Questions de société
Besson et Darcos renoncent à inaugurer la médiathèque de la Cité de l'Immigration (AFP) et communiqué du réseau Terra (30/03/09)

Besson et Darcos renoncent à inaugurer la médiathèque de la Cité de l'Immigration (AFP) et communiqué du réseau Terra (30/03/09)

Publié le par Bérenger Boulay

Sur cette page:

- Besson et Darcos renoncent à inaugurer la médiathèque de la Cité de l'Immigration (AFP 30/03/09)

- Laissez Abdelmalek Sayad en paix ! Non à l'instrumentalisation posthume du sociologue de l'immigration (Communiqué du réseau scientifique Terra 30/03/09)

Lien (dessin satirique): E.Besson, ministre de l'immigration, X. Darcos, ministre del'Education Nationale, V. Pécresse, ministre de l'Enseignementsupérieur et C. Albanel, ministre de la Culture, devaientinaugurer ce lundi la médiathèque de la Cité nationale de l'Histoire del'Immigration. Par Morvandiau


Besson et Darcos renoncent à inaugurer la médiathèque de la Cité de l'Immigration (AFP 30/03/09)

Les ministres de l'Immigration Eric Besson et de l'Education nationaleXavier Darcos ont renoncé lundi en fin de matinée à inaugurer lamédiathèque de la Cité nationale de l'Histoire de l'Immigration à Paris(XIIe), en raison de manifestations hostiles, a constaté unejournaliste de l'AFP.

Des étudiants et des intermittents duspectacle, qui figuraient sur la listes des invités, ont empêché eneffet par leurs cris les discours des deux ministres.

"On estsolidaires des sans-papiers", ont scandé des manifestants dansl'enceinte même du bâtiment. A l'extérieur du musée, des forces depolice retenaient des représentants d'associations, comme Droits Devantet le 9ème Collectif des sans-papiers. "Est-il indispensable de salirl'Education nationale en l'associant au ministère des expulsions?", acrié une étudiante en histoire de l'Ecole normale supérieure.

Selonla préfecture de police, "aucune difficulté n'a émaillé le déroulementde la manifestation à l'extérieur qui était encadrée par la préfecturede police", précisant que les difficultés qui sont survenues àl'intérieur étaient "le fait de personnes invitées".

Lesministres de la Culture Christine Albanel et de l'Enseignementsupérieur Valérie Pécresse, qui avaient annoncé en fin de semainedernière leur participation à la cérémonie, ne sont finalement pasvenues, faisant valoir des raisons de calendrier.

La Cité nationale de l'Histoire de l'Immigration a ouvert ses portes en octobre 2007 sans inauguration officielle.

Bâtimentde pur style art déco, construit à l'occasion de l'Exposition colonialede 1931, le Palais de la porte Dorée a été tour à tour musée descolonies puis musée de la France d'outre-mer en 1935, avant de devenircelui des Arts africains et océaniens.

Page associée: Pécresse, Darcos, Besson et Albanel inaugurent la médiathèque de la cité de l'immigration le 30/03/09: comité d'accueil.

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Communiqué du réseau scientifique Terra

http://www.reseau-terra.eu/article884.html

Collectif - 30 mars 2009

Laissez Abdelmalek Sayad en paix ! Non à l'instrumentalisation posthume du sociologue de l'immigration

Lamédiathèque « Abdelmalek Sayad » de la cité de l'immigration ouvrira lelundi 30 mars Pourquoi pas ? La création d'un outil institutionnelouvert au public destiné à la promotion et à la valorisation descultures de l'immigration a une utilité pédagogique en ces temps destigmatisation tout azimut des populations venant des pays du Sud. Lefait que l'on donne le nom d'un intellectuel à une médiathèque n'a pasnon plus en soi un caractère scandaleux. En revanche l'idée que lafigure emblématique de la sociologie de l'immigration soit ainsiinstrumentalisée et que cette inauguration soit conduite par lesministres C. Aubanel (Culture), X. Darcos (Education nationale), V.Pécresse (Enseignement supérieur et recherche) et E. Besson(Immigration et identité nationale) est inadmissible pour ceux quirespectent son oeuvre. Que A. Sayad, décédé en 1998, soit arboré par despersonnes ayant manifesté du mépris pour la pensée, pour le bien communet participant de la xénophobie de gouvernement dans une cérémoniepublique officielle est inacceptable. Il est pénible de penser que ledépositaire de la politique d'expulsion, d'arrestation et de traque desétrangers, le ministre de l'immigration, de l'identité nationale, del'intégration et du développement solidaire, puisse récupérer d'unequelconque manière cette haute personnalité de la pensée.

Il y a plusieurs raisons à cela :

- Les critiques suscitées par la création en2006 de la Cité nationale de l'histoire de l'immigration (CNHI) et leshypothèques qui pèsent depuis sur l'établissement public de la PorteDorée, auquel est rattachée cette médiathèque, ne sont pas levées.Rappelons-en rapidement quelques-unes : Le fait d'avoir imaginé unétablissement ad hoc, en dehors de l'institution muséographique, pouraborder l'histoire et la mémoire immigrée pose toujours problème. Commel'a expliqué A. Sayad, l'immigration est toujours traitée comme un casparticulier et ne fait jamais l'objet d'une prise en charge banale parle droit commun. En outre le symbole du site choisi pour installer laCité, anciennement palais des colonies et jardin d'acclimatation estpour le moins de mauvais goût vu son histoire. Enfin, au vu desmodalités du pilotage très « politique » et des découpagesethnico-thématiques des actions de la CNHI, les interrogations sur lamanipulation symbolique demeurent entières. Les multiples escamotageset soubresauts qui ont accompagné la gestation et le lancement de laCité, ainsi que la démission d'historiens de l'immigration de sonconseil scientifique, ont témoigné de ces tensions. Rien n'a été réglépour éviter les risques d'une production culturelle officielle,étatisée et ethnocentrée du récit des migrations.

