowadays teenagers of their idiosyncrasic « form of life », in Japan and elsewhere (see for example Les Mangas pour jeunes filles, figures du sexuel à l’adolescence by Joëlle Nouhet-Roseman). How do practices and poetics connect in these examples? How do such interactions testify of the social role and functions of literature? 
  • Network of influences: as said before, with the idea that books can heal, great models from Eastern traditions immediately come to mind, suggesting that these models have had an extended influence until today. One can think of the medieval The Seven Sages of Rome which is based on an Asian, most probably Indian, canvas, or of the reception of the Arabian Nights and other Arabian tales, which Victor Chauvin has extensively studied in his monumental Bibliographie des ouvrages arabes ou relatifs aux Arabes publiés dans l’Europe chrétienne de 1810 à 1885 (1892-1922). Does the extra-European tradition have a role in the formation of the contemporary idea of bibliotherapy and how? What classical texts have contributed to form the Western imaginary of the power of the books? How does the model have effect and is it altered in the process? 
  • To cure and be cured: in foreign bibliotherapeutic fictions or practices establishing a link between reading and cure, who does initiate the healing process and who does receive it? What are their characteristics and particularities? One can think of the numerous feminine voices among healing storytellers, from Scheherazade to Iulia Voznessenskaya’s Women Decameron (1986). But one can also turn to the real or imagined reception of these tales: do they put forward specific visions of community or of literary communication? This investigation of the people concerned by the therapeutic relationship that the book establishes enables us to stress the differences and specificities of the therapeutic uses of the book outside Western cultures.

            

The proposals (one page with bio-bibliographical sketch included) should be sent to Victoire Feuillebois (feuillebois@unistra.fr) and Anthony Mangeon (amangeon@unistra.fr) by May 30, 2020. The scientific committee will send word to the applicants by June 15, 2020.