- Deuxième raison fondamentale de notre refusde cette instrumentalisation : qu'est-ce qui justifie le fait de donnerle nom d'Abdelmalek Sayad à un équipement culturel dédié àl'immigration ? N'est-ce pas une façon réitérée d'assigneridentitairement et de confiner l'immigration, post-coloniale etalgérienne en l'occurrence, dans cet espace ? Pourquoi à l'inversea-t-on empêché qu'un collège des Hauts-de-Seine porte le nom duco-auteur du « Nanterre algérien » (1995) et de l'égal de Pierre Bourdieu ? Selon certains élus du département cela aurait été « porteur d'une trop forte connotation identitaire qui risquait d'enfermer ce collège dans une image communautariste » ! Et comme l'avait assené la vice-présidente du Conseil Général pour s'opposer à ce que le collège, aujourd'hui appelé « République », porte ce nom en dépit de la mobilisation associative - « il faut choisir des noms qui ne prêtent pas à la polémique » (sic) ! Ce qui veut dire : « pas de nom à consonance algérienne pour un équipement d'enseignement». Mais un tel nom reste en revanche possible pour une médiathèque surl'immigration inaugurée en grande pompe, pour faire symbole. Au beaupays de la République une et indivisible, un équipement dédié àl'immigration ne peut que porter un nom renvoyant à sa supposéealtérité. Est-ce cela la philosophie de la diversité ? Qui ethniciseici ?

N'entraînonspas A. Sayad dans cette galère de la fausse repentance et de la vraiecommémoration! Savent-ils seulement, ces mondains, qui était A. Sayad ?Ont-ils lu ne serait-ce qu'une seule ligne d'un seul article de cetorfèvre patient et obstiné de la désoccultation des rapports dedomination dans la migration ? Connaissent-ils « Les ‘‘trois âges'' de l'émigration algérienne » (1977) ou El Ghorba(1975) narrant l'histoire de Mohand le Kabyle cachant à sa mère qu'ilpart de son village pour venir travailler en métropole ? Ont-ils jamaisentendu parler du « foyer des sans-famille » (1980) mettant ànu le système d'encadrement spatial des migrants post-coloniaux ouencore de « la ‘‘vacance'' comme pathologie de la condition immigrée »(1986) dévoilant les mécanismes du vieillissement en migration ? Non.Ces titulaires de maroquins n'en veulent rien savoir. Ils peuvent biendéclamer quelques sonnets tirés du Lagarde et Michard dans des talkshow télévisés, ou inaugurer les musées du pillage colonial quand leurmaître, l'homme du discours de Dakar, piétine la Princesse de Clèves,mais point lire l'auteur de « La pauvreté exotique » (2006) et de « L'immigration et la ‘‘pensée d'Etat'' » (1997).

Penserque ces représentants politiques qui ferment des instituts culturels àl'étranger et des classes d'appui dans les quartiers populaires, quiprécarisent et méprisent les enseignants, privatisent les chercheurs etexternalisent les personnels des universités puissent inaugurer deconserve une médiathèque Abdelmalek Sayad est proprement inacceptable.

30 mars 2009

Agier Michel (anthropologue IRD - EHESS, CEAf)
Bazenguissa-Ganga Rémy (anthropologue Lille 1, EHESS-CEAf)
Bernardot Marc (sociologue, Univ. Le Havre)
Bigo Didier (politiste, Science Po, CERI, CEC)
Brossat Alain (philosophe, Univ. Paris 8)
Doytcheva Milena (politiste, Univ. Lille 3, GRACC)
Freedman Jane (politiste, Univ. Southampton / Univ. Paris 1, CRPS)
Guénif Nacira (sociologue, Univ. Paris 13)
Guichard Eric (information & communication, ENSSIB, Lyon)
Ivekovic Rada (philosophe, Univ. Saint-Etienne, Collège international de philosophie)
Le Cour Grandmaison Olivier (politiste, Univ. Evry)
Lemarchand Arnaud (économiste, Univ. Le Havre)
Palidda Salvatore (sociologue, Univ. Gênes)
Poiret Christian (sociologue, Univ. Paris 7)
Rechtman Richard (Psychiatre et anthropologue, Hôpital Marcel Rivière, EHESS-Iris)
Thomas Hélène (politiste, IEP Aix)
Valluy Jérôme (politiste, Univ. Paris 1, CRPS)

Citer cet article : Collectif - 30 mars 2009, "LaissezAbdelmalek Sayad en paix ! Non à l'instrumentalisation posthume dusociologue de l'immigration", TERRA-Editions, Coll. "Reflets", 30 mars 2009 : http://www.reseau-terra.eu/article8...